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tous les pouvoirs, et détruit l'indépendance des corps judiciaires;

« Considérant que la liberté de la presse, établie et consacrée comme l'un des droits de la nation, a été constamment soumise à la censure arbitraire de sa police, et qu'en même temps il s'est toujours servi de la presse pour remplir la France et l'Europe de faits controuvés, de maximes fausses, de doctrines favorables au despotisme, et d'outrages contre les gouvernements étrangers;

«Que des actes et rapports, entendus par le sénat, ont subi des altérations dans la publication qui en a été faite;

« Considérant que, au lieu de régner dans la seule vue de l'intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français, aux termes de son serment, Napoléon a mis le comble aux malheurs de la patrie par son refus de traiter à des conditions que l'intérêt national obligeait d'accepter, et qui ne compromettaient pas l'honneur français; par l'abus qu'il a fait de tous les moyens qu'on lui a confiés en hommes et en argent; par l'abandon des blessés sans secours, sans pansement, sans subsistances; par différentes mesures dont les suites étaient la ruine des villes, la dépopulation des campagnes, la famine et les maladies contagieuses;

« Considérant que, par toutes ces causes, le gouvernement impérial établi par le sénatus-consulte du 28 floréal an xi, ou 18 mai 1804, a cessé d'exister, et que le vœu manifeste de tous les Français appelle un ordre de choses dont le premier résultat soit le rétablissement de la paix générale et qui soit aussi l'époque d'une réconciliation solennelle entre tous les États de la grande famille européenne, le sénat déclare et décrète ce qui suit : Napoléon déchu du trône; le droit d'hérédité aboli dans sa famille; le peuple français et l'armée déliés envers lui du serment de fidélité. »

Le sénat romain fut moins dur lorsqu'il déclara Néron ennemi public: l'histoire n'est qu'une répétition des mêmes faits appliqués à des hommes et à des temps divers.

Se représente-t-on l'empereur lisant le document officiel à Fontainebleau? Que devait-il penser de ce qu'il avait fait, et des hommes qu'il avait appelés à la complicité de son oppression de nos libertés? Quand je publiai ma brochure De Bonaparte et des Bourbons, pouvais-je m'attendre à la voir amplifiée et convertic en décret de déchéance par le sénat? Qui empêcha ces législateurs, aux jours de la prospérité, de découvrir les maux dont ils reprochaient à Bonaparte d'être l'auteur, de s'apercevoir que la constitution avait été violée? Quel zèle saisissait tout à coup ces muets pour la liberté de la presse? Ceux qui avaient accablé Napoléon d'adulations au retour de chacune de ses guerres, comment trouvaient-ils maintenant qu'il ne les avait entreprises que dans l'intérêt de son ambition démesurée? Ceux qui lui avaient jeté tant de conscrits à dévorer, comment s'attendrissaient-ils soudain sur des soldats blessés, abandonnés sans secours, sans pansement, sans subsistances? Il y a des temps où l'on ne doit dépenser le mépris qu'avec économie, à cause du grand nombre de nécessiteux je le leur plains pour cette heure, parce qu'ils en auront encore besoin pendant et après les cent-jours.

Lorsque je demande ce que Napoléon à Fontainebleau pensait des actes du sénat, sa réponse était faite : un ordre du jour du 4 avril 1814, non publié officiellement, mais recueilli dans divers journaux au dehors de la capitale, remerciait l'armée de sa fidélité en ajoutant :

« Le sénat s'est permis de disposer du gouvernement français; il a oublié qu'il doit à l'empereur le pouvoir dont il abuse maintenant; que c'est lui qui a sauvé une partie de

ses membres de l'orage de la révolution, tiré de l'obscurité et protégé l'autre contre la haine de la nation. Le sénat se fonde sur les articles de la constitution pour la renverser ; il ne rougit pas de faire des reproches à l'empereur sans remarquer que, comme premier corps de l'État, il a pris part à tous les événements. Le sénat ne rougit pas de parler des libelles publiés contre les gouvernements étrangers: il oublie qu'ils furent rédigés dans son sein. Si longtemps que la fortune s'est montrée fidèle à leur souverain, ces hommes sont restés fidèles, et nulle plainte n'a été entendue sur les abus du pouvoir. Si l'empereur avait méprisé les hommes, comme on le lui a reproché, alors le monde reconnaîtrait aujourd'hui qu'il a eu des raisons qui motivaient son mépris. »

