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la fois les trésors de Rome et ceux de NotreDame de Lorette, se promettait, pour couvrir son avarice, de célébrer bientôt une résurrection de la liberté romaine. La Réveillère-Lépeaux se réjouissait de faire passer sous le joug et le pape, et les cardinaux, et les évêques, et les images des saints. Déjà il composait l'hymne qui dans les temples des théophilanthropes serait entonné pour célébrer la ruine du chef-lieu de la superstition, et pour la renaissance de la patrie des Brutus et des Camille. Les instructions que recevait Bonaparte du palais du Luxembourg, ressemblaient assez à celles qu'en d'autres temps les généraux eussent pu recevoir du comité de salut public. Bonaparte vit qu'il avait à choisir entre une ignominie qui allait associer à des noms infâmes son nom si glorieux, et un acte de modération magnanime qui, en offensant les chefs de la République, lui concilierait la reconnaissance de l'Europe, l'affection du peuple français, et préparerait de loin son avénement au trône. Ses troupes entrèrent dans Lorette après que Pie VI en eut fait transporter le trésor à Rome. Il fallut bien livrer la célèbre Madone à la cupide vanité des chefs de la République. Mais

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tout autre pillage fut sévèrement défendu. Pie VI avait demandé une trève nouvelle. Ses quatre légats, le cardinal Mattei, l'évêque Galeppi, le duc Louis de Braschi et le marquis Camille Massimi, furent agréablement surpris de l'accueil qu'ils reçurent de Bonaparte. Ce n'était pas seulement de la bienveillance exprimée envers eux; c'était de la déférence pour le souverain pontife. La lettre de Pie VI était calme et résignée, mais ne renfermait aucune de ces adulations si suspectes ou si avilissantes dans la bouche des vaincus. Bonaparte témoigna qu'il en était charmé, et voici des fragmens de sa réponse : « Très Saint Père,

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« Je dois remercier votre Sainteté des choses obligeantes contenues dans la lettre qu'elle << s'est donné la peine de m'écrire. La paix en«<tre la République française et votre Sainteté «< vient d'être signée. Je me félicite d'avoir pu << contribuer à son repos particulier.... Toute l'Europe connaît les intentions pacifiques et «<les vertus conciliatrices de votre Sainteté. « La République française sera, j'espère, une « des amies les plus vraies de Rome. J'envoie "mon aide-de-camp, chef de brigade, pour << exprimer à votre Sainteté l'estime et la vé

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<< sant serviteur.

"nération parfaite que j'ai pour sa personne; « et je la prie de croire au désir que j'ai de « lui donner, dans toutes les occasions, les « preuves de vénération et de respect, avec lesquels j'ai l'honneur d'être son très obéisSigné BONAPARTE. » Ces expressions: La République française sera, j'espère, une des amies les plus vraies de Rome, étaient si peu dans le génie du moment, qu'il n'y a nulle témérité à supposer que Bonaparte meditait dès lors le projet de faire cesser le schisme de l'Église, opéré par la constitution civile du clergé. Déjà il avait traité avec une insigne douceur, et presque avec respect, tous ceux des prêtres déportés qu'il avait rencontrés en Italie. Il les avait mis, par un ordre du jour très courageux, à l'abri de tout outrage et de toute persécution. Il savait sans doute que la reconnaissance de ces prêtres s'exprimerait vivement, et lui concilierait d'importans suffrages dans le parti royaliste.

Il n'est point dans mon habitude, il n'est point dans mon âme, de diminuer le prix d'un acte magnanime par des considérations tirées de l'ambition ou de l'intérêt personnel de celui qui a pu l'accomplir; et toutefois je n'ai

pu me défendre, en lisant la lettre de Bona- 1797. parte au saint-père, de penser qu'il avait prévu dès ce moment que le chef suprême de l'Église pourrait être entraîné par la reconnaissance et par le salut de la religion, à consacrer un jour en lui le suprême pouvoir.

Après une telle conduite et une telle lettre, Bonaparte était forcé de vaincre toujours. Qu'il eût été vaincu, le Directoire les lui eût reprochées comme un crime capital.

La nouvelle paix conclue n'était, dans presque toutes ses bases, qu'une ratification de celle qui avait été signée précédemment. La plus rigoureuse des conditions que le vainqueur y ajoutait était l'occupation de la ville et du port d'Ancône.

Considérations sur les

de

Bonaparte.

victoires.

Maintenant il faut suivre, en France, l'effet des victoires de Bonaparte sur l'opinion desseins publique. Des deux partis qui allaient se Effet de ses livrer de nouveaux combats dans l'intérieur, l'un affectait de ne voir dans les conquêtes de Bonaparte que les conquêtes illimitées de la liberté française; l'autre tâchait d'y saisir quelques lueurs d'espoir pour le rétablissement de la monarchie. Les républicains n'hésitaient pas à le proclamer le plus grand des hommes qui eût jamais existé; je copie leurs

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expressions; les autres se disaient : Il n'y a rien de républicain dans un tel homme. Ils ajoutaient Il nous appartiendra un jour; malheureusement ils auraient dû dire : Nous lui appartiendrons. Les jours où ses aides-decamp et quelquefois même ses plus brillans généraux entraient à Paris, étaient des jours de fête dont le gouvernement ne pouvait égaler l'éclat dans ses solennités les plus dispendieuses. C'était à qui obtiendrait des détails de la bouche de Marmont, ou de Duroc, ou de Bessières, auxquels il confiait ces missions glorieuses pour prix de leur bravoure et de leurs talens militaires. Surtout après les journées de Castiglione, d'Arcole et de Rivoli, on n'avait plus assez de lauriers pour couronner ces envoyés de la victoire. On ne cessait de courir à l'Hôtel des Invalides pour voir les voûtes du magnifique dôme tapissées par d'innombrables drapeaux. Tous les royalistes exaltaient sa conduite envers le pape, et le louaient d'une magnanime désobéissance aux ordres violens du Directoire. Aussi même de ce côté, lui prodiguait-on les hyperboles de la louange. En France, l'enthousiasme va toujours plus loin que la flatterie.

Tous les autres généraux disaient l'armée

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