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portes de Joux et de la Pierre-Pertuis, puis les replis du Doubs, c'étaient de fortes barrières (1). Cependant Frédéric-Barberousse n'y établit pas moins ses enfans pour un siècle. Ce fut sous les serfs de l'église, à Saint-Claude, comme dans la pauvre Nantua de l'autre côté de la montagne, que commença l'industrie de ces contrées. Attachés à la glèbe, ils taillèrent d'abord des chapelets pour l'Espagne et pour l'Italie; aujourd'hui qu'ils sont libres, ils couvrent les routes de la France de rouliers et de colporteurs.

Sous son évêque même, Metz était libre, comme Liége, comine Lyon; elle avait son échevin, ses Treize, ainsi que Strasbourg. Entre la grande Meuse (2) et la petite (la Moselle, Mosula), les trois villes ecclésiastiques, Metz, Toul et Verdun (3),

(1) Peuchet et Chanlaire, Statistique du Jura. La Franche-Comté est le pays le mieux boisé de la France. On compte trente forêts sur la Saône, le Doubs et le Lougnon. - Beaucoup de fabriques de boulets, d'armes, etc. Beaucoup de chevaux et de bœufs, peu de moutons; mauvaises laines.

(2) Ausone a consacré un poème à l'éloge de la Moselle.

Salve amnis landate agris, laudate colonis,

Dignata imperio debent cui monia Belga!

Amnis odorifero juga vitea consite Eaccho,

Consite gramineas amnis viridissime ripas:

Salve, magna parens frugumque virùmque, Mosella.

(3) Sur les mœurs des habitans des Trois-Évêchés, et de la Lorraine en général, voyez le Mémoire manuscrit de M. Turgot, qui se trouve à la bibliothèque publique de Metz: Description exacte et fidèle du pays Messin, etc. Les trois évêques étaient princes du

placées en triangle, formaient un terrain neutre, une île, un asile aux serfs fugitifs. Les Juifs même, proscrits partout, étaient reçus dans Metz. C'était le border français entre nous et l'Empire. Là, il n'y avait point de barrière naturelle contre l'Allemagne, comme en Dauphiné et en FrancheComté. Les beaux ballons des Vosges, la chaîne même de l'Alsace, ces montagnes à formes douces et paisibles, favorisaient d'autant mieux la guerre. Cette terre ostrasienne, partout marquée des monumens carlovingiens (1), avec ses douze grandes maisons, ses cent vingt pairs, avec son abbaye souveraine de Remiremont, où Charlemagne et son fils faisaient leurs grandes chasses d'automne, où l'on portait l'épée devant l'abbesse (2), la Lor

Saint-Empire. - Les comtés de Créange, et de la baronie de Fenestrange, étaient deux francs-aleus de l'Empire.

(1) On voyait à Metz le tombeau de Louis-le-Débonnaire et l'original des Annales de Metz, MSS. de 894. - Les abeilles, dont il est si

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souvent question dans les capitulaires, et qui donnaient à Metz son hydromel si vanté, étaient soignées avant la Révolution par les curés et les ermites; elles sont aujourd'hui fort négligées. Depuis cinquante ans, la récolte de miel est diminuée de moitié. Peuchet et Chanlaire, Statistique de la Meurthe.

(2) Piganiol de la Force, XIII. Elle était pour moitié dans la justice de la ville, et nommait, avec son chapitre, des députés aux Etais de Lorraine. La doyenue et la sacristaine disposaient chacune de quatre cures. La sonzier, ou receveuse, partageait avec l'abbesse la justice de Valdajoz (val-de-joux), consistant en dix-neuf villages; tous les essaims d'abeilles qui s'y trouvaient lui appartenaient de droit. L'abbaye avait un grand prévôt, un grand et un petit chancelier, un grand sonzier, etc. — Pour être dame de Remiremont, il fallait prouver deux cents ans de noblesse des deux côtés.

Pour

raine offrait une miniature de l'empire germanique. L'Allemagne y était partout pêle-mêle avec la France, partout se trouvait la frontière. Là aussi se forma, et dans les vallées de la Meuse et de la Moselle, et dans les forêts des Vosges, une population vague et flottante, qui ne savait pas trop son origine, vivant sur le commun, sur le noble et le prêtre, qui les prenaient tour à tour à leur service. Metz était leur ville, à tous ceux qui n'en avaient pas, ville mixte s'il en fut jamais. On a essayé en vain de rédiger en une coutume les coutumes contradictoires de cette Babel.

