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ces et des religions. Je parlerai ailleurs de l'effroyable catastrophe du treizième siècle. Aujourd'hui encore, entre Nîmes et la montagne de Nîmes, il y a une haine traditionnelle, qui, il est vrai, tient de moins en moins à la religion: ce sont comme les Guelfes et les Gibelins. Ces Cévennes sont si pauvres et si rudes; il n'est pas étonnant qu'au point de contact avec la riche contrée de la plaine, il y ait un choc plein de violence et de rage envieuse. L'histoire de Nîmes n'est qu'un combat de taureaux.

Le fort et dur génie du Languedoc n'a pas été assez distingué de la légèreté spirituelle de la Guyenne et de la pétulance emportée de la Provence. Il y a pourtant entre le Languedoc et la Guyenne la même différence qu'entre les Montagnards et les Girondins, entre Fabre et Barnave, entre le vin fumeux de Lunel et le vin de Bordeaux. La conviction est forte, intolérante en Languedoc, souvent atroce, et l'incrédulité aussi, La Guyenne au contraire, le pays de Montaigne et de Montesquieu, est celui des croyances flottantes; Fénélon, l'homme le plus religieux qu'ils aient eu, est presque un hérétique. C'est bien pis en avançant vers la Gascogne; pays de pauvres diables, très nobles et très gueux, de drôles de corps, qui auraient tous dit, comme leur Henri IV: Paris vaut bien une messe; ou, comme il écrivait à Gabrielle, au moment de l'abjuration : Je vais

faire le saut perilleux! (1) Ces hommes veulent à tout prix réussir, et réussissent. Les Armagnacs s'allièrent aux Valois; les Albret mêlés aux Bourbons, ont fini par donner des rois à la France.

Le génie provençal aurait plus d'analogie, sous quelque rapport, avec le génie gascon qu'avec le languedocien. Il arrive souvent que les peuples d'une même zône sont alternés ainsi; par exemple, l'Autriche, plus éloignée de la Souabe que de la Bavière, en est plus rapprochée par l'esprit. Riveraines du Rhône, coupées symétriquement par des fleuves ou torrens qui se répondent (le Gard à la Durance, et le Var à l'Hérault), les provinces de Languedoc et de Provence, forment à elles deux notre littoral sur la Méditerranée. Ce littoral a des deux côtés ses étangs, ses marais, ses vieux volcans. Mais le Languedoc est un système complet, un dos de montagnes ou collines avec les deux pentes : c'est lui qui verse les fleuves à la Guyenne et à l'Auvergne. La Provence est adossée aux Alpes; elle n'a point les Alpes, ni les sources de ses grandes rivières; elle n'est qu'un prolongement, une pente des monts vers le Rhône et la mer; au bas de cette pente, et le pied dans l'eau, sont ses belles villes, Marseille,

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Dans

(1) Un proverbe gascon dit : Tout bon gascon peut se dédire trois fois. (Tout boun gascoun qués pot réprenqué trés cops.) beaucoup de départemens méridionaux, on rougirait de ne pas aller à la messe, et l'on aurait honte d'aller à confesse. Ceci m'a été attesté, particulièrement pour le Gers.

Arles, Avignon. En Provence, toute la vie est au bord. Le Languedoc, au contraire, dont la côte est moins favorable, tient ses villes en arrière de la mer et du Rhône. Narbonne, Aigues-mortes et Cette ne veulent point être des ports (1). Aussi l'histoire du Languedoc est plus continentale que maritime; ses grands événemens sont les luttes de la liberté religieuse. Tandis que le Languedoc recule devant la mer, la Provence y entre, elle lui jette Marseille et Toulon; elle semble élancée aux courses maritimes, aux croisades, aux conquêtes d'Italie et d'Afrique.

La Provence a visité, a hébergé tous les peuples. Tous ont chanté les chants, dansé les danses d'Avignon, de Beaucaire, tous se sont arrêtés aux passages du Rhône, à ces grands carrefours des. routes du midi (2). Les saints de Provence (de vrais saints que j'honore), leur ont bâti des ponts (3), et commencé la fraternité de l'occident.

(1) Trois essais impuissans des Romains, de St.-Louis, et de Louis XIV.

(2) Ce pont d'Avignon tant chanté, succédait au pont de bois d'Arles qui, dans son temps, avait reçu ces grandes réunions d'hommes comme depuis Avignon et Beaucaire. Arles, disait Ausone, petite Rome gauloise.

