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mes, ne s'inscrivaient point dans ces ventes où des septembriseurs vouaient des assassinats au poignard: fidèles à la poésie de leurs rêveries, aux traditions de l'histoire, au culte du passé, ils firent d'un vieux château, d'une antique forêt, les asiles conservateurs de la Burschenschaft. La reine de Prusse était devenue leur patronne, en place de la reine des nuits.

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Du haut d'une colline, du milieu des ruines, les écolierssoldats, avec leurs professeurs-capitaines, découvraient le faîte des salles de leurs universités chéries émus au souvenir de leur docte antiquité, attendris à la vue du sanctuaire de l'étude et des jeux de leur enfance, ils juraient d'affranchir leur pays, comme Melchthal, Furst et Stauffacher prononcèrent leur triple serment à l'aspect des Alpes, par eux immortalisées, illustrés par elles. Le génie allemand a quelque chose de mystérieux; la Thécla de Schiller est encore la fille teutonne douée de prescience et formée d'un élément divin. Les Allemands adorent aujourd'hui la liberté dans un vague indéfinissable, de même qu'autrefois ils appelaient Dieu le secret des bois : Deorumque nominibus appellant secretum illud... L'homme dont la vie était un dithyrambe en action ne tomba que quand les poëtes de la jeune Allemagne eurent chanté et pris le glaive contre leur rival Napoléon, le poëte armé.

Alexandre était digne d'avoir été le héraut envoyé aux jeunes Allemands: il partageait leurs sentiments élevés, et il était dans cette position de force qui rend possibles les projets; mais il se laissa effrayer de la terreur des monarques qui l'environnaient. Ces monarques ne tinrent point leurs promesses; ils ne donnèrent point à leurs peuples des institutions généreuses. Les enfants de la muse (flamme par qui les masses inertes des soldats avaient été animées) furent plongés dans des cachots en récompense de leur

dévouement et de leur noble crédulité. Hélas! la génération qui rendit l'indépendance aux Teutons est évanouie; il n'est demeuré en Germanie que de vieux cabinets usés. Ils appellent le plus haut qu'ils peuvent Napoléon un grand homme, pour faire servir leur présente admiration d'excuse à leur bassesse passée. Dans le sot enthousiasme pour l'homme qui continue à aplatir les gouvernements après les avoir fouettés, à peine se souvient-on de Korner.

« Arminius, libérateur de la Germanie, dit Tacite, fut inconnu aux Grecs qui n'admirent qu'eux, peu célèbre chez les Romains qu'il avait vaincus; mais des nations barbares le chantent encore, caniturque barbaras apud gentes. »

BATAILLE DE LEIPZIG.

RETOUR DE BONAPARTE A PARIS.
TRAITÉ DE VALENÇAY.

Le 18 et le 19 octobre se donna, dans les champs de Leipzig, ce combat que les Allemands ont appelé la bataille des nations. Vers la fin de la seconde journée, les Saxons et les Wurtembergeois, passant du camp de Napoléon sous les drapeaux de Bernadotte, décidèrent du résultat de l'action; victoire entachée de trahison. Le prince de Suède, l'empereur de Russie et le roi de Prusse pénètrent dans Leipzig à travers trois portes différentes. Napoléon, ayant éprouvé une perte immense, se retira. Comme il n'entendait rien aux retraites de sergent, ainsi qu'il l'avait dit, il fit sauter des ponts derrière lui. Le prince Poniatowski,

blessé deux fois, se noie dans l'Elster : la Pologne s'abîma avec son dernier défenseur.

Napoléon ne s'arrêta qu'à Erfurt de là son bulletin annonça que son armée, toujours victorieuse, arrivait comme une armée battue: Erfurt, peu de temps auparavant, avait vu Napoléon au faîte de la prospérité.

Enfin les Bavarois, déserteurs après les autres d'une fortune abandonnée, essayent d'exterminer à Hanau le le reste de nos soldats. Wrède est renversé par les seuls gardes d'honneur: quelques conscrits, déjà vétérans, lui passent sur le ventre; ils sauvent Bonaparte et prennent position derrière le Rhin. Arrivé en fugitif à Mayence, Napoléon se retrouve à Saint-Cloud le 19 novembre ; l'infatigable de Lacépède revient lui dire

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Votre Majesté a tout surmonté.

