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nons royaux à la queue de son cheval, maria pourtant sa fille à un prince du sang, au comte de Bar, René d'Anjou. Une branche cadette de cette famille a donné dans les Guise des chefs au parti catholique contre les Calvinistes alliés de l'Angleterre et de la Hollande.

En descendant de Lorraine aux Pays-Bas par les Ardennes, la Meuse, d'agricole et industrielle, devient de plus en plus militaire. Verdun et Stenay, Sedan, Mézières et Givet, Maëstricht, une foule de places fortes, maîtrisent son cours. Elle leur prête ses eaux, elle les couvre ou leur sert de ceinture. Tout ce pays est boisé, comme pour masquer la défense et l'attaque aux approches de la Belgique. La grande forêt d'Ardenne, la profonde, (ar duinn), s'étend de tous côtés, plus vaste qu'imposante. Vous rencontrez des villes, des bourgs, des pâturages; vous vous croyez sorti des bois, mais ce ne sont là que des clairières. Les bois recommencent toujours; toujours les petits chênes, humble et monotone océan végétal, dont vous apercevez de temps à autre, du sommet de quelque colline, les uniformes ondulations. La forêt était bien plus continue autrefois. Les chasseurs pouvaient courir, toujours à l'ombre, de l'Allemagne, du Luxembourg en Picardie, d Saint-Hubert à Notre-Dame de Liesse. Bien des histoires se sont passées sous ces ombrages; ces chênes tout chargés de gui, ils en savent long, s'ils voulaient raconter. Depuis les mystères des

druides jusqu'aux guerres du Sanglier des Ardennes, au quinzième siècle; depuis le cerf miraculeux dont l'apparition convertit saint Hubert, jusqu'à la blonde Iseult et son amant. Ils dormaient sur la mousse, quand l'époux d'Iseult les surprit; mais il les vit si beaux, si sages, avec la large épée qui les séparait, il se retira discrète

ment.

Il faut voir, au delà de Givet, le Trou du Han, où naguère on n'osait encore pénétrer; il faut voir les solitudes de Layfour et les noirs rochers de la Dame de Meuse, la table de l'enchanteur Maugis, l'ineffaçable empreinte que laissa dans le roc le pied du cheval de Renaud. Les quatre Fils Aymon sont à Château-Renaud comme à Usez, aux Ardennes comme en Languedoc. Je vois encore la fileuse qui, pendant son travail, tient sur les genoux le précieux volume de la Bibliothèque bleue, le livre héréditaire, usé, noirci dans la veillée (1).

Ce sombre pays des Ardennes ne se rattache pas naturellement à la Champagne. Il appartient à l'évêché de Metz, au bassin de la Meuse, au vieux royaume d'Ostrasie. Quand vous avez passé les blanches et blafardes campagnes qui s'étendent de Reims à Rethel, la Champagne est finie. Les bois

(1) Là se lit comment le bon Renaud joua maint tour à Charlemagne, comment il eut pourtant bonne fin, s'étant fait humblement de chevalier, maçon, et portant sur son dos des blocs énormes pour bâtir la sainte église de Cologne,

commencent; avec les bois les pâturages, et les petits moutons des Ardennes. La craie a disparu; le rouge mat de la tuile fait place au sombre éclat de l'ardoise; les maisons s'enduisent de limaille de fer. Manufactures d'armes, tanneries, ardoisières, tout cela n'égaie pas le pays. Mais la race est distinguée : quelque chose d'intelligent, de sobre, d'économe; la figure un peu sèche, et taillée à vives arrêtes. Ce caractère de sécheresse et de sévérité n'est point particulier à la petite Genève de Sedan; il est presque partout le même. Le pays n'est pas riche, et l'ennemi à deux pas; cela donne à penser. L'habitant est sérieux. L'esprit critique domine. C'est l'ordinaire chez les gens qui sentent qu'ils valent mieux que leur for

tune.

Derrière cette rude et héroïque zone de Dauphiné, Franche-Comté, Lorraine, Ardennes, s'en développe une autre tout autrement douce, et plus féconde des fruits de la pensée. Je parle des provinces du Lyonnais, de la Bourgogne et de la Champagne. Zône vineuse, de poésie inspirée, d'éloquence, d'élégante et ingénieuse littérature. Ceux-ci n'avaient pas, comme les autres, à recevoir et renvoyer sans cesse le choc de l'invasion étrangère. Ils ont pu, mieux abrités, cultiver à loisir la fleur délicate de la civilisation.

D'abord, tout près du Dauphiné, la grande et aimable ville de Lyon, avec son génie éminemment sociable, unissant les peuples comme les

fleuves (1). Cette pointe du Rhône et de la Saône (2) semble avoir été toujours un lieu sacré. Les Segusii de Lyon dépendaient du peuple druidique des Édues. Là, soixante tribus de la Gaule dressèrent l'autel d'Auguste, et Caligula y établit ces combats d'éloquence, où le vaincu était jeté dans le Rhône, s'il n'aimait mieux effacer son discours avec sa langue (3). A sa place, on jetait des victimes dans le fleuve selon le vieil usage celtique et germanique. On montre au pont de SaintNizier l'arc merveilleux d'où l'on précipitait les

taureaux.

La fameuse table de bronze, où on lit encore le discours de Claude pour l'admission des Gaulois dans le sénat, est la première de nos antiquités nationales, le signe de notre initiation dans le

(1) La Saône jusqu'au Rhône, et le Rhône jusqu'à la mer, séparaient la France de l'empire. Lyon, bâtie surtout sur la rive gauche de la Saône, était une cité impériale; mais les comtes de Lyon relevaient de la France pour les faubourgs de Saint-Just et de SaintIrénée.

(2) Seneca :

Vidi duobus imminens fluvjs jugum,

Quod Phœbus ortu semper obverso videt,
Ubi Rhodanus ingens amne prærapido fiuit,
Ararque dubitans quo suos cursus agat,
Tacitus quictis alluit ripas vadis.

(3) Sueton., in C. Caligula. — Juvénal, I, 43 :

Palleat ut nudis pressit qui calcibus anguem,
Aut Lugdunensem rhetor dicturus ad aram.

monde civilisé. Une autre initiation, bien plus sainte, a son monument dans les catacombes de saint Irénée, dans la crypte de saint Pothin, dans Fourvières, la montagne des pèlerins. Lyon fut le siége de l'administration romaine, puis de l'autorité ecclésiastique pour les quatre Lyonnaises (Lyon, Tours, Sens et Rouen), c'est-à-dire pour toute la Celtique. Dans les terribles bouleversemens des premiers siècles du moyen-âge, cette grande ville ecclésiastique ouvrit son sein à une foule de fugitifs, et se peupla de la population générale, à peu près comme Constantinople concentra peu peu en elle tout l'empire grec, qui reculait devant les Arabes ou les Turcs. Cette population n'avait ni champs, ni terre, rien que ses bras et son Rhône; elle fut industrielle et commerçante. L'industrie y avait commencé dès les Romains. Nous avons des inscriptions tumulaires : A la mémoire d'un vitrier africain, habitant de Lyon (1). A la mémoire d'un vétéran des légions,

(1) D. ... M.

ET MEMORIAE AETERNAE IVL.

1. ALEXSADRI NACIONE AFRI. CIVI

CARTHAGINESI. OMINI OPTIMO OPIF

CIARTIS VITRAE QVI VIX ANOS LXX.....

Aux mânes et à la mémoire éternelle de Julius Alexander, né en Afrique, citoyen de Carthage, homme excellent, ouvrier dans l'art de la verrerie qui a vécu LXX ans v mois et xx111 jours dans une...

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