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1795-1796. éminent parmi les patriotes conjurés. Aussi orgueilleux de ses crimes projetés que d'autres l'étaient de leurs crimes commis, il écrivit au Directoire une lettre curieuse, dont voici le début << Regarderez-vous au-dessous de « vous, citoyens Directeurs, de traiter avec << moi de puissance à puissance? Vous avez <<< vu de quelle vaste confiance je suis le centre. « Vous avez vu que mon parti peut bien ba<< lancer le vôtre. Vous avez vu quelles im«< menses ramifications y tiennent. Je suis <«< convaincu que cet aperçu vous a fait trem«bler ». Baboeuf finissait par offrir, pour sa rançon, la soumission momentanée de son parti. Le Directoire, pour toute réponse, fit publier cette lettre insolente et bizarre.

L'arrogance de Gracchus-Baboeuf ne tarda pas à être justifiée par les efforts que fit son parti pour le sauver, et qui, déconcertés avec adresse plutôt que punis avec rigueur, durèrent près d'une année entière. Le Directoire se piquait d'agir seul contre les anarchistes, et se gardait bien d'appeler les secours d'un parti opposé. Il avait pour lui la garde que la constitution lui avait donnée, et celle des deux Conseils; troupe de deux ou trois mille hommes, qui, choisis pour résister aux roya

listes, se trouvaient moins propres à repous- 1795-1796. ser les Jacobins. Le Directoire plaçait à plus juste titre sa confiance dans quelques régimens de ligne, dont les colonels lui étaient dévoués. Les royalistes et même les bourgeois de Paris, désarmés par le 13 vendémiaire, étaient obligés de rester neutres dans un débat où il s'agissait de leurs jours.

Peu de jours avant l'arrestation de Babœuf, le directeur Barras avait fait venir au Luxembourg un des principaux conjurés, nommé Germain, l'avait grondé paternellement, avait protesté devant lui qu'il était toujours animé des mêmes sentimens contre les royalistes; Barras fut amené, par la chaleur de l'entretien, à dire : « Si on m'eût laissé faire

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après le 13 vendémiaire, j'aurais encore « avec vous travaillé la marchandise ». (Ces hideuses expressions étaient employées, dans l'argot jacobin, pour exprimer un massacre.) Barras n'avait cédé qu'à une vieille habitude en tenant ce langage; et personne ne pouvait croire que, dans son poste nouveau, il eût quelque sympathie avec les partisans de la loi agraire; mais la dignité d'un pentarque se trouvait tellement avilie par de telles expressions, rapportées textuellement dans le

1795-1796. procès de Baboeuf, qu'il n'y avait plus ni toque, ni panache, ni manteau de velours qui pût la rehausser.

Les anarchistes s'étaient fait de nombreux partisans dans un corps nommé Légion de police, et formé en général de l'écume révolutionnaire. Plusieurs de ces hommes avaient promis de délivrer du Temple Babœuf et ses amis. Mais le ministre de la police, l'Apparent, avait aussi parmi eux ses agens. Instruit du complot, il sollicita du Directoire un arrêté énergique, et la Légion de police fut licenciée avec ignominie. Tandis que mornes et confus, en présence d'un régiment de ligne qui souriait à leur opprobre, ces ignobles soldats se laissaient dépouiller de leurs gibernes, de leurs sabres, de leurs uniformes; des femmes, qui se disaient leurs épouses, les traitaient avec une rudesse spartiate : « Lâches, <«<leur disaient-elles, c'est à nous qu'il faut «< remettre vos armes, puisque vous vous en <«< laissez dépouiller. Savez-vous ce que nous << en ferions? nous irions délivrer au Temple << Babœuf et tous les patriotes. Allez filer «< pour nous, et laissez-nous combattre à « votre place pour la sainte liberté ». Les soldats de la Légion de police ne sentaient

point leur strophes.

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courage relevé par ces vives apo- 1795 1796.

Affaiblis par la suppression d'une troupe qui faisait leur espoir, les anarchistes crurent devoir recourir à la ruse. Le stratagème qu'ils inventèrent était d'une nature odieuse, mais ne produisit qu'un effet ridicule. Un jour, les citoyens de Paris sont réveillés par un bruit de pétards qui se tiraient dans différens quartiers ils sortent, et sous leurs pas, ils trouvent des cocardes blanches; au seuil des monumens publics, ils trouvent attaché un drapeau blanc; ils lisent des proclamations où on les invite à prendre les armes pour Louis XVIII. La plupart, effrayés, reviennent sur leurs pas, craignent d'être dénoncés pour avoir lu, pour avoir vu; ils croient que déjà le sang coule, que le jour le plus terrible de la révolution s'annonce. Une longue et profonde inaction fait tomber peu à peu l'effrci; les troupes, les rassemblemens des royalistes n'ont été vus nulle part; un seul homme a été arrêté en tirant un pétard avec lequel il s'est blessé lui-même. On l'interroge; il se nomme; on apprend que c'est un ancien membre du comité révolutionnaire. Il avoue que tout ce prétendu complot de

1795-1796. royalistes n'a été qu'un stratagème des hommes de son parti, pour soulever les patriotes et commencer un mouvement, à la faveur duquel on eût délivré Baboeuf et ses complices. On s'indigne de cette tentative; mais bientôt on ne voit plus que la confusion de ses auteurs; on rit, on se retire. Quelques caricatures font toute la punition de cet abominable jeu.

Malgré ces échecs partiels, les vétérans de l'anarchie, qui n'avaient encore laissé aucun des leurs sur le champ de bataille, ne cessaient de s'exciter à de nouvelles entreprises. Des conventionnels, long-temps proconsuls redoutés, et qui, exclus des deux Conseils, obtenaient à peine de la pitié du Directoire quelques emplois subalternes, des généraux brigands, exclus des armées où ils n'avaient fait que de honteuses apparitions; enfin, si l'on en croit le directeur Carnot, dans ses Mémoires, des Thermidoriens même, indignés de voir les premières magistratures occupées par d'autres que par eux, s'étaient réunis, et peut-être avaient prodigué leurs dernières ressources, pour tenter la foi de la garde directoriale et celle des régimens campés sous Paris, dans la plaine de Gre

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