M. de Lacépède avait parlé convenablement des ovipares; mais il ne se pouvait tenir debout.

La Hollande reprend son indépendance et rappelle le prince d'Orange. Le 1o décembre les puissances alliées déclarent « qu'elles ne font point la guerre à la France, mais à l'empereur seul, ou plutôt à cette prépondérance qu'il a trop longtemps exercée, hors des limites de son empire, pour le malheur de l'Europe et de la France. »

Quand on voit s'approcher le moment où nous allions être renfermés dans notre ancien territoire, on se demande à quoi donc avaient servi le bouleversement de l'Europe et le massacre de tant de millions d'hommes ? Le temps nous engloutit et continue tranquillement son cours.

Par le traité de Valençay du 11 décembre, le misérable Ferdinand VII est renvoyé à Madrid; ainsi se termina obscurément à la hâte cette criminelle entreprise d'Espagne, première cause de la perte de Napoléon. On peut toujours aller au mal, on peut toujours tuer un peuple ou

un roi; mais le retour est difficile; Jacques Clément raccommodait ses sandales pour le voyage de Saint-Cloud; ses confrères lui demandèrent en riant combien son ouvrage durerait :

Assez pour le chemin que j'ai à faire, répondit-il : je dois aller, non revenir.

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Le corps législatif est assemblé le 19 décembre 1813. Etonnant sur le champ de bataille, remarquable dans son conseil d'État, Bonaparte n'a plus la même valeur en politique : la langue de la liberté, il l'ignore; s'il veut exprimer des affections congéniales, des sentiments paternels, il s'attendrit tout de travers, et il plaque des paroles émues à son insensibilité :

« Mon cœur, dit-il au corps législatif, a besoin de la présence et de l'affection de mes sujets. Je n'ai jamais été séduit par la prospérité; l'adversité me trouvera au-dessus de ses atteintes. J'avais conçu et exécuté de grands desseins pour la prospérité et le bonheur du monde. Monarque et père, je sens que la paix ajoute à la sécurité des trônes et à celle des familles. >>

Un article officiel du Moniteur avait dit, au mois de

juillet 1804, sous l'Empire, que la France ne passerait jamais le Rhin, et que ses armées ne le passeraient plus.

Les alliés traversèrent ce fleuve le 21 décembre 1815, depuis Bâle jusqu'à Schaffouse, avec plus de cent mille hommes; le 31 du même mois, l'armée de Silésie, commandée par Blücher, le franchit à son tour, depuis Manheim jusqu'à Coblentz.

Par ordre de l'empereur, le sénat et le corps législatif avaient nommé deux commissions chargées de prendre connaissance des documents relatifs aux négociations avec les puissances coalisées; prévision d'un pouvoir qui, se refusant à des conséquences devenues inévitables, voulait en laisser la responsabilité à une autre autorité.

La commission du corps législatif, que présidait M. Lainé, osa dire « que les moyens de paix auraient des effets assurés, si les Français étaient convaincus que leur sang ne serait versé que pour défendre une patrie et des lois protectrices; que Sa Majesté doit être suppliée de maintenir l'entière et constante exécution des lois qui garantissent aux Français les droits de la liberté, de la sûreté, de la propriété, et à la nation le libre exercice de ses droits politiques. »

Le ministre de la police, duc de Rovigo, fait enlever les épreuves du rapport; un décret du 31 décembre ajourne le corps législatif; les portes de la salle sont fermées. Bonaparte traite les membres de la commission législative d'agents payés par l'Angleterre.

- Le nommé Lainé, disait-il, est un traître qui correspond avec le prince régent par l'intermédiaire de Desèze ; Raynouard, Maine de Biran et Flaugergues sont des factieux.

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Le soldat s'étonnait de ne plus retrouver ces Polonais qu'il abandonnait, et qui, en se noyant pour lui obéir, criaient encore:

Vive l'empereur!

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