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les femmes s'en mêlent souvent comme les hommes (1). Elles ont dans toute cette zône, du Dauphiné aux Ardennes, un courage, une grâce d'amazones, que vous chercheriez en vain partout ailleurs. Froides, sérieuses et soignées dans leur mise (2), respectables aux étrangers et à leurs familles, elles vivent au milieu des soldats et leur imposent. Elles-mêmes, veaves, filles de soldats, elles savent ce que c'est que la guerre, ce que c'est que souffrir et mourir; mais elles n'y envoyent pas moins les leurs; fortes et résignées au besoin, elles iraient elles-mêmes. Ce n'est pas seulement la Lorraine qui sauva la France par la main d'une femme en Dauphiné, Margot de Lay défendit Montélimart, et Philis La Tour-du-Pin La Charce ferma la frontière au duc de Savoie (1692). Le génie viril des Dauphinoises a souvent exercé sur les hommes une irrésistible puissance; témoin la fameuse madame Tencin, mère de d'Alembert; et cette blanchisseuse de Grenoble qui, de mari en mari, finit par épouser le roi de Pologne; on la chante encore dans le pays avec Mellucine et la fée de Sassenage (3).

(1) On conserve, au Musée d'Artillerie, la riche et galante armure des princesses de la maison de Bouillon.

(2) C'est une remarque que tout le monde peut faire en FrancheComté, en Lorraine et aux Ardennes.

(3) Barginet de Grenoble. Les Montagnardes. Quelque critique qu'on veuille adresser à ce chaleureux écrivain, on ne lit pas sans intérêt ses romans écrits dans sa prison, et annotés par un maître d'école du pays.— Voyez aussi ; La Faye de Sassenage, par J. Mil

Il y a dans les mœurs communes du Dauphiné, une vive et franche simplicité à la montagnarde, qui charme tout d'abord. En montant vers les Alpes surtout, vous trouverez l'honnêteté savoyarde (1), la même bonté, avec moins de douceur. Là, il faut bien que les hommes s'aiment les uns les autres; la nature, ce semble, ne les aime guère (2). Sur ces pentes exposées au nord, au fond de ses sombres entonnoirs où siffle le vent maudit des Alpes, la vie n'est adoucie que par le bon cœur et le bon sens du peuple. Des greniers d'abondance fournis par les communes suppléent aux mauvaise récoltes. On bâtit gratis pour les veuves, et pour elles d'abord (3). De là partent

let. Ce sont les aventures de Claudine Mignot, appelée la Belle Lhauda, femme d'Amblérieux, trésorier du Dauphiné, du marquis de l'Hôpital, de Casimir III, roi de Pologne. Louise Serment, la philosophe de Grenoble, mourut à l'âge de trente ans, en 1693.

(1) Cette simplicité, ces mœurs presque patriarchales, tiennent en grande partie à la conservation de traditions antiques. Le vieillard est l'objet du respect et le centre de la famille, et deux ou trois générations exploitent souvent ensemble la même ferme. Les domestiques mangent à la table des maîtres. — Au 1er novembre (c'est le misdu de Bretagne, on sert pour les morts un repas d'œufs et de farines bouillies; chaque mort a son couvert. (Barginet, les Montagnardes, III.) Dans un village, on célèbre encore la fête du soleil, selou M. Champollion. On retrouve en Dauphiné, comme en Bretagne, les brayes celtiques.

(2) Malgré la pauvreté du pays, leur bon sens les préserve de toute entreprise hasardeuse. Dans certaines vallées on croit qu'il existe de riches mines; mais une vierge vêtue de blanc en garde l'entrée avec une faux.

(3) Quand une veuve ou un orphelin fait quelque perte de bétail, etc., on se cotise pour la réparer.

des émigrations annuelles. Mais ce ne sont pas seulement des maçons, des porteurs d'eau, des rouliers, des ramoneurs, comme dans le Limousin, l'Auvergne, le Jura, la Savoie; ce sont surtout des instituteurs ambulans (1) qui descendent tous les hivers des montagnes de Gap et d'Embrun. Ces maîtres d'école s'en vont par Grenoble dans le Lyonnais, et de l'autre côté du Rhône. Les familles les reçoivent volontiers; ils enseignent les enfans et aident au ménage. Dans les plaines du Danphiné, le paysan, moins bon et moins modeste, est souvent bel esprit : il fait des vers, et des vers satiriques.

Jamais dans le Dauphiné la féodalité ne pesa comme dans le reste de la France. Les seigneurs, en guerre éternelle avec la Savoie (2), eurent intérêt de ménager leurs hommes; les vavasseurs y furent moins des arrière-vassaux que des petits nobles à peu près indépendans (3). La propriété

(1) Sur quatre mille quatre cents émigrans, sept cents instituteurs. Peuchet, etc.

