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der et d'examiner : on lui montra tout. La curiosité française, insouciante et sans frayeur, lui demanda ce qu'on trouverait de Viazma à Moscou :

- Pultawa, répondit-il.

Arrivé sur les hauteurs de Borodino, Bonaparte voit enfin l'armée russe arrêtée et formidablement retranchée. Elle comptait cent vingt mille hommes et six cents pièces de canon; du côté des Français, égale force. La gauche des Russes examinée, le maréchal Davoust propose à Napoléon de tourner l'ennemi :

- Cela me ferait perdre trop de temps, répond l'empereur.

Davoust insiste; il s'engage à avoir accompli sa manœuvre avant six heures du matin; Napoléon l'interrompt brusque

ment:

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Ah! vous êtes toujours pour tourner l'ennemi.

On avait remarqué un grand mouvement dans le camp moscovite les troupes étaient sous les armes; Kutuzoff, entouré des popes et des archimandrites, précédé des emblèmes de la religion et d'une image sacrée sauvée des ruines de Smolensk, parle à ses soldats du ciel et de la patrie; il nomme Napoléon le despote universel.

Au milieu de ces chants de guerre, de ces chœurs de triomphe mêlés à des cris de douleur, on entend aussi dans le camp français une voix chrétienne; elle se distingue de toutes les autres; c'est l'hymne saint qui monte seul sous les voûtes du temple. Le soldat dont la voix tranquille, et pourtant émue, retentit la dernière, est l'aide de camp du maréchal qui commandait la cavalerie de la garde. Cet aide de camp s'est mêlé à tous les combats de la campagne de Russie; il parle de Napoléon comme ses plus grands admirateurs; mais il lui reconnaît des infirmités; il redresse des récits menteurs et déclare que les fautes

commises sont venues de l'orgueil du chef et de l'oubli de Dieu dans les capitaines.

"Dans le camp russe, dit le lieutenant-colonel de Baudus, on sanctifia cette vigile d'un jour qui devait être le dernier pour tant de braves.

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Le spectacle offert à mes yeux par la piété de l'ennemi, ainsi que les plaisanteries qu'il dicta à un trop grand nombre d'officiers placés dans nos rangs, me rappela que le plus grand de nos rois (Charlemagne) se disposa lui aussi à commencer la plus périlleuse de ses entreprises par des cérémonies religieuses... Ah! sans doute, parmi ces chrétiens égarés, il s'en trouva un grand nombre dont la bonne foi sanctifia les prières; car si les Russes furent vaincus à la Moskowa, notre entier anéantissement, dont ils ne peuvent se glorifier en aucune façon, puisqu'il fut l'œuvre manifeste de la Providence, vint prouver quelques mois plus tard que leur demande n'avait été que trop favorablement écoutée. »

Mais où était le czar? Il venait de dire modestement à madame de Staël fugitive qu'il regrettait de n'être pas un grand général. Dans ce moment paraissait à nos bivacs M. de Beausset, officier du palais. Sorti des bois tranquilles de Saint-Cloud, et suivant les traces horribles de notre armée, il arrivait la veille des funérailles à la Moskowa; il était chargé du portrait du roi de Rome que Marie-Louise envoyait à l'empereur. M. Fain et M. de Ségur peignent les sentiments dont Bonaparte fut saisi à cette vue; selon le général Gourgaud, Bonaparte s'écria après avoir regardé le portrait :

«< — Retirez-le, il voit de trop bonne heure un champ de bataille. »

Le jour qui précéda l'orage fut extrêmement calme :

« Cette espèce de sagesse que l'on met, dit M. dẹ Baudus, à préparer de si cruelles folies, a quelque chose d'humiliant pour la raison humaine quand on y pense de sang-froid à l'âge où je suis arrivé; car, dans ma jeunesse, je trouvais cela bien beau. »

Vers le soir du 6, Bonaparte dicta cette proclamation; elle ne fut connue de la plupart des soldats qu'après la victoire :

