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de l'état civil de Napoléon et de Joséphine sont soupçonnés d'être des faux. Nonobstant une juste suspicion de fraude, le comte de Beaumont, sous-prefet de Calvi, dans ses Obserrations sur la Corse, affirme que le registre de l'état civil d'Ajaccio marque la naissance de Napoléon au 15 août 1769. Enfin les papiers que m'avait prêtés M. Libri démontraient que Bonaparte lui-même se regardait comme étant né le 15 août 1769, à une époque où il ne pouvait avoir aucune raison pour désirer se rajeunir. Mais restent toujours la date officielle des pièces de son premier mariage et la suppression de son acte de naissance.

Quoi qu'il en soit, Bonaparte ne gagnerait rien à cette transposition de vie : si vous fixez sa nativité au 15 d'août 1769, force est de reporter sa conception vers le 15 novembre 1768; or la Corse n'a été cédée à la France que par le traité du 15 mai 1768; les dernières soumissions des Pièves (cantons de la Corse) ne se sont même effectuées que le 14 juin 1769. D'après les calculs les plus indulgents, Napoléon ne serait encore Français que de quelques heures de nuit dans le sein de sa mère. Eh bien, s'il n'a été que le citoyen d'une patrie douteuse, cela classe à part sa nature; existence tombée d'en haut, pouvant appartenir à tous les temps et à tous les pays.

Toutefois, Bonaparte a incliné vers la patrie italienne; il détesta les Français jusqu'à l'époque où leur vaillance lui donna l'empire. Les preuves de cette aversion abondent dans les écrits de sa jeunesse. Dans une note que Napoléon a écrite sur le suicide, on trouve ce passage:

<< Mes compatriotes, chargés de chaînes, embrassent en tremblant la main qui les opprime... Français, non contents de nous avoir ravi tout ce que nous chérissons, vous avez encore corrompu nos mœurs. »

Une lettre écrite à Paoli en Angleterre, en 1789, lettre qui a été rendue publique, commence de la sorte :

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<« Je naquis quand la patrie périssait. Trente mille Français vomis sur nos côtes, noyant le trône de la liberté dans des flots de sang, tel fut le spectacle odieux qui vint le premier frapper mes regards.

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Une autre lettre de Napoléon à M. Gubica, greffier en chef des états de la Corse, porte:

<«< Tandis que la France renaît, que deviendrons-nous, nous autres infortunés Corses? Toujours vils, continueronsnous à baiser la main insolente qui nous opprime? continuerons-nous à voir tous les emplois que le droit naturel nous destinait occupés par des étrangers aussi méprisables par leurs mœurs et leur conduite que leur naissance est abjecte?»

Enfin, le brouillon d'une troisième lettre manuscrite de Bonaparte, touchant la reconnaissance par les Corses de l'assemblée nationale de 1789, débute ainsi :

« Messieurs,

« Ce fut par le sang que les Français étaient parvenus à nous gouverner; ce fut par le sang qu'ils voulurent assurer leur conquête. Le militaire, l'homme de loi, le financier, se réunirent pour nous opprimer, nous mépriser et nous faire avaler à longs traits la coupe de l'ignominie. Nous avons assez longtemps souffert leurs vexations; mais puisque nous

n'avons pas eu le courage de nous en affranchir de nousmêmes, oublions-les à jamais; qu'ils redescendent dans le mépris qu'ils méritent, ou du moins qu'ils aillent briguer dans leur patrie la confiance des peuples: certes, ils n'obtiendront jamais la nôtre. »

:

Les préventions de Napoléon contre la mère patrie ne s'effacèrent pas entièrement sur le trône, il parut nous oublier; il ne parla plus que de lui, de son empire, de ses soldats, presque jamais des Français ; cette phrase lui échappait : « Vous autres Français.

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L'empereur, dans les papiers de Sainte-Hélène, raconte que sa mère, surprise par les douleurs, l'avait laissé tomber de ses entrailles sur un tapis à grands ramages, représentant les héros de l'Iliade: il n'en serait pas moins ce qu'il est, fût-il tombé dans du chaume.

