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PHYSIQUE, CIVILE ET MORALE

DE PARIS,

DEPUIS LES PREMIERS TEMPS HISTORIQUES,

contenant, par ordre chronologique,

LA DESCRIPTION DES ACCROISSEMENTS SUCCESSIFS DE CETTE VILLE ET DE SES MONUMENTS ANCIENS ET MODERNES; LA NOTICE DE TOUTES SES INSTITUTIONS, TANT CIVILES QUE RELIGIEUSES;

ET, A CHAQUE PÉRIODE, LE TABLEAU DES MOEURS, DES USAGES ET DES PROGRÈS DE LA CIVILISATION;

ORNÉE DE MAGNIFIQUES GRAVURES SUR ACIER,

REPRÉSENTANT LES MONUMENTS DE PARIS ET SES ÉDIFICES PRINCIPAUX

Par J.-A. DULAURE,

DE LA SOCIETE DES ANTIQUAIRES DE FRANCE

ANNOTÉE ET CONTINUÉE JUSQU'A NOS JOURS

PAR C. LEYNADIER.

NOUVELLE ÉDITION.

PUBLICATIONS HISTORIQUES.

PARIS,

RUE DE RICHELIEU, 92.

1853

PÉRIODE XIX.

(Suite.)

LES BASSINS DE LA VILLETTE. Ces grandes et continuelles transformations qu'avait à subir la ville de Paris entraînaient infailliblement la destruction d'un grand nombre de maisons auxquelles se rattachaient des souvenirs historiques. La démolition de chacun de ces édifices pouvait être l'occasion d'une monographie: on pourrait raconter les événements dont il a été le théâtre, citer les noms des personnages illustres qui l'avaient habité. De pareilles revues rétrospectives ne peuvent qu'avoir un côté instructif, à la fois intéressant et utile. Nous nous sommes attaché à dérouler quelques-unes de ces monographies; mais les bornes qui nous étaient prescrites ne nous ont pas permis de leur donner tout le développement qu'auraient comporté ces intéressantes et curieuses exhumations.

Nous nons bornerons à en donner une qui touche à l'un des immenses travaux de grande voirie exécutés à cette époque, la suppression des bassins d'immondices de La Villette qui infectaient Paris.

Montfaucon n'était plus comme gibet, depuis qu'en 1761 on avait démoli les derniers piliers des fourches patibulaires. Nous annonçons aux antiquaires que Montfaucon n'est plus comme voirie. Les anciens bassins destinés à recevoir les immondices viennent de disparaitre totalement sous les remblais qu'exige la construction de trois nouvelles routes entre Belleville et La Villette. Encore quel

T. VIII.

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ques pelletées de terre, et c'en est fait de cet Olympe des pendus et de ce roi des cloaques.

Pauvre Montfaucon ! rien que dans ce mot-là il y avait une longue leçon d'histoire. Dans ce moyen âge, où les hauts personnages se disputaient l'honneur d'avoir des échelles et des gibets pour pendre leurs manants, Montfaucon était la plus haute échelle, le plus magnifique gibet. C'était là que s'expiaient, non pas les peccadilles vulgaires, mais les cas royaux, comme on disait dans la langue atrocement naïve de ce temps-là.

L'histoire de Montfaucon est toute une épopée, une épopée toute grinçante de haine et toute tachée de sang.

Tout le monde sait ce que c'était que ce gibet fameux. Figurezvous d'abord un monticule qui a entièrement disparu et qui se trouvait entre la rue et la butte Chaumont et la rue des Morts, à l'ouest de l'ancienne route de Pantin, actuellement rue de l'Hôpital-SaintLouis. Ce monticule était beaucoup moins élevé que celui de Montmartre, comme nous le voyons dans un histoirien de Henri IV, qui dit: «Le roi fit mettre deux pièces d'artillerie sur le mont de Montmartre, et quatre sur la butte de Montfaucon.»>

Tout au sommet de cette butte s'élevait un monument bizarre et terrible, dont voici les principales dispositions. D'abord une masse de roc de 18 pieds de haut; par là-dessus, douze assises de gros quartiers de pierres brutes fortement liées ensemble et formant un carré long de 40 pieds sur 25 de large. La partie supérieure de ces assises formait une plate-bande, à laquelle on montait par une rampe de pierre, dont l'entrée était fermée par une porte de fer. De cette plateforme s'élançaient seize piliers carrés, hauts de 32 pieds. Ces piliers étaient rejoints entre eux par des poutres de bois qui supportaient des chaînes de 3 pieds et demi de long. Ces chaines étaient destinées à pendre les condamnés.

Au-dessous, à moitié de la hauteur des piliers, mêmes poutres, mêmes chaînes, mêmes places destinées aux pendus. Au-dessous de tout cela, plus bas que la plate-forme qui courait autour des piliers, au centre de la masse, la gueule béante d'une cave immense qui servait de char nier. Les corps ou lambeaux de corps tombaient là-dedans quand il

y avait excès de pourriture ou quand les cadavres devaient faire place à d'autres.

Ce n'est pas tout. En avant de la masse de pierre, il y avait un terrain spécial pour l'enterrement des personnes vivantes.

Les comptes de la prévôté de Paris, en 1440 et en 1457, font mention des frais pour avoir enterré deux femmes vives sous le gibet de Montfaucon. Et pourquoi avaient-elles été enterrées! << Pour leurs démérites,» dit l'arrêt. En 1460, une femme, qui avait volé, fut condamnée par le prévôt de Paris, Robert d'Estourville, « à souffrir mort et à être enfouie toute vive devant le gibet. » Cette malheureuse en appela au parlement, qui confirma l'arrêt.

Il y avait autre chose encore sur ce calvaire de criminels. Il y avait une croix de pierre. Cette croix avait été élevée sous Charles IV, en 1391, en action de grâces de ce que ce roi avait autorisé les condamnés à se confesser avant de mourir. Cette confession suprême, depuis lors, se faisait au pied de cette croix.

Voici la liste des plus illustres pendus des fourches patibulaires de Montfaucon :

Pierre de Brosse, ministre de Philippe le Hardi;

Enguerrand de Marigny, ministre de Philippe le Bel;

Jean de Montagu, ministre de Charles IX;

Olivier le Daim, barbier de Louis XI;

De Semblancay, contrôleur des finances sous François Ior;
Huit autres surintendants des finances;

Le président Gentil, membre du parlement;

L'amiral Coligny, après son assassinat par les Guise;
François de Montmorency, duelliste, sous Richelieu.

Le gibet de Montfaucon, dont on trouve la première trace au treizième siècle, dans Berthe aux grands piés, par Adnès, disparaît sous Louis XIV. Toutefois, on continua à pendre les criminels dans le voisinage de l'ancien gibet, et leurs cadavres continuèrent à être laissés dans un charnier qui était sur place. Ce fut après la révolution de 89, l'Assemblée constituante qui, le 21 janvier 1790, accorda aux suppliciés la sépulture ordinaire.

Depuis lors, Montfaucon cessa d'être un lieu de supplice. La butte

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