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Elle déchut toujours; toutes les grandes guerres des Gaules se décidèrent autour d'elle et contre elle (1). Elle ne garda pas même ses fameuses écoles. Ce qu'elle garda, ce fut son génie austère. Jusqu'aux temps modernes, elle a donné des hommes d'état, des légistes, le chancelier Rolin, les Montholon, les Jeannin, et tant d'autres. Cet esprit sévère s'étend loin à l'ouest et au nord. Les Dupin sont de Clamecy; de Vézelai, Théodore de Bèze, l'orateur du calvinisme, le verbe de Calvin.

La sèche et sombre contrée d'Autun et du Morvan n'a rien de l'aménité bourguignonne. Celui qui veut connaître la vraie Bourgogne, l'aimable et vineuse Bourgogne, doit remonter la Saône par Châlons, puis tourner par la Côte-d'Or au plateau de Dijon, et redescendre vers Auxerre; hon pays, où les villes mettent des pampres dans leurs armes (2), où tout le monde s'appelle frère ou

nait pour un Dieu et pour le libérateur des Gaules (Annal., 1. II, c. 61). On a vu au 1er vol., la révolte de Sacrovir. Enfin les Bagaudes saccagèrent deux fois Autun. Alors furent fermées les écoles Moniennes, que le grec Eumène rouvrit sous le patronage de Constance Chlore. François Ier visita Antun en 1521, et la nomma << sa Rome française.» Autun avait été appelée la sœur de Rome, selon Eumène, ap. Scr. fr. 1, 712, 716, 717.

(1) Elle fut presque ruinée par Aurélien, au temps de sa victoire sur Tétricus qui y faisait frapper ses médailles, - Saccagée par les Allemands en 280, par les Bagaudes sous Dioclétien, par Attila en 451, par lesSarrasins en 732, par les Normands en 886 et 895. En 924, on ne put en éloigner les Hongrois qu'à prix d'argent. Histoire d'Autun, par Joseph de Rosny, 1802.

(2) Voy. les armes de Dijon et de Beaune. Un bas-relief de Dijon représente les triumvirs tenant chacun un gobelet. Ce trait est

cousin, pays de bons vivans et des joyeux noël (1). Aucune province n'eut plus grandes abbayes, plus riches, plus fécondes en colonies lointaines: SaintBenigne à Dijon; près de Mâcon, Cluny; enfin Citeaux, à deux pas de Châlons. Telle était la splendeur de ces monastères, que Cluny reçut une fois le pape, le roi de France, et je ne sais combien de princes avec leur suite, sans que les moines se dérangeassent. Cîteaux fut plus grande encore, ou du moins plus féconde. Elle est la mère de Clairvaux, la mère de saint Bernard; son abbé, l'abbé des abbés, était reconnu pour chef d'ordre, en 1491, par trois mille deux cent cinquante-deux monastères. Ce sont les moines de Cîteaux qui, au commencement du treizième siècle, fondèrent les ordres militaires d'Espagne, et prêchèrent la croisade des Albigeois, comme saint Bernard avait prêché la seconde croisade de Jérusalem. La Bourgogne est le pays des orateurs, celui de la pompeuse et solennelle éloquence. C'est de la partie élevée de la province, de celle qui verse

Jocal. La culture de la vigne, si ancienne dans ce pays, a singulièrement influé sur le caractère de son histoire, en multipliant la population dans les classes inférieures. Ce fut le principal théâtre de la guerre des Bagaudes. En 1630, les vignerons se révoltèrent sous la conduite d'un ancien soldat, qu'ils appelaient le roi Machas. (1) Voy. le curieux recueil de la Monnoye. (né en 1640, mort en 1727). La Fête des Fous se célébra à Auxerre jusqu'en 1407. Les chanoines jouaient à la balle (pelota), jusqu'en 1538, dans la nef de la cathédrale. Le dernier chanoine fournissait la balle, et la donnait au doyen; la partie finie, venaient les danses et le banquet, Millin, I.

Piron était de Dijon

la Seine, de Dijon et de Montbar, que sont parties les voix les plus retentissantes de la France, celles de saint Bernard, de Bossuet et de Buffon. Mais l'aimable sentimentalité de la Bourgogne est remarquable sur d'autres points, avec plus de grâce au nord, plus d'éclat au midi. Vers Semur, la bonne madame de Chantal, et sa petite-fille, madame de Sévigné; à Mâcon, Lamartine, le poète de l'âme religieuse et solitaire; à Charolles, Edgar Quinet, celui de l'histoire et de l'humanité (1).

