Idée de Eette Hiftoire. l'ufage de fa Bibliotheque, que j'ofe regarder comme la plus complete dans fon efpece qu'il y ait en Europe; mais encore qu'il me permit de copier parmi les curiofitez precieufes & ineftimables qu'il poffede, ce qui pouvoit fervir à embellir cette Hiftoire. Je dois à ces bienfaits, & à plusieurs autres marques de bonté dont il m'a honoré depuis mon arrivée, ces témoignages de ma fincere & vive reconnoiffance. Mon deffein, dans cette Introduction, eft de donner une Idée abrégée de l'Ouvrage, pour en marquer les beautez particulieres; & pour y faire des remarques, tendantes à éclaircir les endroits douteux par le moyen des découvertes posterieu res, & à expliquer ceux qu'on a touchez legerement ou dont on n'a rien dit. Comme en traduifant & en publiant cette Hiftoire, je me suis trouvé engagé à faire des recherches fur l'Empire du Japon, & qu'il m'a fallu examiner ce que d'autres avoient écrit fur le même fujet, il m'a paru qu'il ne feroit, ni defagréable, ni inutile, de dreffer une Lifte de ces Ecrivains, & d'y joindre les remarques que j'ai faites par occafion fur les Caracteres Traductions, & Editions différentes qu'on a données des principaux. J'ai eu la fatisfaction de me convaincre, après une perquifition exacte, qu'il n'y a rien de quelque importance, qu'on ne trouve dans la Bibliotheque du Chevalier Hans Sloane. On verra, par un Catalogue auffi complet, combien ce favant homme doit avoir fait de dépenfes, & pris de peines, pour ramaffer de toutes les Parties du Monde une Collection auffi nombreuse de Livres de Physique d'Hiftoire Naturelle, & de Voyages ; & de quelle utilité il feroit à la République des Lettres qu'il y en eût une description imprimée, ainsi qu'il l'avoit fait efpérer dans l'Introduction au fecond Volume de fon Hiftoire Naturelle de la Jamaïque. Le Docteur Kampfer a partagé l'Hiftoire du Japon en quatre Livres. Au commencement du premier, il décrit fon Voyage de Batavia à Siam, dont dont il donne une idée abregée, & de Siam au Japon. Après les Relations nombreuses & étendues qu'on a publiées du Royaume de Siam, à l'occahion de la fameufe Ambaffade qui fut envoyée en France & qui en attira deux autres à Siam de la France: après ces Relations, compofees par De l'Ile, par le Pere Tachard, par l'Abbé de Choifi, par Nicolas Gervaife, & par les deux Ambaffadeurs François, le Marquis de Chaumont & Monfieur de la Loubere, fans parler de plufieurs autres qui avoient été écrites auparavant; on pourroit s'imaginer, que les autres Voyageurs n'ont eu que peu de chofes, ou même rien, à remarquer. Mais les Obfervations du Docteur Kampfer feront voir que la matiere n'étoit pas épuisée. Ce qu'il raconte, par exemple, touchant la derniere Révolution de Siam, & fur la difgrace & l'exécution du fameux Conftantin. Faulcon, Premier Miniftre du Roi de Siani, eft revêtu de circonftances, dont les unes font toutes neuves & les autres différent beaucoup de ce qu'en ont rapporté les Ecrivains François, & en particulier le Pere Dorleans, qui a écrit la Vie de Monfieur Constance. Or il eft digne de remarque, que les François étant bannis alors de ce Royaume, n'ont pu dépeindre comme il faut cet évenement; au lieu que le Docteur Kampfer y arriva peu de temps après, & lorsque la mémoire en étoit encore fraîche. Il a fait auffi plufieurs remarques importantes fur la Religion, les cérémonies, & les coutumes des Siamois; &, en un féjour de moins d'un mois, il a obfervé plufieurs chofes dans la Capitale & aux environs, qui avoient échapé à l'attention des autres Voyageurs. La Pyramide de Pakathon, & les Cours des Temples du Berklam, en font des exemples. L'Hiftoire du Japon commence par une Defcription Géographique de cet Empire, qui remplit deux Chapitres, & qui eft tirée des Auteurs Japonnois en ce qui regarde le nombre des Provinvinces, leurs diftricts, & le revenu de chaque une Ifle. Preuves Province. Quelques-uns des Géographes moderque le Ja-nes ont douté fi le Japon eft contigu ou non au pon eft Païs voifin de Jeffo, comme les Japonnois l'apellent, & par conféquent fi on doit le mettre au nombre des Ifles ou des Prefqu'lfles. Monfieur De l'Ifle, de l'Academie Royale des Sciences de Paris, & Géographe du Roi de France, femble porté à croire qu'il touche à la Terre de Jeffo ; & il a publié les raifons fur lesquelles il fonde cette conjecture, par une Lettre qui eft imprimée dans le troifieme Volume des Voyages au Nord, page trente-deuxieme. Il ne fera pas inutile, à cette occafion, de faire quelques remarques, pour éclaircir ce doute, & pour montrer que le Japon eft une Ile. En premier lieu, on doit obferver que la principale preuve de Monfieur de l'ifle eft l'incertitude où les Japonnois font eux-mêmes fur la contiguïté de leur Empire avec un continent voifin, quelques paffages d'une Lettre du P. Luis De Froes, & les mémorables Ambaffades des Hollandois, où on affirme cette contiguïté en termes pofitifs. Il ne nie pas que les Cartes du Japon depuis fa découverte