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jacobins l'attendaient avec effroi; les conjurés avec confiance.

Que les jacobins fussent effrayés d'une mesure qui déconcertait celles qu'ils avaient prises, je le conçois; mais je n'ai jamais pu comprendre comment ils s'étaient laissés prévenir dans une circonstance aussi décisive. Ils paraissaient anéantis sous un coup imprévu. On eût dit qu'ils étaient morts, par cela seul qu'ils étaient attaqués. Il est vrai que jusqu'alors ils avaient toujours été agresseurs et triomphants; ils se trouvaient donc dans une position nouvelle. Le courage et la présence d'esprit leur manquèrent à la fois. Si on nous demande pourquoi le peuple de Paris parut si indifférent à une révolution qui allait changer toutes ses destinées?

Nous répondrons d'abord qu'il ignorait jusqu'à quel point cette révolution devait influer sur lui.

Ensuite, que lui importait au fond à quels maîtres il devait obéir, depuis qu'une fatale expérience de dix ans lui avait appris qu'aucun changement n'avait amélioré son sort?

Cependant le nom de Buonaparte n'était pas tout-à-fait sans gloire; mais il rentrait dans la foule des ambitieux ordinaires en venant prendre la place de MM. Treilhard, Merlin, la Reveillère-Lépeaux, Barras et Moulins.

Quant au directoire, personne ne le regretta; la violence achevait ici ce que le mépris avait commencé depuis quatre ans.

Des treize directeurs qui s'étaient succédés dans cette période de temps, un seul, M. Barthelemi, avait obtenu les suffrages de la nation; deux autres avaient montré du talent, MM. Carnot et Syeyes.

Les conseils n'inspiraient ni plus de regrets, ni plus d'intérêt.

Des six assemblées délibérantes qui, depuis dix ans, avaient tour à tour excité et frustré nos espérances, quelle est celle qui méritera une place honorable dans l'histoire?

La première, connue sous le nom d'assemblée constituante, brilla sur notre horizon politique, comme un de ces météores effrayants qui, entre les deux tropiques, annoncent les orages et la mort. Ce fut elle qui relâcha tous les liens qui attachaient une nation fidèle au monarque qui la protégeait et la rendait heureuse; ce fut elle qui déchaîna tous les monstres que renfermaient les cachots, les bagnes et les entrailles de la terre. Et que nous font aujourd'hui les talents de MM. de Mirabeau, de Lameth, Chapellier, Barnave;..... lorsque nous avons le droit de leur reprocher tous les maux que nous avons endurés, et lorsque ces 18 Brum. Ire. p.

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maux ne pourraient être pires, s'ils étaient l'ouvrage immédiat de Tibère, de Néron, d'Aureng-Zeb et de Buonaparte?

La seconde assemblée, connue sous le nom de législative, était composée d'hommes nouveaux, et nouveaux en toutes choses, en sciences politiques, en usage du monde, en prétentions et surtout en sagesse et en raison. Elle se crut appelée à la régénération du monde, s'entoura des monstres que la preinière assemblée avait déchaînés, et fit avec eux les journées à jamais funestes du 20 juin, du 10 août, et du 2 septembre 1792.

La troisième assemblée, trop connue sous le nom de convention nationale, est celle qui a fait le plus de bruit et le plus de mal; on eût dit qu'elle était composée de démons. Elle fonda une république de cannibales; elle assassina le meilleur des rois, son auguste sœur la princesse Elisabeth, et la plus noble comme la plus aimée des reines; elle fit de la France un champ de mort, et marcha à son immortelle infamie sous les drapeaux sanglants de Marat, de Robespierre et de Samson.

La quatrième prit naissance avec le directoire, et se composa des deux conseils, qu'on nomma, l'un des anciens, et l'autre des cinqcents. Ni les cinq cents, ni les anciens ne répon

dirent aux voeux de la nation; ils lui offrirent l'étrange et dégoûtant spectacle d'une lutte inégale, entre le crime en action et la morale en théorie.

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La cinquième fut bien accueillie, montra du courage et des talents, et nous laissa entrevoir, pendant quelques mois, l'image d'un retour vers le bonheur et la monarchie; hélas ! cette courte illusion fut bientôt dissipée par le canon d'alarme du 18 fructidor!

La sixième assemblée, nommée sous les auspices des trois tyranneaux établis et retranchés au Luxembourg, resta vautrée aux pieds de ses indignes maîtres, et plongée dans la fange des plus viles saturnales.

La septième et la dernière secoua le joug de la tyrannie directoriale, et fut sur le point de nous remettre sous celui de la terreur.

En perdant pour toujours et ses assemblées délibérantes et son directoire, la nation n'avait donc rien à regretter. Elle crut n'avoir rien à démêler dans les débats qui s'ouvrirent le 18 brumaire, entre les membres d'un gouvernement qui expirait; mais elle n'était pas tout-à-fait sans curiosité sur les noms et le caractère de ceux qui allaient se partager ses dépouilles; et c'était à Saint-Cloud que ce grand procès allait se décider.

3o. édit.

6.

CHAPITRE IX.

Révolution du 18 Brumaire.

JOURNÉE DE SAINT-CLOUD.

Le lendemain, 10 novembre, les conseil désunis, le directoire mutilé, les soldats gagnés, et une foule de curieux se rendirent à SaintCloud. La principale cour était encombrée de voitures; on les fit sortir brusquement à l'arrivée des troupes.

Buonaparte avait fait occuper le château par ses prétoriens; la salle de l'orangerie était destinée au conseil des cinq-cents, et la galerie du palais était préparée pour recevoir les an

ciens.

Un des généraux députés qui, la veille en- core, se trouvait dans le rang des plus ardents patriotes, s'avisa tout à coup de son erreur, et prit aussi promptement le parti de la réparer, en allant se jeter au cou de Buonaparte, et en lui disant : « Comment, général, vous faites quelque chose pour la république, et vous ne m'avez pas appelé! » Cela dit, il l'embrassa trois fois, et demeura à ses côtés.

Il y a beaucoup d'apparence que les conjurés, en déployant de grandes forces militaires,

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