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1797.

dissimuler long-temps leur petit nombre. Ils ont lancé leur manifeste, et c'est la constitution française servilement et absurdement copiée qu'ils proposent comme le seul moyen de calmer la colère des vainqueurs. Une transaction si déshonorante et si désastreuse est d'abord rejetée dans le conseil avec an assentiment presque unanime; mais les préparatifs de Baraguay-d'Hilliers pour le siége de Venise ébranlent de nouveau l'imagination de sénateurs qui ont vieilli dans les délices de la paix. «Si nous soutenons un siége, se « disent-ils, qui nous secondera? Est-ce l'Au<«<triche qui a déjà conjuré notre ruine avec «ses plus cruels ennemis, qui déjà même a

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réglé le partage de nos dépouilles, et veut « dévorer Venise tout entière? Tâchons de «<< conserver au moins le centre et le berceau « de notre république; fléchissons sous une « dure nécessité; réservons pour des temps «< meilleurs ce qui peut nous rester de force," «< de puissance et même de patriotisme; l'Eu«< rope dira au moins que nous périssons vic<< times de notre modération; notre sort sera

celui de la Pologne; mais on ne nous re<< prochera pas de l'avoir mérité, comme ce malheureux pays, par une anarchie invé

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« térée; un temps viendra où l'on jugera 1797. << sévèrement ceux qui trafiquent aujourd'hui, «<et sans nous avoir combattus, de ces possessions qui rappellent l'héroïsme et la sagesse « de nos pères. On reconnaîtra bientôt de quel poids était une république sage, forte «<et pacifique dans la balance de l'Europe; "faisons à la patrie le sacrifice de nos digni«<tés, de notre pouvoir, de nos biens, et, s'il «<le faut, de notre vie même. La France sera <«< du moins obligée de respecter dans Venise «<les lois qu'elle-même lui aura imposées; <<osera-t-elle consommer l'anéantissement « d'une république qui vient de lui donner le « plus douloureux et le plus déplorable gage « de sa soumission. >>

Telles étaient les dispositions des sénateurs, des sages et du doge lui-même en se rendant

cr

le 1o mai au grand conseil. C'était par les séditieux qu'ils étaient convoqués; l'hôtel-deville était environné de soldats, canons braqués, mèche allumée; les cloches semblaient sonner le moment funèbre de la république; le peuple était silencieux, et l'on eût dit, à sa profonde douleur, que c'était lui qu'on forçait d'abdiquer; le doge Manini, d'une voix lamentable et dans un discours où il craignait

Le sénat se

dissout.

1797. encore d'irriter le vainqueur par un reste de fierté, propose de faire des changemens à la constitution aristocratique, selon le vœu des Français; l'avis du doge fut mis aux voix et adopté par une majorité de cinq cent quatrevingt-dix-huit contre vingt et une. Douze jours après le grand conseil s'assemble de nouveau, et c'est pour déclarer une abdication définitive et absolue; ce jour même il avait donné l'ordre aux quinze mille Esclavons qui défendaient la flotte de s'embarquer; le peuple se voit privé de tout appui et ne peut contenir ni sa douleur ni sa rage, il reproche aux patriciens leur pusillanimité, se charge à lui seul de sauver la république ; il va chercher sur le port les Esclayons qui s'embarquent, en ramène un grand nombre, et les met à sa tête; parcourt toute la ville, insulte les démocrates alliés des Français, pille leurs maisons, fait flotter l'étendard de Saint-Marc, et menace de mort tous ceux des patriciens qui ont montré de la faiblesse, ou qu'on accuse de trahison: l'anarchie et la désolation étaient au comble, lorsque le général Baraguay-d'Hilliers entre dans la ville avec une partie de l'armée. Au plus affreux tumulte succède un plus affreux silence; les démocrates seuls affectent

de la confiance et de la joie, ils ont organisé 1797. une municipalité, un nouveau grand conseil ; ils se flattent maintenant de pouvoir traiter avec la République française, d'en obtenir tous les égards, tous les soins de la fraternité; de conserver tout le territoire de Venise, ou d'être dédommagés de quelques cessions forcées par des possessions d'une même étendue et d'une même importance: mais que deviennent-ils lorsqu'ils voient mettre à exécution les ordres spoliateurs de Bonaparte?Ces vaisseaux de guerre, ces galères qui font encore l'orgueil de Venise, et qui n'ont rien pu pour sa défense, sont confisqués par les Français et conduits à Toulon ; les commissaires français procèdent à l'enlèvement et du lion de Saint-Marc conquis autrefois par Morosini dans le Pyrée, et de ces chevaux de bronze du corinthien Lysippe, destinés à voyager avec la victoire de la Grèce en Asie, de l'Asie à Rome, de Rome à Constantinople, de Constantinople à Venise, et de Venise à Paris, pour en être en-levés encore. Bonaparte accorde enfin la paix à cette république mutilée et avilie; mais cette paix qui lui conserve sa capitale et une grande partie de sa domination, il refuse bientôt de la ratifier, il lui vient pour la première

1797.

Articles secrets du traité de Léoben.

fois des scrupules sur l'étendue des pouvoirs
qu'il exerce, il montre une déférence tardive
pour le Directoire. L'ambassadeur Querini
est enfin
parvenu soit à toucher, soit à
gagner
les magistrats de la République française; le
Directoire voudrait sauver ce qui reste de
Venise asservie au gouvernement démocra-
tique; Bonaparte a d'autres desseins.

Il est temps maintenant d'expliquer les articles secrets du traité de Léoben, et de pénétrer l'esprit de la paix de Campo-Formio qui en changea beaucoup les bases; les articles ostensibles des préliminaires contenaient la renonciation de l'empereur aux provinces belgiques et à la rive gauche du Rhin; le sort de l'Italie était décidé dans les articles secrets: l'empereur renonçait à la Lombardie, et recevait en indemnité la plus grande partie de la Terre-Ferme, l'Istrie et la Dalmatie venitiennes. Venise recevait en échange les trois légations de la Romagne, de Bologne et de Ferrare; la France prenait une autre partie du territoire venitien comprise entre l'Adda, le Pô, la Valteline et le Tyrol. Les forteresses de Palma-Nova, Peschiera, Porto-Legnago, les châteaux de Vérone, d'Osopo et de Brescia devaient être rendus à l'empereur

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