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coup d'épée, il-fendait un cavalier de la tête à la selle; il faisait voler d'un revers la tête d'un bœuf ou d'un chameau (1). En Asie, s'étant écarté, il trouva dans une caverne uu des siens aux prises avec un ours: il attira la bête sur lui, et la tua, mais resta long-temps alité de ses cruelles morsures. Cet homme héroïque était d'une pureté singulière. Il ne se maria point, et mourut vierge à trente-huit ans (2).

Le concile de Clermont s'était tenu au mois de novembre 1095. Le 15 août 1096, Godefroi partit avec les Lorrains et les Belges, et prit sa route par l'Allemagne et la Hongrie. En septembre partirent le fils de Guillaume-le-Conquérant, le comte de Blois, son gendre, le frère du roi de France et le comte de Flandre; ils allèrent par l'Italie jusqu'à la Pouille; puis les uns passèrent à Durazzo, les autres tournèrent la Grèce. En octobre, nos méridionaux, sous Raymond de Saint-Gille, s'acheminèrent par la Lombardie, le Frioul et la Dalmatie. Bohémond, avec ses Normands et Italiens, perça sa route par les déserts de la Bulga

(1) Robert. Monach., I. IV, IX, ap. Bongars. p. 50, 75. . - Une autre fois il coupa un Turc par le milieu du corps.... Turcus duo factus est Turci: ut inferior alter in urbem equitaret, alter arcitenens in flumine nataret. Rad. Cadom., c. 53, p. 504. Guibert. Nov. I. VII, c. 11, 12.

(2) Rad. Cadom., c. 14. p. 291: Humilitate, mansuetudine, sobrietate, justitiâ, castitate insignis; potiùs monachorum lux quam militum dux emicabat. Il avait amené une colonie de moines qu'il établit à Jérusalem.

rie. C'était le plus court et le moins dangereux; îl valait mieux éviter les villes, et ne rencontrer les Grecs qu'en rase campagne. La sauvage apparition des premiers croisés, sous Pierre l'Hermite, avait épouvanté les Bysantins; ils se repentaient amèrement d'avoir appelé les Francs, mais il était trop tard; ils entraient en nombre innombrable par toutes les vallées, par toutes les avenues de l'empire. Le rendez-vous était à Constantinople. L'Empereur eut beau leur dresser des piéges, les Barbares s'en jouèrent dans leur force et leur masse: le seul Hugues de Vermandois se laissa prendre. Alexis vit tous ces corps d'armées, qu'il avait cru détruire, arriver un à un devant Constantinople, et saluer leurbon ami l'empereur .Les pauvres Grecs, condamnés à voir défiler devant eux cette effrayante revue du genre humain, ne pouvaient croire que le torrent passât sans les emporter. Tant de langues, tant de costumes bizarres, il y avait bien de quoi s'effrayer. La familiarité même de ces barbares, leurs plaisanteries grossières, déconcertaient les Bysantins. En attendant que toute l'armée fût réunie, ils s'établissaient amicalement dans l'Empire, faisaient comme chez eux, prenant dans leur simplicité tout ce qui leur plaisait par exemple, les piombs des églises pour les revendre aux Grecs (1). Le sacré palais n'était

(1) Guibert, 1. II, c. 9. Detectis ecclesiis qui plumbo operiebantur, plumbum idem Græcis venale præbebant (Voy. aussi Balderic.,

pas plus respecté. Tout ce peuple de scribes et d'eunuques ne leur imposait guère, ils n'avaient pas assez d'esprit d'imagination pour se laisser saisir aux pompes terribles, au cérémonial tragique de la majesté bysantine. Un beau lion d'Alexis qui faisait l'ornement et l'effroi du palais, ils s'amusèrent à le tuer.

C'était une grande tentation que cette merveilleuse Constantinople pour des gens qui n'avaient vu que les villes de boue de notre occident. Ces dômes d'or, ces palais de marbres, tous les chefs d'œuvres de l'art antique entassés dans la capitale depuis que l'empire s'était tant resserré; tout cela composait un ensemble étonnant et mystérieux qui les confondait; ils n'y entendaient rien: la seule variété de tant d'industries et marchandises était pour eux un inexplicable problème. Ce qu'ils y comprenaient, c'est qu'ils avaient grande envie de tout cela; ils doutaient même que la ville sainte valût mieux. Nos Normands et nos Gascons auraient bien voulu terminer là la croisade; ils auraient dit volontiers comme les petits enfans dont parle Guibert : N'est-ce pas là Jérusalem (1)?

