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1797.

LIVRE QUATRIÈME.

Je vais conduire mes lecteurs jusqu'au traité de Campo - Formio, qui termina ou plutôt suspendit cette guerre opiniâtre de la France et de l'Autriche. Ici les événemens se compliquent beaucoup, mais ils aboutissent à un commun résultat. J'aurai enfin à prononcer le nom de paix; mais les événemens qui vont accompagner ou suivre celle de Campo-Formio montreront assez ce qu'il faut attendre d'une paix sans loyauté.

Libérateur de l'Allemagne, l'archiduc Char- Prise de Kehl par l'archiduc les voulait la mettre à couvert d'une invasion Charles.

nouvelle et prochaine. Pour parvenir à ce but, deux points lui paraissaient importans à soumettre sur la rive droite : c'étaient le fort de Kehl et la tête du pont d'Huningue. Mais l'un et l'autre étaient défendus par l'armée de Moreau. Un jour avait suffi à ce général pour s'emparer de Kehl. Il fallut près de deux mois à l'archiduc Charles pour le reprendre. Moreau, maître de cette position, en avait

Janvier 1797.

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Mais l'archiduc sut se tenir à l'abri d'une nouvelle surprise. L'effort de son artillerie fut dirigé sur le pont de Strasbourg. Il est enfin rompu; on le répare; il tombe en éclats une seconde fois. Moreau ne peut plus donner les mêmes secours au fort assiégé. La seconde parallèle est achevée. Desaix se défend encore; il ne veut rendre qu'un monceau de cendres. Le 10 janvier, l'archiduc Charles entre dans une chétive bourgade devant laquelle il a perdu quinze mille hommes. Le général Desaix conserva, par

une capitulation digne d'une telle défense, toute son artillerie, et il repassa le Rhin avec sa garnison, tambour battant, mèche allumée et drapeaux déployés.

On peut dire que Moreau, par une résistance qui arrêtait si long-temps l'archiduc et l'élite des troupes autrichiennes, contribua beaucoup aux succès de l'armée d'Italie, et à la prise de Mantoue.

Cependant, à l'occasion même de la défense de Kehl, Bonaparte juge très sévèrement, dans les Mémoires de Sainte-Hélène, son émule de gloire, et montre à la fois peu de soin et peu d'adresse pour dissimuler une vieille jalousie.

La défense de la tête du pont d'Huningue illustra beaucoup aussi son commandant le général Abatucci. Ce brillant officier, après avoir repoussé un formidable assaut, fit une sortie qui ruina pour un temps les ouvrages de l'ennemi. Mais, au milieu de ce succès, il tomba blessé à mort. Le 19 février, la garnison capitula et repassa le Rhin.

Ainsi se termina, sur cette frontière, une campagne qui fit à la fois la gloire de deux généraux ennemis, Moreau et l'archiduc Charles. Un armistice fut convenu entre les

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Dispositions du Directoire

la paix.

deux armées, et les Français, laissés maîtres de la rive gauche du Rhin, s'habituèrent à la regarder comme irrévocablement soumise à leur puissance. Le gouvernement français fit une faute en accordant cet armistice sur le Rhin. C'était comme s'il eût envoyé lui-même l'archiduc Charles et ses meilleurs bataillons au secours de la Carinthie et de Vienne ellemême, dont le vainqueur de Mantoue méditait déjà la conquête.

Quelles étaient les pensées du Directoire relativement à relativement à la paix avec l'Autriche? Il faut quelques détails pour éclaircir ce point. Ce gouvernement pentarchique offrait peu d'harmonie, et brillait peu par la prévoyance. Celui des Directeurs qui s'arrogeait la suprématie politique, Rewbell, avait un esprit de ruse et de mauvaise foi à laquelle sa brusquerie servait de masque. Il ne voulait que des paix partielles et transitoires; il craignait le retour des armées, celui des généraux, et par-dessus tout celui de Bonaparte. Ce Directeur, parvenu au pouvoir par le seul effet du hasard, détestait un homme qui pouvait y être porté par sa gloire et son génie.

Quant à La Réveillère-Lépeaux, sa philanthropie s'accommodait fort bien de la guerre;

il y voyait le plus sûr moyen d'affranchir les peuples, de leur faire connaître les bienfaits de la pentarchie, du nivellement politique, de cette déclaration des droits de l'homme, dont aucun article n'était respecté, même en France, enfin de cette religion naturelle qui n'était qu'une guerre déclarée au sacerdoce.

Barras croyait devoir afficher des sentimens guerriers, à cause de l'espèce de renommée militaire que lui avaient faite plusieurs journées de la révolution.

L'extrême embarras des finances pouvait affaiblir le désir de la guerre chez ces trois Directeurs; mais la ressource de la banqueroute s'offrait plus naturellement à leur esprit que celle de la paix. Ces trois Directeurs pensaient qu'il ne convenait pas à la République française de se montrer au-dessous de la république romaine. Ainsi c'était sur une guerre perpétuelle qu'ils fondaient le bonheur de la France et du monde. Mais les Romains avaient signé des trèves, et même des traités de paix. A leur exemple, les trois Directeurs et tous les hommes de leur parti pensaient qu'on pouvait traiter avec un État puissant, sous la condition d'écraser, pendant l'intervalle, des États faibles.

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