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D'abord les Neustriens, battus par lui à Vincy près de Cambrai, appelèrent à leur aide les Aquitains qui, depuis la dissolution de l'empire des Francs formaient une puissance redoutable. Eudes, leur duc, s'avança jusqu'à Soissons, s'unit aux Neustriens qui n'en furent pas moins vaincus. Peut-être eût-il continué la guerre avec avantage, mais il avait alors un ennemi derrière lui. Les Sarrasins, maîtres de l'Espagne, s'étaient emparés du Languedoc. De la ville romaine et gothique de Narbonne, occupée par eux, leur innombrable cavalerie se lançait audacieusement vers le Nord, jusqu'en Poitou, jusqu'en Bourgogne (1), confiante dans sa légèreté, et dans la vigueur infatigable de ses chevaux Africains. La célérité prodigieuse de ces brigands, qui voltigeaient partout, semblait les multiplier ; ils commençaient à passer en plus grand nombre: on craignait que, selon leur usage, après avoir fait un désert d'une partie des contrées du Midi, ils ne finissent par s'y établir. Eudes, défait une fois par eux, s'adressa aux

synodum non fecerunt, nec archiepiscopum habuerunt, nec ecclesiæ canonica jura alicubi fundabant vel renovabant. -Hincmar, epist. 6, c. 19. Tempore Caroli principis... in Germanicis et Belgicis ac Gallicanis provinciis omnis religio Christianitatis penè fuit abolita ità ut.... multi jàm in orientalibus regionibus idola adorarent et sine baptismo manerent.

(1) En 725, ils prirent Carcassone, reçurent Nîmes à composition, et détruisirent Autun (Chronic. Moissiac., ap. Scr. fr. II, 655. ). En 731, ils brûlèrent l'église de Saint-Hilaire de Poitiers (Fredegarii contin., ibid. 454. — Gesta reg. fr., ibid. 574).

Francs eux-mêmes; une rencontre eut lieu près de Poitiers entre les rapides cavaliers de l'Afrique et les lourds bataillons des Francs [782]. Les premiers, après avoir éprouvé qu'ils ne pouvaient rien contre un ennemi redoutable par sa force et sa masse, se retirèrent pendant la nuit. Quelle perte les Arabes purent-ils éprouver, c'est ce qu'on ne saurait dire. Cette rencontre solennelle des hommes du nord et du Midi a frappé l'imagination des chroniqueurs de l'époque ; ils ont supposé que ce choc de deux races n'avait pu avoir lieu qu'avec un immense massacre (1). Charles Martel poussa jusqu'en Languedoc, il assiégea inu tilement Narbonne, entra dans Nîmes et essaya de brûler les Arènes qu'on avait changées en forteresse. On distingue encore sur les murs la trace de l'incendie.

Mais ce n'est pas du côté du Midi qu'il dut avoir

(1) Selon Paul Diacre (1. VI), les Sarrasins perdirent trois cent soixante-quinze mille hommes. Isidore de Béjà a raconté cette guerre vingt-deux ans après la bataille, dans un latin barbare. Une partie de son récit est en rimes, ou plutôt en assonances. (On retrouve l'assonance dans la chanson des habitans de Modêne, composée vers 924):

Abdirraman multitudine repletam
Sui exercitus prospiciens terram,
Montana Vaceorum disecans,
Et fretosa et plana percalcans,
Trans Francorum intus experditat

Isidor. Pacensis, ap. Scr. rer. fr., II, 721.

le plus d'affaires; l'invasion Germanique était bien plus à craindre que celle des Sarrasins. Ceux-ci étaient établis dans l'Espagne, et bientôt leurs divisions les y retinrent. Mais les Frisons, les Saxons, les Allemands étaient toujours appelés vers le Rhin par la richesse de la Gaule et par le souvenir de leurs anciennes invasions; ce ne fut que par une longue suite d'expéditions que Charles Martel parvint à les refouler. Avec quels soldats put-il faire ces expéditions? Nous l'ignorons, mais tout porte à croire qu'il recrutait ses armées en Germanie. Il lui était facile d'attirer à lui des guerriers auxquels il distribuait les dépouilles des évêques et des abbés de la Neustrie et de la Bourgogne (1). Pour

(1) Chronic. Virdum., ap. Scr. fr., III, 364. Tantâ enim profusione thesaurum totius ærarii publici dilapidatus est, tanta dedit militibus, quos soldarios vocari mos obtinuit (soldarii, soldurii? on a vu que les dévoués de l'Aquitaine s'appelaient ainsi),.... ut non ei suffecerit thesaurus regni, non deprædatio urbium.... non exs poliatio ecclesiarum et monasteriorum, non tributa provinciarum. Ausus est etiam, ubi hæc defecerunt, terras ecclesiarum diripere, et eas commilitonibus illis tradere, etc. Frodoard, 1. II, c. 12: « Quand Charles Martel eut défait ses ennemis, il chassa de son siége le pieux Rigobert, son parrain, qui l'avait tenu sur les saints fonts de baptême, et donna l'évêché de Reims à un nommé Milon, simple tonsuré, qui l'avait suivi à la guerre. Ce Charles-Martel, né du concubinage d'une esclave, comme on le lit dans les Annales des rois francs, plus audacieux que tous les rois ses prédécesseurs, donna non-seulement l'évêché de Reims, mais encore beaucoup d'autres du de France, à des laïques et à des comtes; en sorte qu'il ôta tout pouvoir aux évêques sur les biens et les affaires de l'église. Mais tous les maux qu'il avait faits à ce saint personnage et aux autres églises de Jésus-Christ, par un juste jugement, le Seigneur les fit