en 1542, & en particulier celles de Texeira, Géographe du Roi de Portugal, & de Dudley Duc de Northumberland, Auteur de l'Arcano del Mare, auffi bien que quelques autres envoyées de la Chine & du Japon, ne concourent toutes à en faire une lfle, & que ce concours ne foit d'un grand poids pour prouver que c'est une Ile en effet ; d'autant plus que cette opinion eft encore appuyée fur plufieurs Defcriptions qui nous viennent de cet Empire. Quant à ce qu'il dit, fur l'autorité de Tavernier dans le troifieme Livre de fes Voyages, d'un Vaiffeau qui fit le tour du Japon, on pourroit renoncer à fe fervir de ce temoignage, bien qu'il n'y en ait aucun qui foit auffi formel. Cet Auteur, à peine capable de lire & d'écrire, jufques-là qu'il lui fallut emprunter la plume d'un autre pour décrire fes voyages, étoit d'ailleurs trop fuperficiel dans la Description même des Païs où il a été, & trop 2 facile à s'en rapporter au premier venu, & il fe fia enfuite trop à fa mémoire, pour qu'on puiffe faire fonds fur ce qu'il avance. Ajoutez, qu'à l'endroit où il parle de ce Vaiffeau, par lequel il eft clair qu'il entendoit les Navires le Bresken & le Caftricum, envoyez en 1643. par la Compagnie Hollandoife des Indes Orientales pour découvrir la Terre de Jeffo, il a fait tant de fautes groffieres foit qu'il fût mal informé, ou qu'il voulût tromper le Public; qu'il eft indigne de toute créance. Mais, fans avoir recours à ce qu'on pourroit tirer, pour ou contre Monfieur De l'lfle, des Cartes & des Livres des Ecrivains précédens, examen où, felon moi, la pluralité des voix ne feroit pas de fon côté, la question est tout à fait decidée par les Cartes du Japon que les Naturels ont dreffées, & par les dernieres découvertes des Ruffiens. Les Japonnois représentent toujours leur Empire, dans les Cartes, comme un compofé d'une infinite d'Ifles grandes & petites, dont la principale, qu'ils ap-` pellent Nipon, eft féparée entierement d'une Contrée Septentrionale voifine, qu'ils nomment Jefogalima ou l'Ile de Jefo; & qui, felon toute apparence, eft la même où aborda le Pere Jerôme des Anges en fortant du Japon, & dont il fait une Isle dans fa feconde Defcription, contre ce qu'il avoit dit dans la premiere. Quelques Cartes placent entre le Japon & Jefogafima une autre petite Ifle appellée Matfumai. Plufieurs de ces Cartes, que Monfieur Kæmpfer avoit apportées du Japon, & que j'ai fuivies dans la Carte que j'ai jointe à cette Hiftoire, au moins dans les endroits où je n'avois rien de meilleur, font aujourd'hui entre les mains du Chevalier Hans Sloane; & une autre a été gravée il y a plufieurs années par le favant Monfieur Reland, qui la tira de la Collection de Monfieur Benjamin Dutry. J'avoue que, pour l'exactitude & la précifion, ces Cartes font fort au deffous de celles des Européens, parce que les Géographes Orientaux ne font pas affez verfez dans les Mathématiques & dans l'Aftronomie. Mais du reste, on ne b fauroit Particula fauroit fuppofer que les Japonnois, connoiffant auffi bien qu'ils font la largeur, la longueur, & les. divifions d'Oliu, la Province de leur Empire la plus Septentrionale, & une des plus peuplées, ils ignorent fi la Mer en lave les Côtes, jufqu'où elle les lave, & fi elle confine à quelques autres Terres. Mais, de plus: qu'il y ait un Bras de Mer entre les Côtes les plus Septentrionales du Japon, & un Continent voifin, c'est un fait confirme par les découvertes récentes des Ruffiens. Il n'y a que quelques années, que la Cour de ritez fur Ruffie connoit la grandeur de la Siberie & de la la Siberie. Grande Tartarie, & leur vafte étendue vers l'Orient. Jufqu'alors, leurs connoiffances de ce côtélà avoient été bornées par l'Oby, qui fe jette dans le Détroit de Weigatz, & fur lequel eft fituée Tobolskoi, Capitale de Siberie, & l'endroit où on exile d'ordinaire les Criminels d'Etat. Lorfque le Docteur Kampfer arriva à Mofcou, on y avoit déja reçu de meilleurs Memoires; mais, on les tenoit encore fecrets. Ce fut fur ces Pieces, & fur des informations pofterieures, que peu de temps après Monfieur Witfen fit fa grande Carte de Ruflie & de la Grande Tartarie, qui s'étend un efpace confiderable au delà des Fleuves Jenifca & Lena, & qui fut enfuite corrigée en differens endroits & abregée par Monfieur Isbrand Ides, dans fon Voyage de la Chine. Mais, par les dernieres découvertes, & en particulier par celle du Païs de Kamtschatka, qui a été faite il n'y a que quelques an nées, il paroit que l'Empire Ruffien furpaffe de beaucoup en étendue tout ce qu'il y a d'Empires connus au Monde, fans en excepter même les Etats de l'Empereur de la Chine, bien que ce Souverain poffede une partie confiderable de la Grande Tarta rie. En effet, l'Empire de Ruffie confine aux Royaumes de Suede & de Pologne, à l'Empire Turc, au Royaume de Perfe, au Turquestan, à la Tartarie Bulgarienne, aux Domaines de l'Empereur de la Chine, & plus à l'Orient aux Ifles du Japon. Mais, je n'ai pas deffein de décrire ce vaste Empire. |