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marchand de papier (1). Cette fourmilière laborieuse (2), enfermée entre les rochers et la rivière, entassée dans les rues sombres qui y descendent, sous la pluie et l'éternel brouillard, elle eut sa vie morale pourtant et sa poésie. Ainsi notre Maître

(1)

D. M.

ET. MEMORIAE. AETERN.
VITALINI. FELCIS. VET. LEG.

M. HOMINI. SAPIENTISSIM.

ET FIDELISSIMO NEGOTIA

RI LUGDVNENSI. ARTIS. C
TARIAE. QUI. VIXIT. ANNIS
VIII. M. V. D. X. NATUS EST. D
MARTIS. DIE. MARTIS. PROF

TVS. DIE. MARTIS MISSIONE
PERCEPIT. DIE MARTIS DEF
NCTVS. EST. FACIENDVM. C
VITALIN FELICISSIMVS. FI.

VS., ET. IVLIANICE. CON
VNX. ET. SVB. ASCIA. DEDI
CAVERVNT.

Aux mânes et à la mémoire éternelle de Vitalinus Félix, vétéran de la légion.... minervienne, homme très sage et très fidèle marchand de papier, renommé dans Lyon par sa probité, lequel est mort, après avoir vécu.... VIII ans, 5 mois et 10 jours. Il était né le mardi; il partit pour la guerre le mardi; il a obtenu son congé le mardi, et il est mort le mardi. Son fils, Vitalinus Felicissimus, et son épouse Julia Nice, lui ont fait élever ce tombeau, et l'ont dédié sous l'Ascia. - Millin, I, 508, 457.

(2) Je parlerai ailleurs de l'industrialisme actuel de Lyon. L'état de cette ville est un des plus graves et des plus tristes sujets de l'histoire moderne. Toutes les hautes questions de l'économie et de Ja politique y sont intéressées. Les traiter ici, ce serait faire le tableau du monde à propos d'une ville.

Adam, le menuisier de Nevers, ainsi que les meistersaenger de Nuremberg et de Francfort, tonneliers, serruriers, forgerons, aujourd'hui encore le ferblantier de Nuremberg. Ils révèrent dans leurs cités obscures la nature qu'ils ne voyaient pas, et ce beau soleil qui leur était envié. Ils martelèrent dans leurs noirs ateliers des idylles sur les champs, les oiseaux et les fleurs. A Lyon, l'inspiration poétique ne fut point la nature, mais l'amour : plus d'une jeune marchande, pensive dans le demi-jour de l'arrière-boutique, écrivit, comme Louise Labbé, comme Pernette Guillet, des vers pleins de tristesse et de passion, qui n'étaient pas pour leurs époux. L'amour de Dieu, il faut le dire, et le plus doux mysticisme, fut encore un caractère lyonnais. L'église de Lyon fut fondée par l'homme du désir (Saint Pothin) (1). Et c'est à Lyon que dans les derniers temps, saint Martin, l'homme du désir, établit son école (2). Notre Ballanche y est né (3). L'auteur de l'Imitation, Jean Gerson, voulut y mourir (4).

(1) Voy. le martyre de saint Pothin, dans Eusèbe, l. I, c. 5. (2) Il était né à Amboise, en 1743. Un évêque de Pologne, en 1147, introduisit dans une église qu'il faisait bâtir, les rites de l'église de Lyon. Crommerus, I. VI, ap. Duchesne, Anciennes villes de France. Il n'y a pas long-temps encore, on chantait l'office à Lyon, sans orgues, livres, ni instrumens comme au premier âge

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(3) Ainsi que MM. Ampère, Degerando, Camille Jordan, De Sénancour. Leurs familles du moins sont lyonnaises.

(4) En 1429. Saint Remi de Lyon soutint contre Jean Scot le parti de Gotteschalk et de la grâce. - Selon Du Boulay, c'est à Lyon