La France n'a pas d'élément plus liant que la Bourgogne, plus capable de réconcilier le nord et le midi. Ses comtes ou ducs, sortis de deux branches des Capets, ont donné, au douzième siècle, des souverains aux royaumes d'Espagne; plus tard, à la Franche-Comté, à la Flandre, à tous les Pays-Bas. Mais ils n'ont pu descendre la vallée de la Seine, ni s'établir dans les plaines du centre, malgré le secours des Anglais. Le pauvre roi de Bourges (2), d'Orléans et de Reims, l'a emporté sur le grand-duc de Bourgogne. Les communes de France, qui avaient d'abord soutenu celui-ci, se rallièrent peu à peu contre l'oppresseur des

(1) N'oublions pas non plus la pittoresque et mystique petite ville de Paray-le-Monial, où naquit la dévotion du Sacré Coeur, où mourut madame de Chantal. Il y a certainement un souffle religieux sur le pays du traducteur de la Symbolique, et de l'auteur de Solitude, MM. Guignaut et Dargaud.

(2) On sait qu'on nomma ainsi Charles VII.

communes de Flandre, contre le chef des seigneurs et l'ami des Anglais.

Ce n'est pas en Bourgogne que devait s'achever le destin de la France. Cette province féodale ne pouvait lui donner la forme monarchique et démocratique à laquelle elle tendait. Le génie de la France devait descendre dans les plaintes décolorées du centre, abjurer l'orgueil et l'enflure, la forme oratoire elle-même, pour porter son dernier fruit, le plus exquis, le plus français. La Bourgogne semble avoir encore quelque chose de ses Burgundes; la sève enivrante de Beaune et de Mâcon trouble comme celle du Rhin. L'éloquence bourguignone tient de la rhétorique. L'exubérante beauté des femmes de Vermanton et d'Auxerre n'exprime pas mal cette littérature et l'ampleur de ses formes. La chair et le sang dominent ici; l'enflure aussi, et la sentimentalité vulgaire. Citons seulement Crébillon, Longepierre et Sedaine. Il nous faut quelque chose de plus sobre et de plus sévère pour former le noyau de la France.

C'est une triste chute que de tomber de la Bourgogne dans la Champagne, de voir, après ces rians coteaux, des plaines basses et crayeuses. Sans parler du désert de la Champagne-Pouilleuse, le pays est généralement plat, pâle, d'un prosaïsme désolant. Les bêtes sont chétives; les minéraux, les plantes peu variées. De maussades rivières traînent leur eau blanchâtre entre deux rangs de jeunes peupliers. La maison, jeune aussi, et ca

duque en naissant, tâche de défendre un peu sa frêle existence en s'encapuchonnant tant qu'elle peut d'ardoises, au moins de pauvres ardoises de bois; mais sous sa fausse ardoise, sous sa peinture délavée par la pluie, perce la craie, blanche, sale, indigente.

De telles maisons ne peuvent pas faire de belles villes. Châlons n'est guère plus gaie que ses plaines. Troyes est presque aussi laide qu'industrieuse (1). Reims est triste dans la largeur solennelle de ses rues, qui fait paraître les maisons plus basses encore; ville autrefois de bourgeois et de prêtres, vraie sœur de Tours, ville sucrée et tant soit peu dévote; chapelets et pains d'épices, bons petits draps, petit vin admirable, des foires et des pélerinages.

Ces villes, essentiellement démocratiques et anti-féodales, ont été l'appui principal de la monarchie. La Coutume de Troyes, qui consacrait l'égalité des partages, a de bonne heure divisé et anéanti les forces de la noblesse. Telle seigneurie qui allait ainsi toujours se divisant, put se trouver morcelée en cinquante, en cent parts, à la quatrième génération. Les nobles appauvris essayèrent de se relever en mariant leurs filles à de

(1) Les anciens murs de Troyes étaient bâtis avec des débris de monumens remains, des corniches, des chapitaux, des pierres chargées d'inscriptions, etc., comme les murs d'Arles et de Narbonne.

La grand'ville de Far-sur-Saigne
A fait trembler Troye en Champaigne

Froissard

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