Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

UN HUMORISTE DUNKERQUOIS

VICTOR SIMON

1790-1831

PAR

M. ERNEST BACQUET

Membre Associé

*

I

L'éditeur des œuvres de Victor Simon (1) s'exprime ainsi, dans la courte notice biographique qu'il lui consacre : « C'est dans le feuilleton de ce journal (2) » qu'il déposait ces anecdotes variées, ces allusions >> piquantes, ces traits malins qui déridaient le lecteur » le plus sérieux ».

Il affirme que c'est au cours de ses études faites à Paris de bonne heure par conséquent que se sont développés « cette originale gaîté, cette facilité » de style, ces traits mordants et presque toujours >> spirituels qui forment le caractère de ses écrits et le >> cachet de son talent. >>

(1) Un vol. in-32. Dunkerque. Charles Lallou. Sans date.
(2) La Gazette de Dunkerque, fondée par V. Simon en 1823.

En mettant sous les yeux de nos concitoyens quelques extraits des œuvres de V. Simon, nous allons essayer de justifier cette élogieuse appréciation.

D'autre part, voici ce qu'écrivait en 1876 notre concitoyen Julien Pieters, trop tôt enlevé aux lettres et à l'enseignement, de l'ancienne littérature dunkerquoise :

«Il s'était formé à Dunkerque, après le premier >> Empire, un groupe aimable de lettrés et de poètes >> qui mettaient en commun leur verve, leur gaîté, >> leur esprit et leur goût, s'assemblaient parfois » autour d'une table où pétillait le champagne et, » étrangers à la politique qui nous divise, chantaient » le Roi, leurs belles et leurs amours, sans se perdre >> dans les nuages et dans un style plus que suppor» table. Ils firent imprimer, en 1819, un petit volume. » intitulé Le Portefeuille de la Société littéraire du » Petit Couvert de Momus. A ces réunions, comme » dans les productions qui y naissaient inter pocula, » la gaîté n'était pas absente, et pourtant on y savait » écrire, fût-ce une chanson, le style en était soigné » et l'auteur, ce qui nous semblerait un phénomène >> aujourd'hui, y mettait des idées, savait ce qu'il >> voulait dire et le disait le plus souvent. »

C'est parce qu'à notre sens ce jugement s'applique particulièrement à notre auteur, l'un des piliers de ce cercle littéraire, et que beaucoup d'idées sont renfermées sous l'apparente frivolité de la forme, que nous avons exhumé son petit ouvrage pour en souligner les mérites. Les auteurs gais abondent à notre époque; Paris déverse quotidiennement dans toute la France, par ses voies ferrées, des ballots bourrés d'esprit. Dans cette marée montante des productions humoris

tiques, s'il eût vécu de notre temps, la Muse reconnaîtrait certainement Victor Simon pour l'un des siens.

Né à Paris le 18 septembre 1790, Victor Simon fut destiné, à sa sortie du collège, à la carrière administrative. Il entra dans les douanes, mais son goût pour la littérature et les arts lui fit négliger cette application aux devoirs de sa place qui, seule, pouvait lui procurer de l'avancement et assurer son avenir. Mort en 1831, à l'âge de 42 ans, il n'a pas une production considérable, mais ce qu'il a laissé mérite d'être préservé de l'oubli. Ce sont des récits, des chroniques en prose, des contes, des anecdotes, des épigrammes en vers. Appelé à Dunkerque par ses fonctions, il se fit Dunkerquois et s'attacha à cette ville dont il observa les mœurs et les types avec une curiosité bienveillante. Ecrites au hasard de l'inspiration ou de l'actualité, toutes ses chroniques sont amusantes; soit qu'elles reflètent les mœurs locales ainsi qu'un miroir fidèle, soit qu'elles s'inspirent de l'observation des travers de l'humanité en général, c'est toujours la même verve, le même naturel, la même malice inoffensive révélant

L'accord d'un beau talent et d'un beau caractère.

