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Les délits de la presse, quelque légers qu'ils soient, ne peuvent être soumis qu'à un jury.

Il faut avoir bien soin de mettre à l'article des abolitions, les tribunaux d'exception de quelque espèce qu'ils puissent ètre. Il faudrait que le comité appelât en consultation ton beau-père, Gallois, Daunou, Lambrecht et Jacquemont.

A MADAME D'HÉNIN,

29 juin 1815.

Cette lettre est dictée en voiture, sur la route de Haguenau, où je vais, avec cinq collègues, négocier le mieux qu'il me sera possible les intérêts de la patrie et de la liberté publique. Vous fûtes témoin, ma chère princesse, de mon dévouement à défendre la cause déjà perdue des Bourbons, pourvu qu'ils voulussent enfin l'allier à la cause de la liberté; leur répugnance pour les principes libéraux se manifesta jusqu'au dernier moment, comme à l'époque de 92, où la cour aima mieux périr que d'être sauvée par les constitutionnels.

Les Bourbons et leurs favoris avaient tellement alarmé tous les intérêts, choqué toutes les vanités, mécontenté toutes les classes et les individus, même parmi les émigrés et dans leur propre maison, qu'une foule de citoyens honnêtes, amis de la liberté et de la justice, se livraient follement à des espérances en la conversion de Bonaparte. J'ai eu à combattre ce sentiment dans plusieurs des personnes avec les

quelles j'avais, depuis douze ans, gémi du gouvernement de Napoléon et cherché, au risque de notre vie, à renverser son despotisme. Quant à moi, je ne me suis pas fait un instant d'illusion, et je n'ai pas perdu une occasion de manifester mon vif regret de son retour. D'une autre côté, j'avais reconnu pendant dix mois l'incorrigibilité des princes et de leurs entours; j'avais été plus frappé que jamais de l'immoralité politique de ce parti.

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Si nous avions trouvé dans la Chainbre la disposition que nous aurions pu désirer, elle se serait déclarée tout de suite constituante et aurait pris les rênes du gouvernement; elle en avait bien le droit, quoi qu'on puisse dire et que j'aie dit moi-même plus que personne, sur l'irrégularité des signatures de l'acte additionnel et même des élections par des colléges électoraux à vie. Il y avait là plus de nationalité que dans la Chambre des députés, dont l'élection était plus défectueuse dans l'origine et dont les pouvoirs tels quels étaient finis. Cette convocation était le seul moyen d'avoir des députés, et les 629 représentants de ceux qui avaient voulu remplir leurs fonctions d'électeurs avaient été choisis sans influence du gouvernement, qui n'avait pas même nommé les présidents des colléges.

Notre assemblée, la première élue depuis bien des années, se sent de l'absence d'une partie des royalistes et de beaucoup d'électeurs modérés ou timides qui ont craint de se compromettre dans cette crise. La très grande majorité est venue persuadée que les intérêts, les sentiments de la révolution et la défense du pays tenaient au soutien de Bonaparte et du sys

tème impérial mitigé; mais on y voit généralement beaucoup de courage, de probité, de patriotisme, des talents distingués, la haine des priviléges et des privilégiés. Les conventionnels, à l'exception des craintes et de quelques répugnances tenant à leur situation, y portent des idées plus saines et plus modérées qu'on ne le croit.

Vous avez pu voir que quelques hommes de l'opposition de l'année passée s'étaient rangés dans le parti impérial, plusieurs avec le titre ou la promesse du conseil-d'état. Flaugergues nous est toujours resté fidèle; tous étaient réunis pour la défense du pays. - Nous avions obtenu, malgré le vœu et la recommandation de l'empereur, un.comité de constitution pour jeter à bas le fatras de sériatus-consultes et faire un acte constitutionnel. J'avais eu avec le prince Lucien une conversation, et je ne lui avais pas caché mon peu de confiance pour son frère; de son côté, il n'avait pas cherché à détruire ce sentiment. Je vis que son objet était de m'engager, en cas que Napoléon pérît, à soutenir le parti de la régence. Je lui répondis que je mettais beaucoup plus de prix aux institutions qu'aux dynasties et aux hommes, et que je ne pouvais prendre aucun engagement, ne songeant, dans mon acte de dévouement, qu'à défendre l'indépendance et la liberté nationale contre l'invasion étrangère et contre l'oppression domestique; nous nous séparâmes bons amis, ce qui n'a pas duré long-temps.