Ils se souvinrent alors de tous les piéges que les Grecs leur avaient dressés sur la route: ils préten

Hist. Hierosolym., ap. Bongars, p. 89.) - Ceci ne se rapporte, il est

vrai, qu'à la troupe conduite Pierre l'Hermite.

(1) Ann. Comucn'. Alexias.

par

dirent qu'ils leur fournissaient des alimens nuisibles, qu'ils empoisonnaient les fontaines (1), et 1 ur imputèrent les maladies épidémiques que les alternatives de la famine et de l'intempérance avaient pu faire naître dans l'armée. Bohémond et le comte de Toulouse soutenaient qu'on ne devait point de ménagemens à ces empoisonneurs, et qu'en punition il fallait prendre Constantinople. On pourrait ensuite à loisir conquérir la TerreSainte. La chose était facile s'ils se fussent accordés; mais le Normand comprit qu'en renversant Alexis, il pourrait fort bien donner seulement l'Empire au Toulousain. D'ailleurs, Godefroi déclara qu'il n'était pas venu pour faire la guerre à des chrétiens (2). Bohémond parla comme lui, et tira bon parti de sa vertu. Il se fit donner tout ce qu'il voulut par l'Empereur (3).

Telle fut l'habileté d'Alexis, qu'il trouva moyen de décider ces conquérans qui pouvaient l'écra

(1) Alberic. Tr. Font., p. 159: Toxica vel fluminibus vel cibis vel vestibus infundens.

(2) Guibert. Nov., I. III, c. 4 : Dux Godefridus, Hugo Magnus, Rothbertusque Flandrensis et cæteri dixerunt quia nunquàm contrà aliquem qui Christiano censeatur agnomine, arma portabant. Gest. Franc. Hierosol., 1. II, ap. Bongars, p. 5. Raymond d'Agiles, p. 141, Albert. Aq., 1. II, c. 14.

(3) On le mena dans une galerie du palais, où une porte, ouverte comme par hasard, lui laissait voir une chambre remplie du haut en has d'or et d'argent, de bijoux et de meubles précieux. Quelles conquétes, s'écria-t il, ne ferait-on pas avec un tel trésor! Il est à vous, lui dit-on aussitôt. Il se fit peu prier pour accepter. Ann. Comnen., p. 303.

ser (1), à lui faire hommage et lui soumettre d'avance leur conquête. Hugues jura d'abord, puis Bohémond, puis Godefroid. Godefroi s'agenouilla devant le Grec, mit ses mains dans les siennes et se fit son vassal. Il en coûta peu à son humilité. Dans la réalité, les croisés ne pouvaient se passer de Constantinople; ne la possédant pas, il fallait qu'ils l'eussent au moins pour alliée et pour amie. Prêts à s'engager dans les déserts de l'Asie, les Grecs seuls pouvaient les préserver de leur ruine. Ceux-ci promirent tout ce qu'on voulut pour se débarrasser, vivres, troupes auxiliaires, des vaisseaux surtout pour faire passer au plus tôt le Bosphore.

« Godefroi ayant donné l'exemple, tous se réunirent pour prêter serment. Alors un d'entre eux, I c'était un comte de haute noblesse, eut l'audace de s'asseoir dans le trône impérial. L'empereur ne dit rien, connaissant de longue date l'outrecuidance des Latins. Mais le comte Baudouin prit cet insolent par la main, et l'ôta de sa place, lui faisant entendre que ce n'était pas l'usage des empereurs de laisser assis à côté d'eux ceux qui leur avaient fait hommage, et qui étaient devenus leurs hommes; il fallait, disait-il, se conformer aux usages du pays où l'on vivait. L'autre ne répondait rien, mais il regardait l'Empereur d'un air irrité, murmurant en sa langue quelques mots qu'on pourrait traduire ainsi : Voyez ce rustre

(1) Ils parlaient des Grecs avec un souverain mépris........... « Græculos istos, omnium inertissimos, etc. » Guibert. Nov., I. III, c. 3.

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