Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

muet de terreur, et l'on dirait qu'il n'a osé rompre le silence depuis qu'il a entendu la voix de l'Éternel.

« Nous descendîmes de la croupe de la montagne, afin d'aller passer la nuit au bord de la mer Morte, pour remonter ensuite au Jourdain. »

ITINÉRAIRE DE JULIEN.

« Nous sommes descendus de cheval pour les laisser << reposer et manger, ainsi que nous, qui avions une assez «< bonne cantine que les religieux de Jérusalem nous « avaient donnée. Après notre collation faite, nos Arabes « allèrent à une certaine distance de nous, pour écouter, « l'oreille sur terre, s'ils entendaient quelque bruit; nous ayant assuré que nous pouvions être tranquilles, alors «< chacun s'est abandonné au sommeil. Quoique couché sur << des cailloux, j'avais fait un très-bon somme, quand mon<< sieur vint me réveiller, à cinq heures du matin, pour « faire préparer tout notre monde à partir. Il avait déjà «empli une bouteille de fer-blanc, tenant environ trois chopines, de l'eau de la mer Morte, pour rapporter à « Paris. >>

MON ITINÉRAIRE.

« Nous levâmes le camp, et nous cheminâmes pendant une heure et demie avec une peine excessive dans une arène blanche et fine. Nous avancions vers un petit bois d'arbres de baume et de tamarins, qu'à mon grand étonnement je voyais s'élever du milieu d'un sol stérile. Tout à coup les Bethléémites s'arrêtèrent et me montrèrent de la main, au fond d'une ravine, quelque chose que je n'avais pas aperçu. Sans pouvoir dire ce que c'était, j'entrevoyais

comme une espèce de sable en mouvement sur l'immobilité du sol. Je m'approchai de ce singulier objet, et je vis un fleuve jaune que j'avais peine à distinguer de l'arène de ses deux rives. Il était profondément encaissé, et roulait avec lenteur une onde épaisse : c'était le Jourdain...

« Les Bethléémites se dépouillèrent et se plongèrent dans le Jourdain. Je n'osai les imiter, à cause de la fièvre qui me tourmentait toujours. »

ITINÉRAIRE DE JULIEN.

« Nous sommes arrivés au Jourdain à sept heures du matin, par des sables où nos chevaux entraient jusqu'aux « genoux, et par des fossés qu'ils avaient peine à remon<< ter. Nous avons parcouru le rivage jusqu'à dix heures, « et, pour nous délasser, nous nous sommes baignés très« commodément par l'ombre des arbrisseaux qui bordent « le fleuve. Il aurait été très-facile de passer de l'autre « côté à la nage, n'ayant de largeur, à l'endroit où nous « étions, qu'environ quarante toises; mais il n'eût pas été prudent de le faire, car il y avait des Arabes qui cher«< chaient à nous rejoindre, et en peu de temps ils se réu<< nissent en très grand nombre. Monsieur a empli sa « seconde bouteille de fer-blanc d'eau du Jourdain. »

་་

Nous rentrâmes dans Jérusalem: Julien n'est pas beaucoup frappé des saints lieux; en vrai philosophe, il

est sec:

«Le Calvaire, dit-il, est dans la même église, sur une hauteur, semblable à beaucoup d'autres hauteurs sur lesquelles nous avons monté, et d'où l'on ne voit au loin « que des terres en friche, et pour tous bois, des brous

་་

"sailles et arbustes rongés par les animaux. La vallée de Josaphat se trouve en dehors, au pied du mur de Jérusalem, et ressemble à un fossé de rempart.

[ocr errors]

"

[ocr errors]

Je quittai Jérusalem, j'arrivai à Jaffa, et je m'embarquai pour Alexandrie. D'Alexandrie j'allai au Caire, et je laissai Julien chez M. Drovetti, qui eut la bonté de me noliser un bâtiment autrichien pour Tunis. Julien continue son journal à Alexandrie :

« Il y a, dit-il, des juifs qui font l'agiotage comme partout « où ils sont. A une demi-lieue de la ville, il y a la colonne « de Pompée, qui est en granit rougeâtre, montée sur un << massif de pierres de taille. »

MON ITINÉRAIRE.