Nous en étions là, lorsque, le 21 au matin, nous apprîmes la défaite de l'empereur. On vint m'avertir successivement qu'il était arrivé à l'Élysée; qu'il se

préparait à se faire déclarer dictateur et à dissoudre les Chambres, sans doute pour remuer tous les moyens de l'anarchie et ensevelir la France sous sa ruine... Déjà ses voitures de parade se préparaient. Jusque-là je n'avais pas dit un mot à l'assemblée; j'allai chez Fouché pour m'assurer de la vérité des faits; ils me furent confirmés par Regnault, revenant de l'Élysée (1). Je leur déclarai que j'allais gagner l'empereur de vitesse. Je pressai Lanjuinais d'ouvrir la séance. Vous avez lu mon discours et les résolutions que l'assemblée prit à ma demande. Napoléon avait pour lui la garde impériale et une partie des fédérés des faubourgs. La garde nationale vint m'offrir son appui et des bataillons arrivèrent spontanément pour se ranger autour du palais législatif; la Chambre des pairs adopta mot à mot notre résolution. Ce fut avec beaucoup de peine qu'on décida l'empereur à laisser venir ses ministres; nous leur fimes, subir un interrogatoire ; ils avaient demandé l'évacuation des galeries, mais comme il restait six cents députés, la séance fut encore intéressante (2).

On convint ensuite d'une assemblée aux Tuileries, où une commission de cinq représentants et de cinq pairs se trouverait avec tous les ministres, y compris les conseillers-d'état ayant ce titre. Nous y restâmes jusqu'à trois heures du matin; j'y déclarai qu'il n'y avait de salut possible que par l'abdication de l'empereur; je demandai qu'on la mît aux voix; je fus appuyé par Lanjuinais et Flaugergues. L'archi-chan

(1) M. Regnault remplissait alors, outre les fonctions de député, celles de ministre d'état et de président de la section des finances au conseil d'état.

(2) Voyez sur cette séance la p. 453 de ce vol.

celier déclara que s'il avait cru qu'on parlerait de telle chose il se serait abstenu de venir. Nous nous sé parâmes pour combattre bientôt après aux Chambres.

Vous avez vu dans le Moniteur la séance du 22. C'est moi qui chargeai un ministre d'état d'aller dire à l'empereur que nous lui donnions une heure pour abdiquer, et qu'au bout de cette heure sa déchéance serait prononcée. Il y avait eu la nuit quelques mouvements de troupes et d'émeutes, mais la garde nationale était parfaitement disposée. Nous avions nommé une commission d'inspecteurs de la salle choisis par le bureau qui donnait des ordres à nos défenseurs.

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Le bureau fut chargé de porter à l'empereur l'acte de l'acceptation du peuple français, formule qui constatait son abdication mieux qu'elle ne l'avait été à Fontainebleau. Je faisais partie de cette députation; il la reçut avec beaucoup de calme et de dignité. Son maintien et ses discours furent parfaits; il ne parla qu'au président; vous jugez bien que je ne me mis pas en avant. Les débats du lendemain. vous prouveront que la Chambre avait cru trouver dans la régence plus de garanties de la révolution que partout ailleurs; mais le grand objet des frères Bonaparte a été manqué : ils voulaient conserver le pouvoir; on le mit dans les mains d'une commission élective. On est con⚫ venu du renvoi de toute la famille.

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Les choix de la commission exécutive vous prouveront combien on a craint le bourbonisme, même celui de la branche d'Orléans. Les modérés de l'assemblée portaient Macdonald et moi; le choix de Fouché plaît aux royalistes. On a balancé, pour moi, entre

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