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le prix de leur vigilance ou de leur patrio-1795-1796. tisme, suivant les maximes du jour. Mais pour d'autres, il était dangereux de produire des titres qui, réveillant l'humeur contre eux, invitaient à la recherche de leurs opinions. Aussi, nombre de ces créanciers gardèrentils le silence. La liquidation devint hérissée de telles difficultés, qu'elle fut à peu près synonyme de banqueroute; et sous Bonaparte lui-même, elle conserva habituellement ce caractère odieux.

La cupidité financière s'était flattée de trouver une abondante ressource dans les biens du clergé, de ces provinces belgiques qui, réunies à la France, étaient destinées à subir tous les contre-coups de la révolution. Mais il ne dépendait pas du Directoire de changer les mœurs et les scrupules religieux de ce peuple belge, qui, cinq ans auparavant, s'était soulevé contre l'Autriche dans l'intérêt de quelques couvens de moines supprimés. Il se présentait peu d'acquéreurs pour des biens qui avaient été administrés avec la prévoyance la plus paternelle et la plus éclairée. Ceux qui venaient de France pour se saisir d'une si belle proie, s'accordaient aisément pour faire tomber au plus modique rabais des

1795-1796. biens d'une possession aussi incertaine. Tout à l'heure la Belgique avait été reconquise par l'Autriche; ne pouvait-elle l'être une seconde fois ?

Quant aux biens des émigrés, ce qui en restait encore à vendre était estimé un milliard; mais on fut bien loin d'en obtenir cette somme. On voyait le combat sérieusement engagé contre les lois révolutionnaires. La minorité des deux Conseils, qui les attaquait avec mesure, constance et talent, était merveilleusement secondée par l'opinion publique; et tout faisait présumer que l'élection d'un nouveau tiers la conduirait à la victoire. Il n'était pas sûr de posséder des biens d'émigrés dans les départemens de l'ouest et dans quelques départemens du midi. Là, on les acquérait sans peine pour deux ou trois années du revenu. Le Directoire, qui avait à prononcer encore sur quatre-vingt mille réclamations, se retranchait dans les lenteurs d'un travail qui paraissait équivalent à un déni de justice. Cependant quelques radiatious écla tantes lui avaient été surprises ou arrachées. Barras, entouré d'une cour où figuraient plusieurs dames nobles, se montrait accessible à leurs sollicitations. Puis, pour calmer les Ja

cobins, il feignait une colère extrême contre 1795-1796. ses bureaux. *

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* Le système des finances du Directoire inspire si peu d'intérêt, ou plutôt un si juste mépris, que je n'ai pas cru devoir en présenter l'esquisse dans le texte de cette histoire; mais je la présente dans une note pour satisfaire les esprits curieux de ce genre de recherches.

Je n'ai indiqué jusqu'à présent dans les ressources du Directoire que des capitaux, et point de revenu. La Couvention avait créé les uns; c'était à lui à créer l'autre. Depuis l'Assemblée constituante, le système des impôts directs avait prévalu. Il paraît qu'en cela les différentes assemblées législatives avaient moins cherché à se conformer aux principes rigoureux des économistes qu'à l'horreur que le peuple avait conser vée pour la plupart des impôts indirects de l'ancien régime. Le Directoire et les deux Conseils prirent le parti d'essayer tous les genres de taxe qui s'accommodent avec les préjugés des pauvres, en paraissant ne frapper que sur les riches, mais qui, en accablant ceux-ci dans leur propriété, oppriment encore plus l'indigent dans son travail. La répartition de la contribution directe fixée par l'Assemblée constituante, et maintenue par les deux Conseils à la somme de 240 millions, retraçait les iniquités insensées du régime révolutionnaire. En effet, on s'obstina, au retour du numéraire, à lever cette contribution d'après les rôles établis en 93, c'est-à-dire à l'époque où tous les grands propriétaires, dispersés, emprisonnés, ou

1795-1796. Mais, tandis que je parle des biens des émigrés, je ne me pardonnerais pas de négliger

frappés d'effroi, avaient été condamnés par les habitans des campagnes à payer la plus forte partie, et, dans quelques lieux, la totalité de la contribution territoriale. D'un autre côté, le gouvernement, avec les énormes et onéreuses propriétés que lui représentaient les biens nationaux encore entre ses mains, se trouvait imposé sans mesure: c'est peut-être en finance que la peine suit de plus près l'injustice. Ce désordre ne fut que faiblement modifié avant le 18 brumaire.

Les deux Conseils fixèrent la contribution somptuaire et personnelle à 60 millions : elle comprenait plusieurs taxes minutieuses sur les cheminées, les portes, les domestiques, les chevaux, et d'autres objets d'un luxe qui n'avait alors que peu d'éclat.

Les droits de l'enregistrement et les droits du timbre formaient, avec les deux contributions directes, le principal revenu de l'État...

On se hâta de créer des douanes avant d'avoir recouvré un commerce extérieur. On en espéra, mais on n'en obtint pas une somme de 8 millions.

On établit un droit de 25 francs par quintal sur les tabacs importés en France; un autre sur la navigation intérieure et sur les canaux; un autre sur les billets de spectacle. On créa un droit de patente pour l'exercice de chaque profession. Mais ce droit était faible, et sa répartition même était un hommage rendu à la scrupuleuse égalité dont on poursuivait la chimère.

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complétement le tableau de leur sort pendant 1795-1796. ces funestes années d'exil. Ce tableau, com ment l'entreprendre? Pourrais-je, sans tomber dans une fatigante complication de faits et d'incidens, suivre la destinée de ceux même

Toutes les professions étaient classées sous des titres vaguement génériques, tels que ceux d'homme de loi, d'officier de santé, d'artiste, etc. Ces dénominations tendaient à détruire une échelle de considération que l'opinion n'a point formée d'une manière arbitraire entre des professions qui ne supposent pas un degré égal de mérite, de travaux et de talens.

Les forêts nationales, fort accrues par celles qui avaient appartenu au clergé et aux émigrés, entraient dans le revenu du gouvernement, et lui offráient la dangereuse tentation d'un nouveau capital à dévorer; il y résista, mais non à la foule d'abus toujours prêts à renaître dans cette partie difficile de l'administration.

Ce tableau des ressources du Directoire ne montre que la dissipation forcée, précipitée de ces malheureuses richesses que la nation avait cru conquérir sur elle-même. On rendrait bien plus sensible cette misère réelle, si l'on entrait dans le détail des expédiens ruineux que le Directoire fit appeler lois de finance; si on le montrait vivant d'anticipation, ne pouvant vivre d'emprunt, toujours prêt à laisser des gages excessifs aux mains de ceux qui, par avarice, aidaient, provoquaient et centuplaient ses embarras, ne sachant les punir qu'en les trompant, et revenant par lassitude à se laisser tromper.

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