« Le 23 novembre, à midi, le vent étant devenu favorable, je me rendis à bord du vaisseau. J'embrassai M. Drovetti sur le rivage, et nous nous promîmes amitié et souvenance j'acquitte aujourd'hui ma dette.

« Nous levâmes l'ancre à deux heures. Un pilote nous mit hors du port. Le vent était faible et de la partie du midi. Nous restâmes trois jours à la vue de la colonne de Pompée, que nous découvrions à l'horizon. Le soir du troisième jour, nous entendîmes le coup de canon de retraite du port d'Alexandrie. Ce fut comme le signal de notre départ définitif, car le vent du nord se leva, et nous fimes voile à l'occident.

« Le 1er décembre, le vent, se fixant à l'ouest, nous barra le chemin. Peu à peu il descendit au sud-ouest et se changea en une tempête qui ne cessa qu'à notre arrivée à Tunis. Pour occuper mon temps, je copiais et mettais en ordre les

notes de ce voyage et les descriptions des Martyrs. La nuit, je me promenais sur le pont avec le second, le capitaine Dinelli. Les nuits passées au milieu des vagues, sur un vaisseau battu de la tempête, ne sont pas stériles; l'incertitude de notre avenir donne aux objets leur véritable prix : la terre, contemplée du milieu d'une mer orageuse, ressemble à la vie considérée par un homme qui va mourir.

"

་་

ITINÉRAIRE DE JULIEN.

[ocr errors]

Après notre sortie du port d'Alexandrie, nous avons « été assez bien pendant les premiers jours, mais cela n'a « pas duré, car nous avons toujours eu mauvais temps et « mauvais vent pendant le reste du trajet. Il y avait toujours de garde sur le pont un officier, le pilote et quatre « matelots. Quand nous voyions, à la fin du jour, que nous «allions avoir une mauvaise nuit, nous montions sur le <«< pont. Vers minuit, je faisais notre punch. Je commençais toujours à en donner à notre pilote et aux quatre matelots, ensuite j'en servais à monsieur, à l'officier et à moi; « mais nous ne prenions pas cela aussi tranquillement que «dans un café. Cet officier avait beaucoup plus d'usage que « le capitaine; il parlait très-bien français, ce qui nous a « été très-agréable dans notre trajet. »

[ocr errors]
[ocr errors]

Nous continuons notre navigation et nous mouillons devant les îles Kerkeni.

MON ITINÉRAIRE.

« Un orage du sud-est s'éleva à notre grande joie, et en cinq jours nous arrivâmes dans les eaux de l'île de Malte, Nous la découvrîmes la veille de Noël; mais le jour de Noël

même, le vent se rangeant à l'ouest-nord-ouest, nous chassa au midi de Lampedouse. Nous restâmes dix-huit jours sur la côte orientale du royaume de Tunis, entre la vie et la mort. Je n'oublierai de ma vie la journée du 28.

« Nous jetàmes l'ancre devant les îles de Kerkeni. Nous restâmes huit jours à l'ancre dans la petite Syrte, où je vis commencer l'année 1807. Sous combien d'astres et dans combien de fortunes diverses j'avais déjà vu se renouveler pour moi les années, qui passent si vite ou qui sont si longues! Qu'ils étaient loin de moi ces temps de mon enfance où je recevais avec un cœur palpitant de joie la bénédiction et les présents paternels! comme ce premier jour de l'année était attendu! Et maintenant, sur un vaisseau étranger, au milieu de la mer, à la vue d'une terre barbare, ce premier jour s'envolait pour moi, sans témoins, sans plaisirs, sans les embrassements de la famille, sans ces tendres souhaits de bonheur qu'une mère forme pour son fils avec tant de sincérité! Ce jour, né du sein des tempêtes, ne laissait tomber sur mon front que des soucis, des regrets et des cheveux blancs. »

Julien est exposé à la même destinée, et il me reprend d'une de ces impatiences dont heureusement je me suis corrigé.

ITINÉRAIRE DE JULIEN.

« Nous étions très-près de l'île de Malte et nous avions « à craindre d'être aperçus par quelque bâtiment anglais qui aurait pu nous forcer d'entrer dans le port; mais << aucun n'est venu à notre rencontre. Notre équipage se « trouvait très-fatigué et le vent continuait à ne pas nous

[ocr errors]
« ZurückWeiter »