Du reste, V. Simon s'est peint lui-même, sans s'en douter, dans ces quatre vers du Père mourant :

L'esprit et le savoir, par un accord heureux,
S'efforçaient d'embellir ce charmant caractère;
La nature et l'étude avaient, en le formant,
Su faire d'un brave homme un homme de talent.

Ce Parisien de naissance et d'éducation se prit à aimer la province où il était appelé à vivre et à la venger parfois des dédains de la capitale. Lisez cette petite satire de Paris, « où existent mille moyens de » se ruiner contre un de s'enrichir et où la classe >> aisée et vraiment heureuse est celle des bourgeois » qui, nés d'un côté de la Seine, n'ont jamais passé >> les ponts pour visiter l'autre rive. »

Comme il devait faire plaisir à ses nouveaux concitoyens lorsqu'il écrivait ceci : « Les Parisiens ne >> doivent jamais se plaindre, ils ont été constamment >> les enfants gâtés de la nation; tous les habitants de >> la province envient leur sort, et nous payons bien >> cher l'orgueil de dire que notre capitale est la plus » belle et la plus riche ville du monde ». (Paris et toujours Paris).

Ces réflexions, qui amusaient et ravissaient nos pères, il y a quatre-vingts ans, ne sont-elles pas d'une parfaite justesse, surtout au lendemain des expositions universelles ?

Dans le Parisien à Dunkerque, qui est plus qu'un article de journal, mais un récit assez long, V. Simon s'égaye aux dépens d'un habitant de la capitale, s'amuse de ses étonnements, tout en n'épargnant pas ses concitoyens d'adoption à qui il donne d'excellents conseils, mais dont il raille les travers et les prétentions pour les avoir observés dans la classe moyenne. Ainsi, on y lit cette réflexion : « Quand un négociant, >> chez nous, a gagné 10.000 francs de rentes, il ferme >> son comptoir et liquide ses affaires. Il n'en est pas » de même chez nos voisins; ce sont les riches négo>> ciants qui font les grandes entreprises et ils man>>quent à Dunkerque. »

Voici un tableau de la propreté flamande qui est complet : « Je conduisis successivement Armand » dans toutes les pièces dont il admirait l'éblouissante >> simplicité. Les meubles les plus communs étaient >> charmants pour lui. Il se mirait dans l'acajou d'un » secrétaire; il n'osait rien toucher; il s'extasiait sur » le poli des pincettes qui lui semblaient d'acier et » sur le brillant des têtes de chênets de pur cuivre >> jaune. Mais son extase fut à son dernier période » lorsque je lui ouvris la porte du grenier. Ah! » quel beau grenier, s'écria-t-il, c'est une salle de » danse. Trouvez-moi, lui dis-je en souriant, une >> toile d'araignée; croyez-vous qu'une famille y » serait bien logée ? - Mon Dieu, dit Armand, il ne » manque que des rideaux aux fenêtres et tel se plaint » à Paris de coucher dans un grenier qui serait fort >> heureux d'avoir un logement semblable. >>

Et quelques lignes plus haut : « Les planchers sont » nettoyés de même (avec l'écrapette) et si propre» ment, qu'un jour, dinant chez un de mes amis, le >> bouilli vint à s'échapper du plat que tenait une >> servante étourdie et roula plus de six pas en avant, >> escorté de quelques carottes et d'une forêt de persil. » La servante réunit le bouilli sur le plat et nous le >> mangeàmes comme s'il fut tombé sur la nappe, et » de très bon appétit. Pourrait-on faire cela à Paris?

Savourons aussi la lettre qu'il fait écrire par la petite bourgeoise en quête d'un mari pour sa fille, lorsque celui-ci est sur le point de lui échapper:

<< Monsieur, j'ai envoyé à l'hôtel ma servante pour >> savoir de vos nouvelles; elle m'a dit que vous avez » été malade toute la nuit, ce qui a fait beaucoup » de peine à ma fille et à moi. Ménagez-vous, parce

« ZurückWeiter »