(2) Ces guerres jetèrent un grand éclat sur la noblesse dauphinoise. On l'appelait l'écarlate des gentilshommes. C'est le pays de Bayard, et de ce Lesdiguières qui fut roi du Dauphiné, sous Henri IV. Le premier y laissa un long souvenir: on disait prouesse de Terrail, comme loyauté de Saivaing, noblesse de Sassenage. -Près de la vallée du Graisivaudan, est le territoire de Royans, la vallée de Chevallereuse.

(3) Le noble faisait hommage debout; le bourgeois à genoux et baisant le dos de la main du seigneur; l'homme du peuple, aussi genoux, mais baisant seulement le pouce de la main du seigneur. Voy. Salvaing, Usage des fiefs. De même à Metz, le maître échegenoux.

vin parlait au roi debout, et non à

s'y est trouvée de bonne heure divisée à l'infini. Aussi la révolution française n'a point été sanglante à Grenoble; elle y était faite d'avance (1). Ce n'est pas une douce et gouvernable population (2); mais la démagogie est là chez elle; pourquoi serait-elle violente? La propriété est divisée au point que telle maison a dix propriétaires, chacun d'eux possédant et habitant une chambre (3). Bonaparte connaissait bien Grenoble, quand il la choisit pour sa première station en revenant de l'île d'Elbe (4); il voulait alors relever l'empire par la république.

A Grenoble, comme à Lyon, comme à Besançon, comme à Metz, et dans tout le nord, l'industrialisme républicain est moins sorti, quoi qu'on ait dit, de la municipalité romaine que de la protection ecclésiastique; ou plutôt l'une et l'autre se sont accordées, confondues, l'évêque s'étant trouve, au moins jusqu'au neuvième siècle, de nom ou de fait, le véritable defensor civi tatis. Cette croix, si haut dressée sur la Grande

(1) Dans la Terreur, les ouvriers y maintinrent l'ordre avec un courage et une humanité admirables, à peu près comme à Florence le cardeur de laine, Michel Lando, dans l'insurrection des Ciompi.

(2) On dit : reconduite de Grenoble, pour reconduite à coups de pierres. (Les Montagnardes, I, 37); comme en Languedoc : invitation de Montpellier, invitation sur l'escalier (couvit de Mounpeié, couvida à l'escaié). Millin, V, 328.

(3) Perrin Dulac, Description de l'Isère (Grenoble, 1806, 207).

I,

(4) Il descendit dans une auberge tenue par un vieux soldat, qui lui avait donné une orange dans la campagne d'Egypte.

Chartreuse dans les neiges et les orages, elle a été pour le pays le signe de la liberté. L'évêque Izarn chassa les Sarrasins du Dauphiné en 965; et jusqu'en 1044, où l'on place l'avènement des comtes d'Albon, comme dauphins, Grenoble, disent les chroniques, « avait toujours été un franc-aleu de l'évêque. C'est aussi par des conquêtes sur les évêques que commencèrent les comtes poitevins de Die et de Valence. Ces Barons s'appuyèrent tantôt sur les Allemands, tantôt sur les mécréans du Languedoc (1).

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Besançon (2), comme Grenoble, est encore une république ecclésiastique, sous son archevêque, prince d'empire, et son noble chapitre (3). Mais l'éternelle guerre de la Franche-Comté contre l'Allemagne, y a rendu la féodalité plus pesante. La longue muraille du Jura avec ses deux

(1) D'abord les Vaudois, plus tard les Protestans. Dans le seul département de la Drôme, il y a environ trente quatre mille calvinistes (Peuchet et Chanlaire, Statistique, etc.). On se rappelle la lutte atroce du baron des Adrets et de Montbrun. - Le plus célèbre des protestans Dauphinois fut Isaac Casaubon, fils du ministre de Bourdeaux sur le Roubion, né en 1559; il est enterré à Westminster.

(2) L'ancienne devise de Besançon était : Plút à Dieu!- A Salins, on lisait sur la porte d'un des forts où étaient les salines, la devise de Philippe-le-Bon: Autre n'auray. Plusieurs monumens de Dijon portaient celle de Philippe-le-Hardi : Moult me tarde. A Besançon, naquit l'illustre diplomate Granvelle, chancelier de CharlesQuint, mort en 564.

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(3) De même à l'abbaye de Saint-Claude, transformée en évêché en 1741, les religieux devaient faire preuve de la noblesse jusqu'à leur trisaïeul paternel et maternel. Les chanoines devaient prouver seize quartiers, huit de chaque côté.

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