LA VIE DE L'AUTEUR, PAR LE TRADUCTEUR ANGLOIS. E NGELBERT KÆMPFER nåquit le feize de Septembre 1651, a Lemgow, petite Ville du Cercle de Weftphalie, qui appartient au Comte de la Lippe. Son Pere s'appelloit Jean Kampfer Miniftre de l'Eglife de Saint Nicolas en cette Ville; & fa Mere, Chriftienne Drepper, Fille de Joachim Drepper, qui avoit été Miniftre dans la même Eglife. Autant que la fortune de fon Pere put le permettre, il eut une éducation honorable, & conforme à la Profeffion de la Medecine, à laquelle on le deftinoit. Il fit fes premieres Etudes à Hameln dans le Duché de Brunfwick, & on l'envoya enfuite à Lunebourg, à Hambourg, & à Lubec, où il fe diftingua par fon application à l'Etude, & par les progrès qu'il fit dans les Langues favantes, dans P'Hiftoire, dans la Géographie, & dans la Mufique vocale & inftrumentale. Il fit quelque féjour à Dantzick, & y donna les premieres marques de fon Erudition, en 1673, par un Difcours prononcé en public, De Majeftatis Divifione. Il paffa de cette Vil le le à Thorn. Il étudia pendant trois ans la Philofophie & les Langues Etrangeres dans l'Univerfité de Cracovie en Pologne, où il prit le Bonnet de Docteur en Philofophie. De cette Ville, il fe rendit à Konigsberg en Pruffe, & y donna quatre années d'application à l'étude de la Medecine & de P'Hiftoire-Naturellle, où fon genie & fon inclination le conduifoient, auffi bien que les intentions de fon Pere. C'est là qu'il fe rendit capable de cette foule de Découvertes excellentes & utiles, qu'il a eu des occafions fréquentes de mettre à profit dans fes longs Voyages. Il alla de Pruffe en Suede, où fes talens & fa conduite lui firent bientôt une reputation éclatante, dans l'Univerfité d'Upfal, & à la Cour de Charles XI. Prince liberal envers les Savans. On lui fit même des offres avantageufes pour l'arrrêter dans ce Royaume. Mais, comme il avoit toujours fouhaité ardemment de voir les Païs Etrangers, il n'accepta aucune de ces propofitions, & il leur préféra la Dignité de Secretaire de l'Ambaffade, que la Cour de Suede allait envoyer au Roi de Perfe. Le but principal de cette Députation étoit d'établir un Commerce entre les deux Royaumes. Seulement, à l'inftance de l'Empereur Leopold, Louis Fabricius, Ambassadeur, avoit ordre, par un Article féparé, de porter s'il étoit poffible le Roi de Perfe à une rupture avec la Porte. Mais, comme l'établiffement du Commerce projetté ne pouvoit bien réuffir, à moins que Leurs Majeftez Czariennes, Jean & Pierre, qui gouvernoient la Ruffie enfemble, ne confentiffent à laiffer paffer dans leurs Etats, à des conditions raifonnables, les marchandises d'Europe & de Perfe; l'Ambaffadeur avoit été chargé de paffer d'abord à la Cour de Mofcou, & d'y conclure un Traité fur cette matiere. Il ne convient pas au fujet que je traite, de rendre compte des deffeins & du fuccès des Negociations de Monfieur Fabricius. C'est assez pour moi de faire voir comment le Docteur Kæmp fer paffa de Mofcovie en Perfe. Il partit de Stokholm le vingtieme de Mars 1683, vieux ftyle, avec les Préfens deftinez au Roi de Perfe, & traverfa les Provinces d'Alandie, de Finlande d'Ingermanie, jufqu'à Narva, où étoit l'Ambaffadeur avec une Suite de trente perfonnes. Une méprife dans les Lettres de Créance de ce Miniftre, où on avoit mis par inadvertence le nom du Roi de Perfe avant celui de Leurs Majeftez Czariennes ; & l'obstination du Waywode de Novogorod à refufer de le faire defrayer & conduire avec fon Cortege, felon la teneur des Traitez qui fubfiftoient entre les deux Couronnes, les retinrent un temps confidérable fur les frontieres de la Ruffie. Mais, ces difficultez ayant été enfin ajustées à l'amiable, Monfieur Fabricius continua fa route de Novogorod à Mofcou, où il fit fon entrée publique le fept de Juillet, & fut admis le onze à l'Audience de Leurs Majestez Czariennes, Ce Miniftre ayant terminé fes Négociations à la Cour de Ruffie en un peu moins de deux mois, partit pour la Perfe, & defcendit les Rivieres de Mofco, d'Otta, & de Wolga, jufqu'à Cafan & à Aftracan, Villes confidérables, & Capitales de deux Royaumes puiffans, qui ont été annexez à P'Empire Ruffien par le fameux & le grand Iwan Bafilowitz. 