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«Jusqu'à ce que le gouvernement d'un usurpateur soit sanctionné par le temps ou par l'assentiment général, on ne peut regarder comme coupables ni ceux qui lui obéissent, ni ceux qui lui résistent. Les grands intérêts de sûreté, de repos et de propriété, sont les mêmes dans les deux partis; et la force qui parvient à détruire cette opposition, en la noyant même dans le sang, ne saurait la flétrir (1). »

« L'appui que cette opposition peut obtenir des puissances en guerre avec la France, est absolument dans les termes du droit public: car il ne s'agit pas de renverser un gouvernement reconnu, mais de l'empêcher de s'établir au détriment des étrangers, et d'une grande partie des Français eux-mêmes. >>

Telle fut la réponse que les publicistes anglais firent à la provocation du premier consul, et qu'il ne put jamais comprendre. Il n'y avait pas encore un an qu'il régnait, et il se croyait déjà le monarque le plus ancien de l'Europe, comme il en était le plus absolu. Né dans les dernières classes de la société, et parvenu à force d'intrigues, de bassesses et de violences,

(1) Ceci est relatif aux querelles des maisons d'York et d'Anjou, et, plus récemment, à celles des maisons d'Hanovre et de Stuart.

à s'affranchir de la misère, et à sortir de son obscurité native, il avait oublié complètement son origine et ses moyens d'élévation; il était vain, fier et dédaigneux, comme tous les parvenus il ne pardonnait pas aux Anglais la liberté qu'ils prenaient souvent de se moquer de sa hauteur, de ses prétentions, et de ses fureurs. Il frémissait de rage au seul nom de MM. Pitt et Greenville, qui défendaient leur pays tantôt par la puissance des armes et tantôt par celle de la raison.

Il se plaignait continuellement des libelles, des pamphlets et des caricatures qui paraissaient contre lui à Londres; et lui-même publiait à Paris ou faisait publier des caricatures, des pamphlets et des libelles contre le gouvernement anglais.

Pour donner une idée de son talent en ce genre, nous citerons quelques phrases d'un article qui parut dans l'Argus (1), et qu'on lui

attribua.

(1) Tel était le nom d'un journal qui se faisait dans les bureaux et par les soins d'un commis des relations extérieures. Son objet principal était d'injurier les Anglais; mais sa composition avait quelque chose de singulier, et qui mérite d'être rappelé. On le composait d'abord en français, puis on le traduisait en anglais pour les badauds, qui croyaient que ce journal venait d'Angleterre. Enfin, pour ceux qui ne savaient pas

« Ce n'est plus assez, disait-il, , pour le gouvernement anglais, qu'une armée de libellistes employée à vomir journellement les injures les plus grossières contre la France. Soit que leur intarissable fécondité soit à bout, ou que leurs invectives absurdes ne secondent pas suffisamment à leur gré les louables desseins de ceux qui les paient, le ministère anglais vient de prendre un autre parti: c'est de faire distribuer par numéros une collection complète de satires et de chansons, pièces rimées ou en prose, que le fiel et de vieilles haines ont, depuis cent ans, mises au jour contre la France. La distribution en est confiée à tous les corps civils, militaires, ecclésiastiques; aucun fidèle sujet de S. M. ne doit être privé des avantages d'un papier si précieux. Il faut croire que cette admirable production servira d'amusement aux volontaires, et même qu'elle trompera la faim de leurs femmes et de leurs enfants.... »

<<< Tels sont les honnêtes moyens que, dans la nécessité de cacher son embarras et ses bévues à un peuple réduit à des extrémités déplorables, emploie le gouvernement anglais. Qu'espère-t-il par là? entretenir dans l'esprit

l'anglais, on en traduisait les morceaux les plus saillants, c'està-dire, les plus injurieux, qu'on envoyait par ordre à tous les autres journaux.

des Anglais une haute idée de leur puissance; qu'il se détrompe, etc. etc. »

Ces misérables déclamations ne faisaient aucune impression sur l'esprit des gens éclairés. Mais dans la classe du peuple, des ouvriers, et des marchands, elles entretenaient des haines nationales, des erreurs superstitieuses, et des préjugés honteux. On était venu à bout de persuader aux uns et aux autres, que les Anglais étaient tout à la fois les plus rusés politiques de l'Europe et les dominateurs les plus insolents, le peuple le plus factieux et le plus esclave, des calculateurs profonds et des raisonneurs ineptes. On leur avait fait accroire qu'ils étaient la cause unique de tous les maux et de tous les crimes de la révolution; que c'étaient eux qui avaient brûlé les châteaux des nobles, pillé nos églises, démoli nos manufactures, égorgé nos femmes et nos enfants. Ce sont eux qui ont proclamé la loi des suspects par la bouche de M. Merlin; qui ont assassiné Louis XVI par les mains de la Convention; qui ont mis Buonaparte sur le trône pour épuiser d'abord tout le sang que nous avions dans les veines, et ensuite pour nous enlever nos colonies, nos vaisseaux, nos places maritimes, etc..... Que n'ont-ils pas fait? Voyons maintenant jusqu'à quel point ces imputations sont fondées.

CHAPITRE V.

Des Anglais.

Il fut un temps, et ce temps n'est

L

pas

loin,

où rien n'était bien fait en France, s'il ne venait d'Angleterre; alors, pour être à la mode, et paraître avec quelque avantage dans le monde, il fallait avoir au moins un chapeau, des bottes et un frack à l'anglaise. Nos chevaux, nos équipages, nos jockeys, nos meubles, tout était anglais. Nous faisions venir d'Angleterre nos livres et nos rasoirs, nos montres et nos rubans, les instruments de chirurgie et les joujoux de nos enfants. En un mot, tout ce qui venait de ce pays était admirable à nos yeux, avait droit à notre curiosité, excitait notre intérêt au plus haut degré.

Ce qui l'excitait surtout, et peut-être ce qui en était la source, c'était la liberté, dont ce peuple nous paraissait jouir à l'abri de sa constitution; c'était sa noble attitude devant le pouvoir; c'étaient les débats parlementaires; c'était enfin l'esprit d'opposition qui arrêtait les abus de l'autorité, sans mettre d'entraves à son exercice.

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