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Soldats, voilà la bataille que vous avez tant désirée. Désormais la victoire dépend de vous; elle nous est nécessaire; elle nous donnera l'abondance et un prompt retour dans la patrie. Conduisez-vous comme à Austerlitz, à Friedland, à Witepsk et à Smolensk, et que la postérité la plus reculée cite votre conduite dans cette journée; que l'on dise de vous: Il était à cette grande bataille sous les murs de Moscou. »

Bonaparte passa la nuit dans l'anxiété tantôt il croyait que les ennemis se retiraient, tantôt il redoutait le dénûment de ses soldats et la lassitude de ses officiers. Il savait que l'on disait autour de lui ;

« Dans quel but nous a-t-on fait faire huit cents lieues pour ne trouver que de l'eau marécageuse, la famine et des bivacs sur des cendres? Chaque année la guerre s'aggrave; de nouvelles conquêtes forcent d'aller chercher de nouveaux ennemis. Bientôt l'Europe ne lui suffira plus; il luí faudra l'Asie. »

Bonaparte en effet n'avait pas vu avec indifférence les cours d'eau qui se jettent dans le Volga; né pour Babylone, il l'avait déjà tentée par une autre route. Arrêté à Jaffa, å l'entrée occidentale de l'Asie, arrêté à Moscou, à la porte septentrionale de cette même Asie, il vint mourir dans les

mers qui bordent cette partie du monde d'où se levèrent l'homme et le soleil.

Napoléon, au milieu de la nuit, fit appeler un de ses aides de camp; celui-ci le trouva la tête appuyée dans ses deux mains :

- Qu'est-ce que la guerre? disait-il. Un métier de barbares où tout l'art consiste à être le plus fort sur un point donné.

Il se plaint de l'inconstance de la fortune; il envoie examiner la position de l'ennemi : on lui rapporte que les feux brillent du même éclat et en égal nombre; il se tranquillise. A cinq heures du matin, Ney lui envoie demander l'ordre d'attaque; Bonaparte sort et s'écrie:

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Allons ouvrir les portes de Moscou.

Le jour paraît; Napoléon montrant l'orient qui commençait à rougir:

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Voilà le soleil d'Austerlitz! s'écria-t-il.

Mojalsk, 12 septembre 1812.

EXTRAIT DU DIX-HUITIÈME BULLETIN DE LA GRANDE armée.

«Le 6, à deux heures du matin, l'empereur parcourut les avant-postes ennemis : on passa la journée à se reconnaître. L'ennemi avait une position très-resserrée.

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<< Cette position parut belle et forte. Il était facile de manœuvrer et d'obliger l'ennemi à l'évacuer; mais cela aurait remis la partie.

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« Le 7, à six heures du matin, le général comte Sorbier, qui avait armé la batterie droite avec l'artillerie de la réserve de la garde, commença le feu.

« A six heures et demie, le général Compans est blessé. A sept heures, le prince d'Eckmühl a son cheval tué.

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« A sept heures, le maréchal duc d'Elchingen se remet en mouvement, et, sous la protection de soixante pièces de canon que le général Foucher avait placées la veille contre le centre de l'ennemi, se porte sur le centre. Mille pièces de canon vomissent de part et d'autre la mort.

« A huit heures, les positions de l'ennemi sont enlevées, ses redoutes prises, et notre artillerie couronne ses mamelons.

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<< Il restait à l'ennemi ses redoutes de droite; le général comte Morand y marche et les enlève; mais à neuf heures du matin, attaqué de tous côtés, il ne peut s'y maintenir. L'ennemi, encouragé par ce succès, fit avancer sa réserve et ses dernières troupes pour tenter encore la fortune. La garde impériale russe en fait partie. Il attaque notre centre sur lequel avait pivoté notre droite. On craint pendant un moment qu'il n'enlève le village brûlé; la division Friant s'y porte quatre-vingts pièces de canon françaises arrêtent d'abord et écrasent ensuite les colonnes ennemies, qui se tiennent pendant deux heures serrées sous la mitraille, n'osant pas avancer, ne voulant pas reculer, et renonçant

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