La langue francaise s'arrête en Lorraine, et je n'irai pas au-delà. Je m'abstiens de franchir la montagne, de regarder l'Alsace. Le monde germanique est dangereux pour moi. Il y a là un tout-puissant lotos qui fait oublier la partie. Si je vous découvrais, divine flèche de Strasbourg, si j'apercevais mon héroïque Rhin, je pourrais bien m'en aller au courant du fleuve, bercé par leurs légendes (1), vers la rouge cathédrale de Mayence,

être chanoinesse, ou demoiselle à Epinal, il fallait prouver quatre générations de pères et mères nobles.

(1) Un duc d'Alsace et de Lorraine, au septième siècle, souhaitait un fils; il n'eut qu'une fille aveugle, et la fit exposer. Un fils lui vint plus tard, qui ramena la fille au vieux duc, devenu farouche et triste, solitairement retiré dans le château d'Hohenbourg. Il la repoussa d'abord, puis se laissa fléchir, et fonda pour elle un monastère qui depuis s'appela de son nom, sainte Odile. On découvre de la hauteur Baden et l'Allemagne. De toutes parts les rois y venaient eu pélerinage : l'Empereur Charles IV, Richard Cœur-deLion, un roi de Danemarck, un roi de Chypre, un pape.... Ce

vers celle de Cologne, et jusqu'à l'Océan ; ou peut-être resterais-je enchanté aux limites solennelles des deux empires, aux ruines de quelque camp romain, de quelque fameuse église de pélerinage, au monastère de cette noble religieuse, qui passa trois cents ans à écouter l'oiseau de la forêt (1).

Non, je m'arrête sur la limite des deux langues, en Lorraine, au combat des deux races, au Chêne des Partisans (2), qu'on montre encore dans les Vosges. La lutte de la France et de l'Empire, de la ruse héroïque (3) et de la force brutale s'est personnifiée de bonne heure dans celle de l'alle

monastère reçut la femme de Charlemagne et celle de Charles-leGros. A Winstein, au nord du Bas-Rhin, le diable garde dans un château taillé dans le roc, de précieux trésors. Entre Haguenau et Wissembourg, une flamme fantastique sort de la fontaine de la poix (Pechelbrunnen); cette flamme, c'est le chasseur, le fantôme d'un ancien seigneur qui expie sa tyrannie, etc. — Le génie musical et enfantin de l'Allemagne commence avec ces poétiques légendes. Les ménétriers d'Alsace tenaient régulièrement leurs assemblées. Le sire de Rapolstein s'intitulait le Roi des Violons. Les violons d'Alsace dépendaient d'un seigneur, et devaient se présenter ceux de la Haute- Alsace à Rapolstein, ceux de la Basse à Bischewiller. (1) A côté de cette belle légende, où l'extase produite par l'harmonie prolonge la vie pendant des siècles, plaçons l'histoire de cette femme qui, sous Louis-le-Débonnaire, entendit l'orgue pour la première fois, et mourut de ravissement, Ainsi, dans les légendes allemandes, la musique donne la vie et la mort.

(2) Dans l'arrondissement de Neufchâteau. Cet arbre a dix-sept pieds de diamètre. Depping, II.

(3) Guill. Britonis Philipp., libr. X :

Qui (Lotharingi) cum simplicibus soleant sermonibus uti;
Non tamen iu factis ità delirare videntur.

mand Zwentebold, et du français Rainier (Renierrenard ? ), d'où viennent les comtes de Hainaut. La guerre du Loup et du Renard est la grande légende du nord de la France, le sujet des fabliaux et des poèmes populaires : un épicier de Troyes a donné au quinzième siècle le dernier de ces poèmes (1). Pendant deux cent cinquante ans la Lorraine eut des ducs alsaciens d'origine, créatures des empereurs, et qui, au dernier siècle, ont fini par être empereurs. Ces ducs furent presque toujours en guerre avec l'évêque et la république de Metz (2), avec la Champagne, avec la France; mais l'un d'eux ayant épousé, en 1255, une fille du Comte de Champagne, devenu Français par leur mère, ils secondèrent vivement la France contre les Anglais, contre le parti anglais de Flandre et de Bretagne. Ils se firènt tous tuer ou prendre en combattant pour la France, à Courtray, à Cassel, à Crécy, à Auray. Une fille des frontières de Lorraine et Champagne, une pauvre paysanne, Jeanne d'Arc, fit davantage : elle releva la moralité nationale; en elle apparut, pour la première fois, la grande image du peuple, sous une forme virginale et pure. Par elle, la Lorraine se trouvait attachée à la France. Le duc même

qui avait un instant méconnu le roi et lié les pen

(1) Voy. les Notices des Manuscrits de la Bibliothèque royale, à la suite des Mémoires de l'Académie des Inscriptions.

(2) A Metz, naquirent le maréchal Fabert, Custines, et cet audacieux et infortuné Pilâtre des Rosiers, qui le premier osa s'embarquer dans un ballon. L'Edit de Nantes en chassa les Ancillon,

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