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ressaisir le sceptre. Les mots de clémence ou d'amnistie ne s'y trouve pas plus que ceux de Constitution ou de liberté. Quelques paroles, jetées dédaigneusement sur les écrits qui ont paru depuis le 31 mars, semblent, il est vrai, offrir à ceux qui ont attaqué la tyrannie renversée, la garantie du mépris; mais ces paroles ne contiennent aucun engagement elles laissent le champ libre à toutes les vengeances.

Les proclamations de Buonaparte ne sont point celles d'un prince qui se croit des droits au trône : elles ne sont pas même celles d'un factieux qui s'efforce de tenter le peuple par l'appât de la liberté : ce sont les proclamations d'un chef armé qui fait briller son sabre pour exciter l'avidité de ses satellites, et les lancer sur les citoyens comme sur une proie. C'est Attila, c'est Gengis-Kan, plus terrible et plus odieux, parce que les ressources de la civilisation sont à son usage; on voit qu'il les prépare pour régulariser le massacre et pour administrer le pillage: il ne déguise pas ses projets; il nous méprise trop pour daigner nous séduire.

Et quel peuple, en effet, serait plus digne que nous d'être méprisé, si nous tendions nos bras à ses fers! Après avoir été la terreur de l'Europe, nous en deviendrions la risée; nous reprendrions un maître que nous avons nous-mêmes couvert d'opprobre. Il y a un an, nous pouvions nous dire entraînés par

l'enthousiasme ou trompés par la ruse. Aujourd'hui, nous avons proclamé que nos yeux étaient ouverts; que nous détestions le joug de cet homme. C'est contre notre vœu connu, déclaré, répété mille fois, que nous reprendrions ce joug effroyable; nous nous reconnaîtrions nous-mêmes pour une nation d'esclaves; notre esclavage n'aurait plus d'excuse, notre abjection plus de bornes.

Et, du sein de cette abjection profonde, qu'oserions-nous dire à ce Roi que nous aurions pu ne pas rappeler car les puissances voulaient respecter l'indépendance du vou national; à ce Roi que nous avons attiré par des résolutions spontanées sur la terre où déja sa famille avait tant souffert? Lui dirions-nous : « Vous aviez cru aux Français; nous vous avons entouré d'hommages et rassuré par nos sermens. Vous avez quitté votre asile, vous êtes venu au milieu de nous, seul et désarmé. Tant que nul danger n'existait, tant que vous disposiez des faveurs et de la puissance, un peuple immense vous a étourdi par des acclamations bruyantes. Vous n'avez pas abusé de son enthousiasme. Si vos ministres ont commis beaucoup de fautes, vous avez été noble, bon, sensible. Une année de votre règne n'a pas fait répandre autant de larmes qu'un seul jour du règne de Buonaparte. Mais il reparaît sur l'extrémité de notre territoire, il reparaît cet homme teint de notre sang, et poursuivi naguère par nos malédictions

unanimes. Il se montre, il menace, et ni les sermens ne nous retiennent, ni vos vertus ne nous imposent, ni votre confiance ne nous attendrit, ni la vieillesse ne nous frappe de respect. Vous avez cru trouver une nation, vous n'avez trouvé qu'un troupeau d'esclaves parjures. »

Non, tel ne sera pas notre langage. Tel ne sera du moins pas le mien. Je le dis aujourd'hui sans crainte d'être méconnu : j'ai voulu la liberté sous diverses formes; j'ai vu qu'elle était possible sous la monarchie je vois le Roi se rallier à la nation; je n'irai pas, misérable transfuge, me traîner d'un pouvoir à l'autre, couvrir l'infamie par le sophisme, et balbutier des mots profanes pour racheter une vie honteuse.

Mais ce n'est point le sort qui nous attend. Ces guerriers qui, durant vingt-cinq années, ont couvert la France d'une immense gloire, ne seront pas les instrumens de la honte nationale. Ils ne vendront pas leur patrie, qui les a admirés et qui les chérit. Trompés un instant, ils reviendront aux drapeaux français. Affligés de quelques erreurs dont ils furent victimes, ils voient ces erreurs réparées. Ils ont pour ́guides leurs anciens chefs, leurs frères d'armes, ceux qui les conduisirent si souvent à la victoire, ceux qui connaissant leurs services aideront le monarque à les récompenser. L'égarement d'un jour doit être oublié. Ils ont peut-être ignoré leurs propres fautes. La nation les ignorera comme eux, pour se

rappeler leur valeur admirable et leur immortelle

renommée (1).

BENJAMIN CONSTANT.

No XLI.

Au palais des Tuileries, le 25 mars 1815.

Napoléon, empereur des Français;

Nos ministres d'Etat entendus,

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit : Art. 1er. Les lois des assemblées nationales applicables à la famille des Bourbons seront exécutées selon leur forme et teneur. Ceux des membres de cette famille qui seraient trouvés sur le territoire de l'empire seront traduits devant les tribunaux pour y être jugés conformément auxdites lois.

2. Ceux qui auraient accepté des fonctions ministérielles sous le gouvernement de Louis-Stanislas Xavier, comte de Lille; ceux qui auraient fait partie de sa maison militaire et civile, ou de celles des princes de sa famille, seront tenus de s'éloigner de notre bonne ville de Paris, à trente lieues de poste. Il en sera de même des chefs, commandans et officiers des rassemblemens formés et armés pour le renversement du gouvernement impérial, et de tous ceux qui ont fait partie des bandes de chouans.

(1) Tout le monde sait que six jours après M. Benjamin Constant était conseiller d'Etat de Buonaparte.

3. Les individus compris dans l'article précédent seront tenus, sur la réquisition qui leur en sera faite, de prêter le serment voulu par les lois. En cas de refus, ils seront soumis à la surveillance de la haute police; et, sur le rapport qui nous en sera fait, il pourra être pris à leur égard telle autre mesure que l'intérêt de l'Etat exigera.

No LXII.

Marie-Thérèse de France, Fille de France, duchesse d'Angoulême, aux Bordelais.

BRAVES BORDELAIS!

Votre fidélité m'est connue. Votre dévoûment sans bornes ne vous permet pas de voir les dangers; mais mon affection pour vous, pour tous les Français, me fait une loi de les prévoir. Mon séjour plus long-temps prolongé dans votre ville pourrait rendre votre position périlleuse, et vous exposer aux coups de la vengeance. Je n'ai pas le courage de voir des Français malheureux, et d'en être cause.

Je vous quitte, braves Bordelais, pénétrée des sentimens que vous m'avez témoignés ; je vous donne l'assurance qu'ils seront fidèlement transmis au Roi. Bientôt, avec l'aide de Dieu, dans des circonstances plus heureuses, je vous témoignerai ma reconnaissance et celle du prince que vous chérissez.

Signé MARIE-THÉRÈSE.

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