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moins desservie par les hommes de la révolution que par ses adversaires déclarés, mais où rien de ce qui a été fait pour ou contre cette cause n'a été perdu, malgré les apparences présentes, pour assurer son triomphe prochain, d'abord en France, et bientôt après dans toute l'Europe.

CHAPITRE PREMIER.

A la nouvelle du débarquement de Napoléon, il s'établit trois principaux foyers de l'intérêt européen : Paris, où le roi, après une hésitation très marquée, consentit à convoquer le corps législatif; Vienne, où les puissances coalisées qui étaient prêtes à se séparer et même à se brouiller, réunies tout-à-coup par ce danger inattendu, se trouvèrent encore à temps de prendre une résolution commune; et ce point tricolore du golfe Juan, d'abord presque imperceptible, mais qui se grossissait, dans sa marche rapide, de toutes les adhésions que le gouvernement royal semblait lui avoir préparées. Les proclamations de Bonaparte aux Français, à l'armée; l'adresse dictée à sa garde, réveillant en termes énergiques les souvenirs glorieux, les mécontentements actuels, opposant les couleurs nationales aux signes de la contre-révolution, affectaient le plus libéral patriotisme, le recours unique à la souveraineté du peuple; ce ne fut pourtant pas sans quelques restes du système militaire. Ainsi ses soldats déclarèrent illégitime ce qui n'avait pas été

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consenti par la nation et par eux; mais rien ne vaut son instruction au commandant des quarante hommes d'avant-garde; nous en devons la connaissance au procès que le royalisme a depuis fait subir à ce général « Cambronne, » lui écrivait-il, « voici ma plus belle campagne. Je vous confie le commande<< ment de mon avant-garde. Je vous défends de tirer « un seul coup de fusil. Partout vous ne rencontrerez «< que des amis; songez que ma couronne doit m'être <«< rendue sans répandre une seule goutte de sang << français. >>

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En effet, on arriva sans ceup férir jusqu'à un défilé en avant de Grenoble (1). La troupe royale allait faire feu lorsque Bonaparte, se présentant les mains derrière le dos, leur demanda s'ils voulaient tirer sur lui. Les fusils se relevèrent aux cris de vive l'empereur! C'est ainsi qu'une autre fois, faisant poser armes à ses soldats : « Allez, » leur dit-il, « embrasser « vos frères, » et chacun ramena un camarade. La question de non-résistance fut surtout décidée par le colonel Labédoyère. Ce jeune homme, qu'on avait mis, malgré lui, à la tête d'un régiment, sortit de Grenoble avec son corps pour se joindre à Napoléon. On rentra bientôt dans la ville aux applaudissements de la garnison et du peuple; l'artillerie et les munitions que les autorités militaires de Lyon avaient négligé de faire retirer, tombèrent dans leurs nains. Les campagnes furent dans l'ivresse. Le commandant de la division, Roger de Damas, qui était en congé à Paris, le maréchal Macdonald et le comte d'Artois

(1) Le 7 mars.

n'arrivèrent à Lyon que pour voir les troupes et la ville se livrer avec enthousiasme au rédempteur de la révolution (1). Ses manières étaient toutes républicaines. Entouré de la multitude, il découvrait sa poitrine, proposant gaîment de gagner le prix qu'on avait mis, disait-on, à sa tête. Il gronda ceux qui avaient manqué de respect aux princes, donna la croix d'honneur au seul garde national qui eût voulu accompagner le comte d'Artois et recommanda partout de ménager le roi et sa famille. Si ce n'est là une belle page d'histoire, je ne m'y connais pas.

Ce fut le 5 mars qu'on apprit aux Tuileries le débarquement de Napoléon; deux proclamations royales du 6 parurent le lendemain dans le Moniteur. L'une convoquait les chambres; l'autre mettait hors la loi Bonaparte, ordonnant à tout le monde de lui courir sus, et à tout conseil de guerre de le condamner sur l'identité (2). Cette disposition, prise dans les lois révolutionnaires contre les émigrés, s'étendait à tous ses compagnons auxquels on n'accordait, de Paris, que huit jours pour se soumettre. A ces mesures publiques se joignirent de secrètes embûches: « S'il «< avait passé où nous l'attendions, » me disait un ministre, «< c'en était fait de lui. » Il est juste d'ajouter que le principal agent de cette affaire, arrêté

(1) Le 10 mars.

