Qualitez perfonnelles, leurs Vertus & leurs Vices, les Coutumes, Mœurs, & Inclinations des Naturels, leur Maniere de vivre, leur Trafic, leur Commerce, les Antiquitez, les Edifices modernes facrez ou profanes, la condition préfente des Arts & des Sciences, & mille autres choses semblables, s'attiroient encore fon attention & fes méditations. Par rapport aux Affaires de Perfe en particulier, il tira des fecours confidérables dans fes recherRaphaël ches, du Reverend Pere Du Mans*, Prieur du Coudu Mans. vent des Capucins établis à Ifpahan, qui avoit fervi la Cour de Perfe en qualité d'Interprete, durant trente années & davantage, & qui connoiffoit la Langue & les Coutumes des Perfans à un point où aucun Européen n'étoit parvenu avant lui; outre qu'il avoit pénétré dans l'état de la Cour & du Royaume, plus que qui que ce foit. Auffi, l'idée que le Docteur Kæmpfer nous a donnée de la Perfe dans fes Amanitates, peut le difputer pour l'exactitude & la précision avec ce que nous avons jamais eu de meilleur fur ce Royaume. Monfieur Fabricius, ayant conclu fes Négociations à la Cour de Perfe vers la fin de l'année 1685, & fe préparant à retourner en Europe, le Docteur Kampfer réfolut, par les raifons alléguées dans fa Préface, de ne le pas accompagner davantage. On lui avoit offert l'Emploi de Premier Medecin d'un Prince Géorgien, avec des appointemens confidérables. Mais, l'envie de voyager encore, & les confeils du Pere du Mans, avec lequel il avoit contracté une amitié particuliere à Ifpahan, joints aux recommandations que lui donna Monfieur Fabricius, le porterent à entrer au fervice de la Compagnie Hollandoife des Indes Orientales, en qualité de Chirurgien en Chef de la Flotte, qui croifoit alors dans le Golphe de Per fe: place, comme il s'exprime lui-même dans une de fes Lettres, qui étoit moins honorable que celle qu'il avoit occupée auparavant, mais qui convenoit mieux à fon deffein de voyager. Il partit en Novembre 1685, pour Gamron on Benderabaffi, Ville célebre par fon Commerce fur le Golphe Perfique; & le Cortege de l'Ambaffadeur lui fit l'honneur de l'accompagner jufqu'à un mille d'Ifpahan. Il s'arrêta quelque temps à Schiras, en partie pour faire les recherches néceffaires fur les Vins fameux qui doivent leur nom à cette Ville, & en partie pour vifiter les reftes tant vantez de l'ancienne Perfepolis, & du fuperbe Palais de Darius, qui fut facrifié à des hommes ivres & à une femme impudique, & dont les ruïnes qui fubfiftent encore prouvent la grandeur & la magnificence dont il étoit alors. L'air de Gamron eft mal-fain, par la chaleur exceffive qu'il y fait, & par le manque d'eau; de forte que les Européens ne peuvent y demeurer quel que temps fans un préjudice confiderable pour leur fanté, & que les Naturels mêmes font obligez pendant les chaleurs de fe retirer dans les montagnes. Le Docteur Kæmpfer l'éprouva dès fon arrivée par une fievre maligne, qui lui caufa des delires pendant quelques jours. Cependant, il plut à la Divine Providence d'épargner la vie. Sa fievre diminuant fe changea en hydropifie, & l'hydropifie en fievre quarte aiguë; & ce fut par ces degrez inufitez & perilleux qu'il recouvra fa fanté, mais non fa force & fa vigueur. Dès qu'il put fe lever, il fe retira à la campagne, pour fe rétablir par le changement d'air, & pour faire de nouvelles Obfervations, principalement fur les choses que le mauvais air du Pais & d'autres difficultez étoient caufe qu'on n'avoit encore examinées que légerement. Cette retraite de Gamron, & ces Courles qui Poccupérent un Eté entier, nous ont valu fa Defcription de la Montagne Benna dans la Province de Laar, près du Golphe Perfique: celle de fes Plantes & Animaux, du Bézoar, de l'Animal dans l'estomac duquel on trouve ce remede précieux, des Bains chauds, d'un Baume particulier, enfin de mille curiofitez qu'on obferve fur cette mon tagne & dans fon voifinage: celle de la Mumie naturelle, ce Baume precieux, qui degoute d'un Ro a 7 : Rocher dans la Province de Daar, & qu'on re÷cueille une fois par an avec beaucoup de pompe & de cérémonie, pour l'ufage du Roi de Perfe feul : fes Obfervations fur l'Affa Fatida, ou la Plante qui produit cette Drogue, laquelle ne croît qu'en Perfe, & fur la manière de là recueillir & de la préparer fes Remarques fur la Vena Medinenfis des Ecrivains Arabes, ou fur le Dracunculus comme il l'appelle, Ver fingulier qui fe nourrit entre les interstices des mufcles en différentes parties du corps humain fa defcription du Sanguis Draconis, qui eft, je croi, le feul veritable Sang de Dragon Oriental, & qu'il dit venir dufruit d'un Palmier conifere: fon Hiftoire curieufe & exacte du Palmier dactylifere, qui croît en Perfe, de fes différentes efpeces mâle & fe melle, de fa culture, de fon accroiffement, de la maniere de le préparer & de s'en fervir; Hif toire, qui pénétre beaucoup au delà de ce qu'onfavoit fur cet Arbre fingulier: & enfin un grand nombre d'autres Obfervations auffi curieufes, & non moins utiles, qu'on pourra un jour ou l'au tre communiquer au Public. Il ne partit de Gamron qu'à la fin de Juin 1688. La Flotte à bord de laquelle il étoit, avoit ordre de toucher à divers Etabliffemens que les Hollandois ont dans l'Arabie Heureufe, dans les Etats du Grand-Mogol, fur les Côtes de Ma labar, dans l'Ifle de Ceylon, fur le Golphe de Bengale, & dans l'Ile de Sumatra. Ce fut pour lui une heureufe occafion de vifiter ces différentes Contrées, & d'y exercer fon industrie, en même temps qu'il fatisfaifoit fa foif d'apprendre. Il ne lui manqua que de pouvoir y féjourner davantage pour groffir le nombre de fes Obfervations. Il arriva à Batavia en Septembre 1689, & y paffa quelques mois. Cette Ville faine & peuplée eft la principale Place des Hollandois dans les Indes, Elle: étoit déja connue à tel point, & les Ecrivains l'avoient décrite avec tant d'exactitude , que le Docteur Kampfer crut inutile d'en examiner davan tago tage l'origine & l'aggrandiffement, la fituation commode & agréable, le Commerce & les richeffes, les forces & le Gouvernement, & autres chofes femblables. Il fe contenta de quelques re-cherches pour fatisfaire fa curiofité particuliere, & donna fes principaux foins à l'Histoire Naturelle: de ce Pais; fujet bien plus noble, & qui convenoit beaucoup mieux à fon gout & à fes talens. Le riche & curieux Jardin de Corneille van Outhoorn, alors Directeur General de la Compagnie Hollandoife des Indes Orientales, celui de Monfieur Moller, & l'Ile d'Eidam fituée à quelques lieues de Batavia, offrirent à fes Obfervations un grand nombre de Plantes rares & fingulieres, les unes nées dans le Païs, & les autres apportées d'ailleurs, dont plufieurs étoient inconnues auparavant. Il avoit deffein d'en publier la Defcription, & d'y joindre celle de plufieurs autres, qu'il avoit obfervées durant le cours de fes Voyages, particulierement en Perfe, dans l'Ile de Ceylon, dans le Royaume de Siam, & dans l'Empire du Japon.L'une & l'autre font aujourd'hui entre les mains du Chevalier Hans Sloane. Il eft certain que le Docteur Kæmpfer avoit beaucoup de qualitez propres à faire un bon Botaniste; une connoiffance auffi étendue de la Botanique qu'on pouvoit l'avoir alors, un corps endurci à la fatigue, beaucoup d'industrie & d'application; &, ce qui me paroît non moins important, une main excellente pour deffiner. Néanmoins, il ne se borna pas à la partie curieufe de cette Science: Une Defcription exacte des Plantes & de leurs parties eft regardée comme quelque chofe de trop fec par bien des Lecteurs, quoi qu'elle n'ait jamais été auffi néceffaire. Il tâcha donc de rendre fes Obfervations intéreffantes & utiles au Public, & prit beaucoup de peines, foit pour découvrir les ufages des Plantes qu'il décrivoit, par rapport à la Medecine, à l'Agricul ture, & aux Manufactures, foit pour enfeigner maniere de les cultiver & de les préparer. La Def cription du Thé, & celle de l'Arbre du Papier, la que que j'ai fait fervir d'Appendice à cette Hiftoire, fuffisent pour faire juger jusqu'à quel point il a réuffi dans fes recherches. Il s'embarqua à Batavia au mois de Mai 1690, en qualité de Medecin de l'Ambaflade, que la Compagne Hollandoife des Indes Orientales envoye chaque année au Japon. Il ne s'oublia pas en cette occafion. Pour mettre à profit ce voyage autant qu'il étoit poffible, il obtint la permiffion d'aller à bord du vaiffeau qui devoit toucher à Siam, & fe procura ainfi le moyen de voir ce Royaume. Comme les Obfervations qu'il y fit, & qu'il fit enfuite au Japon, font le fujet de cet Ouvrage, il eft inutile que j'en parle. Quant à ce dernier Empire, ce n'etoit pas feulement celui par lequel il vouloit terminer ses courses en Orient, mais c'étoit encore un Etat qu'il avoit eu toujours une envie extrême de voir, & qu'il avoit regardé comme un fujet digne de fes laborieufes recherches. Les difficultez prefque infurmontables qu'il y rencontra, difficultez qui auroient rebuté tout autre, ne fervirent qu'à le piquer davantage; & il facrifia fon temps, lens, fon argent, pour fe procurer & procurer aux autres une connoiffance parfaite du Japon dont jusqu'alors perfonne n'avoit donné de Defcription fatisfaifante. C'est au Public à décider du prix de la fienne. fes ta Il partit du Japon pour Batavia, en Novembre 1692; & de Batavia pour revenir en Europe, en Fevrier de l'année fuivante. Il s'arrêta près d'un mois au Cap de Bonne Esperance, & arriva à Amfterdam en Octobre 1693. L'année fuivante, au mois d'Avril, il prit le degré de Docteur en Medecine dans P'Univerfité de Leyden. Et comme c'eft la coutume dans les Académies Etrangeres, que ceux qui veulent être promus donnent des preuves publiques de leur habileté par ce qu'on appelle une Thefe inaugurale, il communiqua au Monde favant dix Offervations fingulieres & curieuses, qu'il avoit faites dans |