11 courut un danger éminent fur la Mer Cafpienne, par la violence d'une tempête inopinée, & par l'ignorance des Pilotes; car le Navire ayant deux gouvernails, il y avoit deux Pilotes, qui n'entendoient point la Langue l'un de l'autre. Néanmoins, l'Ambaffade arriva faine & fauve fur les côtes de Perfe, & débarqua à Nifabad, où ils pafferent quelque temps fous des Tentes, à la maniere des Naturels du Païs. Deux autres Ambaffadeurs deputez en Perfe, l'un par le Roi de Pologne, & le fecond par Leurs Majeftez Czariennes, étant venus à peu près en même temps à Nifabad, ils allerent enfèmble à Siamachi, Capitale de la Province de Schirwan, dans la Medie des Anciens, ou la Géorgie comme on l'appelle à préfent, Ils y arriverent vers le milieu as de de Decembre, & y demeurerent jufqu'à ce que le Gouverneur de la Ville & de la Province eut envoyé la nouvelle de leur arrivée à la Cour de Perfe, & qu'il eut reçu des ordres fur la maniere dont il devoit les traiter, & fur le chemin par où il lesenvoyeroit à la Cour. Le Docteur Kæmpfer fut. mettre cet intervalle de temps à profit. Il l'employa à vifiter le voisinage de Siamachi, herborifant par-tout, & obfervant les Ouvrages remarquables de la Nature & de l'Art, autant que le permettoient fes affaires, & la Pratique heureuse. & lucrative que fa reputation de Medecin Européen lui avoit procurée bientôt dans une Ville auffi peuplée. C'est à ces Courfes laborieufes & favantes, que nous devons la Defcription curieufe & exacte, qu'il nous a donnée dans fes Amanitates Exotica, de l'origine & des Fontaines de Naphte dans la Peninfule Okefra. Peu de perfonnes peuvent concevoir quel plaifir c'eft pour un Phyficien de rencontrer quelque Phénomene nouveau & fingulier, dans un endroit défert & inconnu. Le Docteur Kæmpfer eut la fatisfaction de trouver dans cette Peninfule plus qu'il n'y cherchoit, & d'y remarquer fept Merveilles, comme il parle, au lieu d'une feule qu'il étoit venu voir. La Ville de Baku fur la Mer Cafpienne, les Monumens del'Antiquité qui reftent dans le voisinage, les Fontaines de Naphte, la Campagne brûlante, le Lac bouillant, une Montagne qui renferme dans fon fein une Terre fine pour les Potiers, & d'autres fingularitez ramaffées en grand nombre dans un terrein auffi petit, le payerent richement de la peine & des dangers à quoi il s'étoit exposé pour les confidérer. Au retour des Exprès envoyez à la Cour de Perfe, Monfieur Fabricius partit pour y aller, vers le milieu de Janvier de l'année 1684, ainfi que les Ambaffadeurs de Pologne & de Ruffie, avec leurs Suites. Mais, comme on les avoit envoyez par des routes différentes, l'Ambaffade Suédoife arriva quel que temps avant les autres à Ifpahan, Capitale dela Perfe. Schab Schah Solyman, Roi de Perfe, Prince d'une conftitution infirme & maladive, s'étoit mis alors dans une espece de prifon volontaire au milieu de fon Palais, de l'avis de fes Aftrologues. Appréhen dant les fatales conféquences d'une Conftellation maligne, ils lui avoient défendu de fortir & de paroître en public, jufqu'au trentieme de Juillet. Ce jour-là, il régala fa Cour avec une fplendeur exfraordinaire. Il y avoit alors à Ifpahan les Ambafladeurs de Suede, de Pologne, de Siam, de Russie, de plufieurs Princes Arabes & Tartares; & on y voyoit auffi des perfonnes avec des Lettres de Créance du Pape, de l'Empereur, & du Roi de France. Tous furent admis l'un après l'autre à l'Audience le même jour; parce que c'est la coutume des Rois, de ne laiffer paroitre en leur préfence les Ambaffeurs Etrangers, que dans une occafion folemnelle comme celle-là étoit, au milieud'une Cour nombreuse, & d'une maniere auffi pompeuse qu'il eft poffible. Monfieur Fabricius eut Phonneur d'être introduit le premier à l'Audience & durant fon féjour à Ifpahan, qui fut de près de deux années, on lui témoigna des égards très particuliers & très honorables, qui firent voir que, ni fa perfonne, ni les propofitions dont il étoit chargé, n'avoient été desagréables à la Cour de Perfe Le Docteur Kampfer, dont le génie curieux ne laiffoit rien échapper qui méritât d'être remarqué, fit tout l'ufage poffible d'un féjour auffi long dans la Capitale de l'Empire de Perfe. Il eft vrai, que fes Recherches principales & favorites dans ce Voyage-ci, & dans les Voyages fuivans, avoient pour premier objet de perfectionner la Phyfique & l'Hiftoire Naturelle dans leurs diverfes Branches: & il a fait allez voir, par fes Amoenitates Exotica que fes travaux en ce genre n'avoient pas été in fructueux. Mais il ne fe renferma pas dans ce fujet, quelque étendu & quelque vafte qu'il foit L'Hiftoire Politique des Etats la Succeffion & les Actions remarquables de leurs Princes, l'Etat de leur Cour & de leur Gouvernement, leurs> |