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de 93, des furies de guillotine et des membres des anciens comités révolutionnaires. L'antre des jacobins fut descellé, et toutes les exhalaisons méphitiques et toutes les bêtes féroces en sortirent à la fois. Les tigres jetaient déjà sur leur proie des regards enflammés. Syeyes, qui les avait démuselés, fut menacé comme les autres, et frémit de son imprudence; mais il sentit qu'il était perdu s'il reculait devant eux. L'extrême danger de sa position lui inspira une sorte de courage. Pour la première fois de sa vie, il prit une attitude menaçante. Dans un discours très bien fait, et qui parut digne du premier magistrat de la nation, il dénonça hautement les jacobins comme les ennemis du genre humain.

Ceux-ci, défiés au combat à outrance, ramassèrent le gant, répondirent à ses menaces par d'autres menaces, et à ses raisons par des injures.

L'orateur les accusait de vouloir rétablir le régime détesté de 93. Il fut accusé par eux de rappeler le régime proscrit de 89.

Au milieu de ces débats et des craintes légitimes qu'ils inspiraient, la Vendée renaissait de ses cendres, nos frontières étaient menacées, et les grandes routes infestées de brigands; les conseils perdaient le peu de raison

qui leur restait; le directoire flottait dans l'irrésolution; la peur gagnait tous les partis.

La peur raisonne toujours mal. Au lieu de s'unir avec franchise aux honnêtes gens, et de faire un appel aux propriétaires contre les voleurs de grands chemins et les bêtes féroces qui rugissaient toute la journée dans l'antre des jacobins, Syeyes jugea plus à propos de reprendre l'usage de la vieille bascule, d'opposer les royalistes aux jacobins, la Quotidienne au Journal des Hommes Libres (1), et de renouveler le système banal des conjurations et des proscriptions,

Ces lâches mesures redoublèrent l'audace des jacobins, décelèrent la faiblesse de ceux qui les employaient, et ne tendirent à rien moins qu'à creuser leur tombeau.

Chaque jour la terreur augmentait dans le

(1) Deux journaux du temps, également célèbres par des opinions opposées. Le premier, aussi royaliste qu'on pouvait l'être sous un gouvernement qui proscrivait et condamnait á mort tout écrivain qui osait rappeler le nom et le souvenir de la royauté, fut rédigé successivement par MM. Coutouly Gallais, Leriche et Michaud; le second, rédigé dans l'esprit de Marat, de Robespierre et de Babeuf, eut pour auteurs les citoyens Charles de Hesse, Antonelle, Duval, Tissot, et beaucoup d'autres dont j'ai oublié les noms.

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public; chaque jour les conseils, poussés hors de toute mesure, proposaient des lois plus atroces tantôt c'était la loi des otages, et tantôt celle de l'emprunt forcé; on devait, sous peu de jours, déclarer la patrie en danger: formule redoutable empruntée du protocole de Robespierre, et devenue le signal de tous les crimes. La nation, frappée de stupeur, ne faisait aucun mouvement pour se soustraire au danger qui la menaçait. Barras cherchait à s'étourdir au sein des plaisirs, et Syeyes commençait, mais trop tard, à reconnaître l'impuissance des abstractions contre le pouvoir des poignards et des bourreaux.

Barras, qui réfléchissait quelquefois, lui dit un jour : « La machine s'écroule de toutes » parts, elle est sur le point de nous écraser sous > ses ruines; si vous m'en croyez, nous hâte» rons nous-mêmes sa chute, et nous nous sau» verons sur ses débris.

» Le moyen? demanda Syeyes.

» En supprimant, reprit Barras, les conseils » et le directoire, qui jusqu'ici n'ont fait que » des sottises et ont perdu la confiance de tout » le monde. Nommons-nous, vous, protecteur » de la France, et moi votre lieutenant. »

Syeyes, que rien n'étonne dans son cabinet,

et que tout arrête quand il faut agir, répondit assez judicieusement : « Je ne serais que le singe de Cromwell, cela ne réussirait pas » aujourd'hui. »

Le temps se passait dans ces pusillanimes. délibérations. Quelques constituants plus clairvoyants et plus hardis, proposèrent un moyen terme, qui fut adopté ce fut d'élever à la place d'un protecteur ou d'un consul, devant laquelle reculaient les deux directeurs, un général assez connu de l'armée pour s'assurer, et répondre de ses dispositions, mais non pas assez fort par lui-même pour se rendre indépendant de toute influence étrangère; on jeta les sur le général Joubert.

yeux

Joubert était un jeune homme de moeurs douces, de belle figure, brave soldat, bon officier, mais qui n'avait jamais commandé en chef, et qui ne se doutait guère du rôle qu'on allait lui faire jouer : il fut nommé général de l'armée d'Italie.

L'Italie était alors envahie par une armée russe que commandait le comte de Suwarow lequel, suivant les ordres positifs de l'em reur Paul Jer, son maître, se proposait dès-lors de venir à Paris, afin de rétablir en France la religion et la monarchie. (Voyez une lettre

de ce général, datée de Novare, le 20 septembre 1799, et imprimée en entier dans les journanx français.)

Une des premières instructions que le général Joubert reçut de ses commettants, avant de partir, fut de ne pas manquer de battre les Russes; on promit de lui en fournir tous les moyens : il promit, il jura, de son côté, qu'il n'y manquerait pas. Le succès trompa ses espérances: il fut battu et tué à la bataille de Novi.

Les jacobins se réjouirent de sa mort avec une indécence qui trahissait les craintes secrètes que leur avait inspirées son élévation. Les constituants en apprirent la nouvelle avec effroi. Moreau, qui la manda à Syeyes, écrivit en même temps qu'il avait recueilli les débris de l'armée vaincue, et qu'il était retranché sous les murs de Gènes.

Moreau, que les jacobins appelaient par dérision le général des retraites, était, après Pichegru, le général en qui la nation et les étrangers reconnaissaient le plus de talents militaires, Il avait la confiance du soldat, dont il ménageait le sang, et que plus d'une fois il avait conduit à la victoire; il aimait son pays et la liberté, mais la liberté fondée sur des lois, et protégée par de sages institutions.

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