Gallula Koma Arelas, quam Narbo Martius, et quam
Accolit Alpinis opulenta Vienna colonis,
Præcipitis Rhodani sic intercisa fluentis,

Ut mediam facias navali ponte plateam,

Per quem romani commercia suscipis orbis.

Auson., Ordo nobil. urbium, VII.

(3) Le berger saint Benezet regut, dans une vision, l'ordre de

Les vives et belles filles d'Arles et d'Avignon, continuant cette œuvre, ont pris par la main le Grec, l'Espagnol, l'Italien, leur ont, bon gré malgré, mené la farandole (1). Et ils n'ont plus voulu se rembarquer. Ils ont fait en Provence des villes grecques, moresques, italiennes. Ils ont préféré les figues fiévreuses de Fréjus (2) à celles d'Ionie ou de Tusculum, combattu les torrens, cultivé en terrasses les pentes rapides, exigé le raisin des côteaux pierreux qui ne donnent que thym et lavande.

construire le pont d'Avignon; l'évêque n'y crut qu'après que Benezet eut porté sur son dos, pour première pierre, un roe énorme. Il fonda l'ordre des frères pontifes qui contribuèrent à la construction du pont du Saint-Esprit, et qui en avaient commencé un sur la Purance. Bolland., acta SS., II april. Héliot, Hist. des ordres religieux, t. II, c. 42. — Bouche, Hist. de Provence, t. II, p. 163. D. Vaissette, Hist. du Languedoc, t. III, liv. XIX, p. 46. fices étrusques et romains.

Cf. les ponti

(1) L'une des quatre espèces de farandole que distingue Fischer, s'appelle la Turque; une autre, la Moresque. Ces noms, et les rapports de plusieurs de ces danses avec le bolero, doivent faire présumer que ce sont les Sarrasins qui en ont laissé l'usage en France. Millin, III, 355.

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(2) Millin, II, 487. Sur l'insalubrité d'Arles ; id., III, 645. · Papon. I, 20, proverbe Avenio ventosa, sine vento venenosa, cum vento fastidiosa. En 1213, les évêques de Narbonne, etc., écrivent à Innocent III, qu'un concile provincial ayant été convoqué à Avignon: « Multi ex prælatis, quia generalis corruptio æris ibi erat, nequivimus colloquio interesse; sicque factum est ut necessario negotium differretur. » Epist. Innoc. III (Ed. Baluze, II, 762).

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Il y eut des lépreux à Martigues jusqu'en 1731; à Vitrolles, jusqu'en 1807. En général, les maladies cutanées sont communes en Provence. Millin, IV, 35.

Cette poétique Provence n'en est pas moins un rude pays. Sans parler de ses marais pontins (1), et du val d'Olioul, et de la vivacité de tigre du paysan de Toulon, ce vent éternel qui enterre dans le sable les arbres du rivage, qui pousse les vaisseaux à la côte, n'est guère moins funeste sur terre que sur mer. Les coups de vent, brusques et subits, saisissent mortellement. Le Provençal est trop vif pour s'emmailloter du manteau espagnol. Et ce puissant soleil aussi, la fête ordinaire de ce pays de fêtes, il donne rudement sur la tête, quand d'un rayon il transfigure l'hiver en été. Il vivifie l'arbre, il le brûle. Et les gelées brûlent aussi. Plus souvent des orages, des ruisseaux qui deviennent fleuves. Le laboureur ramasse son champ au bas de la colline, ou le suit voguant à grande eau, et s'ajoutant à la terre du voisin. Nature capricieuse, passionnée, colère et charmante.

Le Rhône est le symbole de la contrée, son fétiche, comme le Nil est celui de l'Égypte. Le peuple n'a pu se persuader que ce fleuve ne fût qu'un fleuve; il a bien vu que la violence du Rhône était de la colère (2), et reconnu les con

(1) Il y a quatre cent mille arpens de marais. Peuchet et Chanlaire, Statistique des Bouches-du-Rhône. Voy. aussi la grande Statistique de M. de Villeneuve, 4 vol. in-4°. - Les marais d'Hyères rendent cette ville inhabitable l'été; on respire la mort avec les parfums des fruits et des fleurs. De même à Fréjus. — Statistique du Var, par Fauchet, préfet, an Ix, p. 52, sqq.

(2) On trouve le long de tout le cours du Rhône des traces du

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