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C'est une chose bizarre et contradictoire en apparence que le mysticisme ait aimé à naître dans ces grandes cités industrielles et corrompues, comme aujourd'hui Lyon et Strasbourg. Mais c'est que nulle part le cœur de l'homme n'a plus besoin du ciel. Là où toutes les voluptés grossières sont à portée, la nausée vient bientôt. La vie sédentaire aussi de l'artisan, assis à son métier, favorise cette fermentation intérieure de l'âme. L'ouvrier en soie, dans l'humide obscurité des rues de Lyon, le tisserand d'Artois et de Flandre, dans la cave où il vivait, se créèrent un monde, au défaut du monde, un paradis moral de doux songes et de visions; en dédommagement de la nature qui leur manquait, ils se donnèrent Dieu. Aucune classe d'hommes n'alimenta de plus de victimes les bûchers du moyen âge. Les Vaudois d'Arras eurent leurs martyrs, comme ceux de Lyon. Ceuxci, disciples du marchand Valdo, Vaudois ou pauvres de Lyon, comme on les appelait, tachaient de revenir aux premiers jours de l'évaugile. Ils donnaient l'exemple d'une touchante fraternité; et cette union des cœurs ne tenait pas quement à la communauté des opinions religieuses. Long-temps après les Vaudois, nous trouvons à Lyon des contrats, où deux amis s'adoptent l'un

uni

que fut enseigné d'abord le dogme de l'Immaculée Conception. Sous Louis XIII, un seul homme, Denis de Marquemont, fonda à Lyon quinze couvens.

l'autre, et mettent en commun leur fortune et leur vie(1).

Le génie de Lyon est plus moral, plus sentimental du moins, que celui de la Provence ; cette ville appartient déjà au nord. C'est un centre du midi, qui n'est point méridional, et dont le midi ne veut pas. D'autre part la France a long-temps renié Lyon, comme étrangère, ne voulant point reconnaître la primatie ecclésiastique d'une ville impériale. Malgré sa belle situation sur deux fleuves, entre tant de provinces, elle ne pouvait s'étendre. Elle avait derrière, les deux Bourgognes, c'est-à-dire la féodalité française, et celle de l'Empire; devant, les Cévennes, et ses envieuses, Vienne et Grenoble.

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En remontant de Lvon au nord, vous avez à choisir entre Châlons et Autun. Les Segusii lyonnais étaient une colonie de cette dernière ville (2). Autun, la vielle cité druidique (3), avait jetė

(1) Après avoir rédigé cet acte, les frères adoptifs s'envoyaient des chapeaux de fleurs et des cœurs d'or.

(2) Gallia Christiana, t. IV. — Dans un diplôme de l'an 1189, Philippe-Auguste reconnaît que Lyon et Autun ont l'une sur l'autre, quand l'un des siéges vient à vaquer, le droit de régale et d'administration. L'évêque d'Autun était de droit président des états de Bourgogne. On se rappelle les liaisons qui existaient entre SaintLéger, le fameux évêque d'Autun, et l'évêque de Lyon.

(3) Autun avait dans ses armes, d'abord le serpent druidique (voyez le 1er volume, pour l'œuf de serpent), puis le porc, l'animal 'qui se nourrit du gland celtique. Rosny, p. 209. · D'après les priviléges d'Autun, le chef des armes et de la justice s'appelait Vierg (Vergobret). Courtépée, Description de la Bourgogne, III, 491.

Lyon au confluent du Rhône et de la Saône, à la pointe de ce grand triangle celtique, dont la base était l'Océan, de la Seine à la Loire. Autun et Lyon, la mère et la fille, ont eu des destinées toutes diverses. La fille, assise sur la grande route des peuples, belle, aimable et facile, a toujours prospéré et grandi; la mère, chaste et sévère, est restée seule sur son torrentueux Arroux, dans l'épaisseur de ses forêts mystérieuses, entre ses cristaux et ses laves (1). C'est elle qui amena les Romains dans les Gaules, et leur premier soin fut d'élever Lyon contre elle. En vain, Autun quitta son nom sacré de Bibracte pour s'appeler Augustodunum, et enfin Flavia; en vain elle déposa sa divinité (2), et se fit de plus en plus romaine (3)

(1) Entre Autun et Saint-Prix, on trouve des laves boueuses. L'abbé Soulavie a découvert un volcan à Devrin, à cinq lieues Est d'Autun. Mémoires de l'Académie de Dijon, 1783. La grotte d'Argental est célèbre pour ses belles cristallisations. Milliu, I, 343. On trouve aussi aux environs de l'argent, du cuivre, du fer, Rosny, p. 281.

(2) Inscription trouvée à Autun :

DEAE BIBRACTI

P. CAPRIL PACATUS

1 I VIR AUGUSTA.

V. S. L. M.

Millin, 1, 337.

(3) Il semble que l'aristocratie se livra entièrement à Rome, tandis que le parti druidique et populaire chercha à ressaisir l'indépendance. « Le sage gouverneur d'Autun, dit Tacite, comprima la révolte des bandes fanatiques de Maricus, Boie de la lie du peuple, qui se don

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