Je viens de parler de papiers retrouvés; lorsque j'étais ambassadeur à Rome, en 1828, le cardinal Fesch, en me montrant ses tableaux et ses livres, me dit avoir des manuscrits de la jeunesse de Napoléon; il y attachait si peu d'importance qu'il me proposa de me les montrer : je quittai Rome, et je n'eus pas le temps de compulser les documents. Au décès de Madame mère et du cardinal Fesch, divers objets de la succession ont été dispersés; le carton qui renfermait les essais de Napoléon a été apporté à Lyon avec plusieurs autres; il est tombé entre les mains de M. Libri. M. Libri a inséré, dans la Revue des Deux Mondes du 1er mars de cette année 1842, une notice détaillée des papiers du cardinal Fesch; il a bien voulu depuis m'envoyer le carton. J'ai profité de la communication pour accroître l'ancien texte de mes Mémoires concernant Napoléon, toute réserve faite à un plus ample informé quant aux renseignements contradictoires et aux objections à survenir.

LA CORSE DE BONAPARTE.

Benson, dans ses Esquisses de la Corse (SKETCHES OF CORSICA), parle de la maison de campagne qu'habitait la famille de Bonaparte :

«En allant le long du rivage de la mer d'Ajaccio, vers l'île Sanguinière, à environ un mille de la ville, on rencontre deux piliers de pierre, fragments d'une porte qui s'ouvrait sur le chemin : elle conduisait à une villa en ruine, autrefois résidence du demi-frère utérin de madame Bonaparte, que Napoléon créa cardinal Fesch. Les restes d'un petit pavillon sont visibles au-dessous d'un rocher; l'entrée en est quasi obstruée par un figuier touffu : c'était la retraite accoutumée de Bonaparte, quand les vacances de l'école dans laquelle il étudiait lui permettaient de revenir chez lui. »

L'amour du pays natal suivit chez Napoléon sa marche ordinaire. Bonaparte, en 1788, écrivait, à propos de M. de Sussy, que la Corse offrait un printemps perpétuel; il ne parla plus de son île quand il fut heureux; il avait même de l'antipathie pour elle; elle lui rappelait un berceau trop étroit. Mais, à Sainte-Hélène, sa patrie lui revint en mémoire :

« La Corse avait mille charmes pour Napoléon (1); il en détaillait les plus grands traits, la coupe hardie de sa

(1) Mémorial de Sainte-Hélène.

il n'y

structure physique. Tout y était meilleur, disait-il ; avait pas jusqu'à l'odeur du sol même : elle lui eût suffi pour le deviner les yeux fermés; il ne l'avait retrouvée nulle part. Il s'y voyait dans ses premières années, à ses premières amours; il s'y trouvait dans sa jeunesse au milieu des précipices, franchissant les sommets élevés, les vallées profondes. »

Napoléon trouva le roman dans son berceau; ce roman commence à Vanina, tuée par Sampietro, son mari. Le baron de Neuhof, ou le roi Théodore, avait paru sur tous les rivages, demandant des secours à l'Angleterre, au pape, au Grand Turc, au bey de Tunis, après s'être fait couronner roi des Corses, qui ne savaient à qui se donner. Voltaire en rit. Les deux Paoli, Hyacinthe et surtout Pascal, avaient rempli l'Europe du bruit de leur nom. Buttafuoco pria J. J. Rousseau d'être le législateur de la Corse; le philosophe de Genève songeait à s'établir dans la patrie de celui qui, en dérangeant les Alpes, emporta Genève sous son bras.

« Il est encore en Europe, écrivait Rousseau, un pays capable de législation : c'est l'ile de Corse. La valeur et la constance avec lesquelles ce brave peuple a su recouvrer et défendre sa liberté mériteraient bien que quelque homme sage lui apprît à la conserver. J'ai quelque pressentiment qu'un jour cette petite île étonnera l'Europe. »

Nourri au milieu de la Corse, Bonaparte fut élevé à cette école primaire des révolutions; il ne nous apporta pas à son début le calme ou les passions du jeune âge, mais un esprit déjà empreint des passions politiques. Ceci change l'idée qu'on s'est formée de Napoléon.

Quand un homme est devenu fameux, on lui compose des

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