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(2) Napoléon Bonaparte est déclaré traître et rebelle pour s'être introduit à main armée dans le département du Var. Il est enjoint à tous les gouverneurs, commandants de la force armée, gardes nationales, autorités civiles et même aux simples citoyens, de lui courir sus, de l'arrêter et de le traduire incontinent devant un conseil de guerre qui, après avoir reconnu l'identité, prononcera contre lui les peines portées par la loi. » (Ordonnance du roi du 6 mars.)

et conduit à Paris, en a été quitte, pendant les Cent jours, pour un emprisonnement très mitigé. Je trouvai que les premiers mouvements de la cour et de la ville avaient été la surprise et le dédain; tous les partis traitaient l'entreprise de folie, Bonaparte d'homme perdu, avec la différence que, parmi les royalistes, on voyait percer la joie d'être délivrés d'un épouvantail et bientôt après des gênes de la Charte, dont pourtant les ministres parlaient plus que ja

mais.

Quant aux conspirateurs plus ou moins avancés dans le désir ou les préparatifs d'un mouvement contre les Bourbons, il est encore difficile de distinguer ceux qui, feignant de vouloir écarter Bonaparte, l'avaient réellement servi et appelé, de ceux qui ont toujours cru de bonne foi ne pas travailler pour lui. Mais ceux-ci, on n'en saurait douter, pensèrent que, par son arrivée, il les avait perdus en se perdant lui-même. Le fait est que cette vaine surface de démonstrations passagères, auxquelles les pouvoirs successifs veulent bien se méprendre, le royalisme mercantile de quelques cités maritimes, et à Paris une confiance bourgeoise dans la Charte tenant lieu d'inquiétude patriotique, avaient en partie dissimulé le bouillonnement intérieur de l'opinion qui n'attendait qu'une issue. Il existait surtout dans la classe ouvrière des villes, dans l'armée, et dans la presque totalité des campagnes « dont l'opinion », comme l'observe un mémoire de Fouché au roi, «< trop souvent oubliée, a de plus en plus causé et << peut expliquer la plupart des mécomptes de l'aristo<«< cratie. » On peut attribuer au même oubli beaucoup

de mécomptes des autres partis, nommément parmi les penseurs de la capitale. Bientôt on sut que, sur la route de Napoléon, et dans toutes les directions qui pouvaient aboutir à lui, la cause des Bourbons était abandonnée. Les couleurs nationales repoussées par eux, reparaissaient avec un nouveau prestige, qui, au premier contact, et même à d'assez grandes distances, précipitaient les soldats dans les rangs impériaux. Ils avaient voulu confondre les bienfaits de la révolution avec les fléaux du jacobinisme, les droits de la nation avec les usurpations bonapartistes, et à présent les mots jadis si discordants de vive la liberté! vive l'empereur! étaient devenus synonymes. On vit les diverses nuances des royalistes, plus tôt ou plus tard, mais chacune sans degrés intermédiaires, passer tout-àcoup de l'extrême jactance à l'extrême découragement. Les princes revenaient sans avoir fait, non seulement ce qu'on avait espéré d'eux, mais ce qui leur restait à faire, et c'est encore aux procès intentés par eux que nous devons ces révélations. Les maréchaux allaient être réduits à revenir seuls, comine Macdonald, ou à se livrer comme Ney au mouvement général.

La conduite du ministère fut pitoyable : Talleyrand était à Vienne (1); je n'examine point quels furent les motifs des dispositions militaires du maréchal Soult; mais je sais que depuis qu'il eut remis au roi son portefeuille, dont le duc de Feltre fut chargé (2),

(1) Après quelques négociations préliminaires, le congrès de Vienne avait été ouvert le 1er novembre 1814.

(2) Le 11 mars 1815.

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