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Les générations à venir, plus sûres de leur force, apprécieront avec calme ce rare esprit; elles feront la part de l'enthousiasme vrai et du délire mystique; et si l'on restreint les éloges décernés à Novalis par une école égarée, on condamnera aussi l'injurieux dédain que lui prodigue une réaction, nécessaire sans doute, mais entraînée au-delà de ses limites. Novalis ne peut être effacé des lettres allemandes; il y sera remis à sa place.

Pour nous, malgré le danger qu'il y a de juger un tel écrivain, malgré la crainte bien naturelle de rester en deçà ou d'aller au-delà du vrai, s'il faut donner à ce travail une conclusion nettement formulée, nous le ferons ainsi :

C'est Novalis qui a dit ce mot si souvent répété : Spinosa est un homme enivré de Dieu (ein gottbetrunkener Mensch); appliquons-lui cette parole à lui-même: Novalis est enivré de l'absolu. Or, comme il joignait à cette passion de l'idéal une imagination vive, une facilité incroyable à se détacher de la réalité, on peut dire qu'il a vécu au sein d'un monde mystique, lequel n'était pas toujours la création d'un cerveau fantasque, mais la nature même, subtilisée en quelque sorte, transfigurée, réduite aux lois qui la gouvernent et qui l'expliquent. Qu'est-ce que la nature? dit-il quelque part. Une encyclopédie, un système, le plan de notre esprit. Qu'est-ce que l'histoire ? Une immense anecdote. Une seule histoire est sérieuse; c'est celle de la pensée et de l'art. C'est ainsi que ce mystique songeur, plongé au sein de Dieu et plein de dédain pour le monde visible, supprimait tout ce qui n'était pas l'absolu, ou ce qui ne pouvait le ramener immédiatement à ce but unique de sa pensée. Il connaissait très-bien la physique, les mathématiques, la géologie. Son intelligence se plaisait dans l'étude de ces lois, au milieu desquelles il vivait, pour ainsi dire, et qui transformait pour lui la création tout entière. Si les faits n'ont jamais eu à ses yeux une importance sérieuse, s'il a méconnu l'histoire, et s'il l'a méconnue à une époque où le monde était renouvelé par des événements prodigieux, il a du moins connu et apprécié parfaitement les faits spirituels, l'histoire des sciences, l'histoire de l'art; il a eu, enfin, de la philosophie et de la poésie un sentiment, non pas toujours très-juste, mais très-élevé à coup sûr et très-sincèrement enthousiaste.

DISSERTATION HISTORIQUE

SUR

LA MER ÉRYTHRÉE OU MER ROUGE,

PAR M. E. THOMAS.

Le dernier siècle a réveillé un procès que l'antiquité grecque et romaine avait fait naître : Qu'est-ce que la mer Érythrée ? Quelle est l'origine de son nom? La question n'a pas été résolue, bien qu'elle ait été examinée par des hommes habiles, et qu'elle intéresse à la fois la Géographie comparée, la Fable, l'Histoire, l'Archéologie, les Sciences naturelles. Le poëte et le géographe, le mythologue et l'historien, le naturaliste et l'antiquaire, tous les savants enfin, sont entrés en lice, et ont émis sur cette double question les sentiments les plus divers et les plus opposés. Au milieu du choc de tant d'opinions, alors même que je ne serais que le rapporteur de ces singuliers débats, et que je ne chercherais qu'à résumer et à faire converger vers le même but les différents écrits qui ont été publiés sur cet objet, je croirais avoir rendu service aux amis de l'antiquité, en même temps que je pourrais faire plaisir et faciliter les recherches à ceux qui cultivent la géographie moderne. Le golfe Arabique a été le théâtre de tant de merveilles dans les annales sacrées, de tant de faits extraordinaires dans les récits profanes, soit des siècles passés, soit de nos jours, que tout ce qui tient à son histoire offre un intérêt de curiosité réel.