royaume

employer ces mêmes Germains contre les Germains leurs frères, il fallut les faire chrétiens. C'est ce qui explique comment Charles devint vers la fin l'ami des papes, et leur soutien contre les Lombards. Les missions pontificales créèrent dans la Germanie une population chrétienne amie des Franes, et chaque peuplade dut se trouver partagée entre une partie payenne qui resta obstinément sur le sol de la patrie à l'état primitif de tribu, tandis que la partie chrétienne fournit des bandes aux armées de Charles Martel, de Pépin et de Charlemagne.

L'instrument de cette grande révolution fut saint Boniface, l'apôtre de l'Allemagne. L'église Anglo-Saxonne, à laquelle il appartient, n'était

retomber sur sa tête; car on lit dans les écrits des Pères, que saint Euchère, jadis évêque d'Orléans, dont le corps est déposé au monastère de Saint-Trudon, s'étant mis un jour en prières, et absorbé daus la méditation des choses célestes, fut ravi dans l'autre vie ; et là, par révélation du Seigneur, vit Charles tourmenté au plus bas des enfers. Comme il en demandait la cause à l'ange qui le conduisait, celui-ci répondit que, par la sentence des saints qui, au futur jugement, tiendront la balance avec le Seigneur, il était condamné aux peines éternelles, pour avoir envahi leurs biens. De retour en ce monde, saint Enchère s'empressa de raconter ce qu'il avait vu, à saint Boniface, que le Saint-Siége avait délégué en France pour y rétablir la discipline canonique, et à Fulrad, abbé de Saint-Denis, et premier chapelain du roi Pépin ; leur donnant pour preuve de la vérité de ce qu'il rapportait sur Charles-Martel, que, s'ils allaient à son tombeau, ils n'y trouveraient point son corps. En effet, ceuxci étant allés au lieu de la sépulture de Charles, et ayant ouvert son tombeau, il en sortit un serpent ; et le tombeau fut trouvé vide, et noirci comme si le feu y avait pris. »

c'é

pas comme celle d'Irlande, de Gaule ou d'Espagne, une sœur, une égale de celle de Rome; tait la filles des papes. Par cette église, romaine d'esprit (1), germanique de langue, Rome] eut prise sur la Germanie. Saint Colomban avait dédaigné de prêcher les Suèves. Les celtes, dans leur dur esprit d'opposition à la race germanique, ne pouvaient être les instrumens de sa sion. Un principe de rationalisme anti-hiérarchi

conver

(1) Acta SS. ord. S. Ben., sæc. III. Le Pape Zacharie écrit à saint Boniface Provincia in quâ natus et nutritus es, quam et in gentem Anglorum et Saxonum in Britanniâ insulâ primi prædicatores ab apostolica sede missi, Augustinus, Laurentius, Justus et Honorius, novissimè verò tuis temporibus Theodorus, ex græco latinus, arte philosophus et Athenis eruditus, Romæ ordinatus, pallio sublimatus, ad Britanniam præfatam transmissus, judicabat et gubernabat.... Ce Théodore, moine grec de Tarse en Cilicie, avait été envoyé pour remplir le siége de Kenterbury, par le pape Vitalien; il était fort savant en astronomie, en musique, en métrique, en langue grecque et latine; il apporta un Homère et un saint Chrysostôme. Il était conduit par Adrien, moine napolitain, né en Afrique, non moins savant, et qui avait été deux fois en France. (Usquè hodiè supersunt de eorum discipulis, qui latinam græcamque linguam æquè ut propriam norunt.) Sous eux, le moine northumbrien Benedict Biscop, fit venir des artistes de France, et bâtit dans le Northumberland le monastère de Weremouth, selon l'architecture romaine; les murs étaient ornés de peintures achetées à Rome, et de vitres apportées de France. Un maître chanteur avait été appelé de Saint-Pierre de Rome. (Beda, hist. abbat. Wiremuth.) — Théodore et Adrien eurent pour élèves Alcuin et Aldhelm, parent du roi Ina, le premier Saxon qui ait écrit en latin, selon Camden ; il chantait lui-même ses Cantiones Saxonica dans les rues, à la populace. Guill. Malmesbury le qualifie : « Ex acumine Græcum, ex nitore Romanum, ex pompa Anglum. » Warton, Diss. on the introd. of learning into England, 1. CXXII.

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