C'est un hommage rendu par Bonaparte lui-même à la liberté de la presse : il devait croire qu'elle avait quelque chose de bon, puisqu'elle lui offrait un dernier abri et un dernier secours.

Et moi qui me débats contre le temps, moi qui cherche à lui faire rendre compte de ce qu'il a vu, moi qui écris ceci si loin des événements passés sous le règne de Philippe, héritier contrefait d'un si grand héritage, que suis-je entre les mains de ce temps, ce grand dévorateur des siècles que je croyais arrêtés, de ce temps qui me fait pirouetter dans les espaces avec lui?

HOTEL DE LA RUE SAINT-FLORENTIN.

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M. DE TALLEYRAND.

Alexandre était descendu chez M. de Talleyrand. Je n'assistai point aux conciliabules on les peut lire dans les récits de l'abbé de Pradt et des divers tripotiers qui maniaient dans leurs sales et petites mains le sort d'un des plus grands hommes de l'histoire et la destinée du monde. Je comptais pour rien dans la politique en dehors des masses; il n'y avait pas d'intrigant subalterne qui n'eût aux antichambres beaucoup plus de droit et de faveur que moi : homme futur de la restauration possible, j'attendais sous les fenêtres, dans la rue.

Par les machinations de l'hôtel de la rue Saint-Florentin, le sénat conservateur nomma un gouvernement provisoire composé du général Bournonville, du sénateur Jaucourt, du duc de Dalberg, de l'abbé de Montesquiou, et de Dupont de Nemours; le prince de Bénévent se nantit de la présidence.

En rencontrant ce nom pour la première fois, je devais parler du personnage qui prit dans les affaires d'alors une part remarquable; mais je réserve son portrait pour la fin de mes Mémoires.

L'intrigue qui retint M. de Talleyrand à Paris, lors de l'entrée des alliés, a été la cause de ses succès au début de la restauration. L'empereur de Russie le connaissait pour l'avoir vu à Tilsit. Dans l'absence des autorités françaises, Alexandre descendit à l'hôtel de l'Infantado, que le maître de l'hôtel se hâta de lui offrir.

Dès lors M. de Talleyrand passa pour l'arbitre du monde; ses salons devinrent le centre des négociations. Composant

le gouvernement provisoire à sa guise, il y plaça les partenaires de son whist : l'abbé de Montesquiou y figura seulement comme une réclame de la légitimité.

Ce fut à l'infécondité de l'évêque d'Autun que les premières œuvres de la restauration furent confiées : il frappa cette restauration de stérilité, et lui communiqua un germe de flétrissure et de mort.

ADRESSES DU GOUVERNEMENT PROVISoire.

PROPOSÉE PAR LE SÉNAT.

CONSTITUTION

Les premiers actes du gouvernement provisoire, placé sous la dictature de son président, furent des proclamations adressées aux soldats et au peuple.

་་

Soldats, disaient-elles aux premiers, la France vient de briser le joug sous lequel elle gémit avec vous depuis tant d'années. Voyez tout ce que vous avez souffert de la tyrannic. Soldats, il est temps de finir les maux de la patrie. Vous êtes ses plus nobles enfants; vous ne pouvez appartenir à celui qui l'a ravagée, qui a voulu rendre votre nom odieux à toutes les nations, qui aurait peut-être compromis votre gloire si un homme qui N'EST PAS MÊME FRANÇAIS pouvait jamais affaiblir l'honneur de nos armes et la générosité de nos soldats. »

Ainsi, aux yeux de ses plus serviles esclaves, celui qui remporta tant de victoires n'est plus même Français!

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