Cet intérêt, le seul que je puisse avouer dans cet essai, parce qu'il ne m'appartient pas, comporte trois subdivisions ou trois questions:

1° Qu'est-ce que les Anciens entendaient par mer Érythrée?

2° Quels noms cette mer ou les parties de cette mer ont portés à différentes époques?

3o Quelles sont les origines de ces noms?

I.

Qu'est-ce que les Anciens entendaient par mer Érythrée?

Les idées assez précises que nous avons des différents bassins maritimes, portent d'abord à penser qu'il s'agit aussi de trouver pour le mot de mer Érythrée une définition exacte, et qui fasse reconnaître immédiatement et précisément les bornes que les Anciens donnaient à cette mer. Mais il n'en est pas ainsi : les Anciens avaient des connaissances très-peu positives, même du bassin Méditerranéen, au milieu duquel ils se trouvaient placés ; quant aux océans, ils en reculaient les limites mobiles, à mesure qu'ils faisaient de nouvelles découvertes, soit à l'occident, soit à l'orient. En sorte que l'océan Indien, par exemple, dont il est en partie ici question, s'étend, se resserre, se transforme et se modifie suivant les époques, et d'après les systèmes des Hérodote, des Ératosthène, des Hipparque, des Strabon, des Marin de Tyr, des Ptolémée, et même des géographes arabes.

La mer Érythrée a donc varié dans son étendue, non-seulement suivant les temps, mais encore selon les auteurs qui en ont parlé, et les géographes ou les historiens qui l'ont décrite.

Notre célèbre d'Anville lui-même, voulant donner à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres une notion générale de la mer Érythrée, se borne à dire qu'elle s'étend depuis la côte orientale de l'Afrique, le long de la côte méridionale de l'Asie'; et c'est ce qu'avait dit Denys le Périégète.

1 Mém. de l'Acad. des Inscrip. et Belles-Lettres, tom. XXXV, pag. 591.

2 In Пepiny; v. 597, 1088, 1133, etc.

Mais, à quel point de la côte d'Afrique commençait-elle? A quel point de la côte asiatique devait-elle s'arrêter? Quelles étaient ses limites méridionales? Il est évident que ces questions ne peuvent être résolues, qu'en examinant jusqu'à quel degré de longitude la navigation ancienne s'était avancée à l'orient. Suivons l'histoire.

:

Les livres les plus anciens qui nous restent, ne font aucune mention de la mer Érythrée. Moïse, comme nous le verrons plus tard, n'en a jamais parlé elle n'est pas nommée une seule fois dans la Bible. L'Asie ne l'a pas connue davantage sous ce nom, pas même dans les temps modernes. Les Grecs sont les premiers qui lui aient donné cette épithète. On trouve pour la première fois dans leurs poëtes et leurs auteurs, comme aussi dans la version grecque des Septante, les noms de mer Érythrée, d'océan Erythréen, Ερυθραία οι Ερυθρὰ θάλασσα, Ερυθραῖον πέλαγος, que les Latins ont traduit exactement par Erythræum mare, ou mare Rubrum.

Cette dénomination ne se trouve pas non plus dans les premières productions de la littérature grecque, dans les vers d'Orphée, de Linus, de Musée, des gnomiques, à cette époque où la poésie tout instructive et morale, laisse peu de place aux ornements de l'imagination, et où chaque chose est en quelque sorte appelée par son nom propre. Hésiode n'en dit rien encore; et Homère même ne désigne pas cette mer, du moins nominativement, quoiqu'il ait parlé des Éthiopiens et des Érembes ou Arabes'. Toutefois Mme Dacier lui a supposé des connaissances géographiques bien autrement étendues, puisqu'elle a prétendu que, par les mots de ακαλαῤῥείτης Ωκεανός *, le grand poète a voulu désigner la mer Pacifique des Modernes. Nous examinerons cette singulière assertion, quand nous serons plus avancé. Au reste, Mme Dacier n'a pas dépassé Bochart, qui conclut de ce passage du Psaume 139, v. 9: Si alas aurora

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