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Deux des directeurs les favorisaient; Barras se tenait à l'écart, par calcul ou par indolence; Syeyes et Roger-Ducos tremblaient, ils avaient peur, et voulaient faire peur.

Les conseils étaient divisés comme le direc

toire; les jacobins y dominaient par leur audace plus que par leur nombre.

Jamais assemblée délibérante ne montra un tel vide de sagesse, de connaissances et de capacité la plus vulgaire. Elle venait, dans un accès de son délire, de proclamer deux lois qui allumèrent contre elle la haine générale : celle des otages, qui fit soulever tous les départements de l'ouest ; et celle de l'emprunt forcé, qui ne reçut aucune exécution.

Les bureaux et les administrations offraient le même schisme, la même impéritie et la bigarrurela plus monstrueuse ; à côté de quelques hommes instruits et honnêtes, en petit nombre,

distingués, alors commissaire du directoire auprès du bureau central, fit de puissants et d'heureux efforts pour comprimer ceux des jacobins qui voulaient faire un mouvement dans Paris. Mais ce n'est pas sans peine qu'on voit siéger aujourd'hui parmi ses collègues un nommé T....., l'un des plus fougueux jacobins du Manége, un homme qui, après avoir provoqué au meurtre et au pillage en 1798, a trouvé le secret, en 1809, de se faire payer 8,000 fr. aux droits réunis, 12,000 fr. à la police, 6,000 fr. dans l'instruction publique.

18 Brum. Ire. p.

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et

se trouvaient placés des bandits aussi pervers qu'ignorants, qui épiaient l'instant de commettre de nouveaux crimes, et qui étaient chargés d'en préparer les voies.

Les recettes en souffrance et affaiblies, les troupes sans paie, des projets insensés, des lois sans force, des législateurs sans considération, une corruption sans exemple, infectant toutes les classes de la société, la guerre civile près d'éclater, nulle fixité ni dans les plans ni dans les volontés : telle était alors la situation de notre malheureux pays.

Chacun sentait, chacun disait même qu'un caustique violent pouvait seul guérir cette gangrène générale; mais où était le médecin en état de l'appliquer ?

Jacobins et modérés invoquaient encore la constitution, mais pour la forme; modérés et jacobins avaient intérieurement décidé la question de son insuffisance; celle du moment de sa chute était encore indécise.

Depuis la mi-octobre, toutes les subdivisions de partis s'étaient fondues en deux grandes sections : l'une de terroristes, qui tendoit à relever le pouvoir de l'ancien comité de salut public; l'autre de modérés, qui réclamait les lois protectrices, et un pouvoir exécutif plus concentré.

·Syeyes était généralement regardé comme le chef de ce dernier parti, et comme l'homme qui, par la force de ses combinaisons polititiques, était le plus en état de le faire triompher; mais la faiblesse de son caractère amollissait toujours ses résolutions, et des considérations sans cesse renaissantes arrêtaient sa marche à chaque pas, lorsque le retour imprévu de Buonaparte changea la scène.

Dès les premiers jours de son arrivée, le général prouva aux deux partis qu'il pouvait se passer de leur secours, en leur laissant croire toutefois qu'il ne refuserait pas leurs services. Il se déploya avec une assurance et une hauteur qui attestaient l'opinion qu'il avait de son ascendant sur les circonstances ordinaires.

Dédaigneux, froid et taciturne avec les magistats civils, caressant avec la soldatesque, dissimulant ses vues et ses affections, il réussit à les masquer, et il se vit également recherché par les deux partis.

Quel triomphe pour ce jeune ambitieux ! Quelles heureuses conjonctures pour le succès de son plan! Et cependant, si on veut examiner de près son mérite, quel est-il ? Il est tout entier dans ces deux mots : AUDACE et DISSIMULATION : par son audace, il faisait croire à ses 3e édit. 5..

mensonges; par ses mensonges, il assurait le succès de son audace.

Les jacobins, étonnés à sa vue, et déconcertés par sa présence, se rappelèrent néanmoins qu'il avait été jacobin, se flattèrent de le ramener au giron de leur église, l'enivrèrent d'éloges, et l'accablèrent de témoignages de confiance. Les modérés renchérirent encore et de bassesses et d'éloges; ils eurent l'air de se jeter entre ses bras, et de voir en lui le sauveur de la patrie.

Mais Syeyes, leur chef, ne partagea point cet enthousiasme dangereux; il conserva sa dignité, et voulut voir venir l'homme qui ne pouvait rien faire sans lui.

Quoiqu'ils sentissent l'un et l'autre le besoin de se rapprocher, chacun reculait sur les avances, et trois jours s'écoulèrent sans que le punctilio eût permis aux deux personnages de se visiter. On vit même le noment où tout allait être rompu ; et Dieu sait ce qui en fût arrivé!

Mais enfin la fierté du général fut obligée de céder à la nécessité; sa position était précaire, son crédit baissait à vue d'œil. Les jacobins, qui l'avaient deviné, commençaient à murmurer contre lui; il craignit de tout perdre

en voulant tout obtenir : il fit les premières

avances.

Une fois d'accord sur leurs rôles respectifs, et sur l'emploi des moyens qui étaient à leur disposition, tout fut bientôt prêt.

Les deux chefs étaient convenus de ne pas multiplier le nombre de leurs confidents, de cacher même à la plupart de ceux-ci les bases principales de leur projet, et l'époque précise de son exécution; de sorte que le secret de la conspiration demeura tout entier dans la tête de cinq hommes; savoir: Buonaparte, Syeyes, Foucher de Nantes, Regnault-deSaint-Jean-d'Angely et Roederer.

M. Foucher de Nantes, oratorien avant la révolution, était un homme d'état et de beaucoup d'esprit, mais cachant cet esprit sous les apparences d'une grande simplicité, et même d'une aimable bonhomie; s'il eut de grands torts pendant qu'il siéga à la convention, il a su les faire oublier par la sagesse de son administration, lorsqu'il fut ministre de la police. M. Regnault-de-Saint-Jean-d'Angely, cidevant avocat dans la petite ville de Saintonge dont il porte aujourd'hui le nom, fut député du tiers-état à l'assemblée constituante, où il fit des motions contre la noblesse et le clergé, et un journal rempli d'invectives contre la cour.

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