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quand il entendit la proclamation républicaine; il essuya tout simplement ses bras, et prit son fusil. Chacun en fit autant et marcha droit aux bleus. Et ce ne fut pas homme à homme, dans les bois, dans les ténèbres, comme les chouans de Bretagne, mais en masse, en corps de peuple, et en plaine. Ils étaient près de cent mille au siége de Nantes. La guerre de Bretagne est, comme une ballade guerrière du border écossais, celle de Vendée une Iliade.

En avançant vers le midi, nous passerons la sombre ville de Saintes et ses belles campagnes, les champs de batailles de Taillebourg et de Jarnac, les grottes de la Charente et ses vignes dans les marais salans. Nous trayerserons même rapidement le Limousin, ce pays élevé, froid, pluvieux (1), qui verse tant de fleuves. Ses belles collines granitiques, arrondies en demi-globes, ses vastes forêts de châtaigniers, nourrissent une population honnête, mais lourde, timide et gauche par indécision (2). Pays souffrant, disputé si long

vendéenne fut la levée de 300,000 hommes décrétée par la République. Les Vendéens haïssent le service militaire, qui les éloigne de chez eux. Lorsqu'il a fallu fournir un contingent pour la garde de Louis XVIII, il ne s'est pas trouvé un seul volontaire. Cavoleau, Description de la Vendée, 1813.

(1) Piganiol de la Force, XI. - Boulainvilliers.-Texier-Olivier, Haute-Vienne (il en était préfet en 1808), p. 8. proverbe : « Le Limousin ne périra pas par sécheresse. >>

(2) Texier-Olivier, p. 44, 96, etc.

temps entre l'Angleterre et la France. Le bas Limousin est autre chose; le caractère remuant et spirituel des méridionaux y est déjà frappant. Les noms des Ségur, des Saint-Aulaire, des Noailles, des Ventadour, des Pompadour, et surtout des Turenne, indiquent assez combien les hommes de ce pays se sont rattachés au pouvoir central, et combien ils y ont gagné. Ce drôle de cardinal Dubois était de Brive-la-Gaillarde.

Les montagnes du haut Limousin se lient à celles de l'Auvergne, et celles-ci avec les Cévennes. L'Auvergne est la vallée de l'Allier, dominée à l'ouest par la masse du Mont-Dor, qui s'élève entre le pic ou Puy de Dôme et la masse du Cantal. Vaste incendie éteint, aujourd'hui paré presque partout d'une forte et rude (1) végétation. Le noyer pivote sur le basalte, et le blé germe sur la pierre ponce (2). Les feux intérieurs ne sont pas tellement assoupis que certaine vallée ne fume encore, et que les étouffis du Mont-Dor (3) ne rappellent la Solfatare et la Grotte du chien. Villes noires, bâties de lave (Clermont, Saint-Flour, etc.). Mais la campagne est belle, soit que vous parcou

(1) Les produits de la terre, comme de l'industrie, sont communs et grossiers, abondans il est vrai. De Pradt, Voyage agronom., p.

180.

(2) Au nord de Saint-Flour, la terre est couverte d'une couche épaisse de pierres ponces, et n'en est pas moins très fertile. De Pradt, p. 147.

(3) Voy. Legrand d'Aussy, Voyage en Auvergne.

riez les vastes et solitaires prairies du Cantal et du Mont-Dor, au bruit monotone des cascades, soit que, de l'île basaltique où repose Clermont, vous promeniez vos regards sur la fertile Limagne, et sur le Puy de Dôme, ce joli dé à coudre de sept cents toises, voilé, dévoilé tour à tour, par les nuages qui l'aiment, et qui ne peuvent ni le fuir, ni lui rester. C'est qu'en effet l'Auvergne est battue d'un vent éternel et contradictoire (1), dont les vallées opposées et alternées de ses montagnes, animent, irritent les courans. Pays froid sous un ciel déjà méridional, où l'on gèle sur les laves. Aussi dans les montagnes, la population reste l'hiver presque toujours blottie dans les étables, entourée d'une chaude et lourde atmosphère (2). Chargée, comme les Limousins, de je ne sais combien d'habits épais et pesans, on dirait une race méridionale (3) grelottant au vent du nord, et comme resserrée, durcie, sous ce ciel étranger. Vin grossier, fromage amer (4), comme l'herbe

(1) De Pradt, p. 74.

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(8) L'hiver, ils vivent dans l'étable, et se lèvent à huit ou neuf heures. (Legrand d'Aussy, p. 283.) V. divers détails de mœurs dans les Mémoires de M. le comte de Montlosier, 1er v. — Consultez aussi l'élégant tableau du Puy de Dôme, par M. Duché; les curieuses recherches de M. Gonod, sur les antiquités de l'Auvergne l'ouvrage du bon curé octogenaire, Delarbre, etc.

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(3) En Limagne, race laide, qui semble méridionale; de Brioude jusqu'aux sources de l'Allier, on dirait des crétins ou des mendians espagnols. De Pradt, p, 70.

(4) L'amertume de leurs fromages tient, soit à la façon, soit à la

rude d'où il vient. Ils vendent aussi leurs laves, leurs pierres ponces, leurs pierreries communes (1), leurs fruits communs qui descendent l'Allier par bateau. Le rouge, la couleur barbare par excellence, est celle qu'ils préfèrent; ils aiment le gros vin rouge, le bétail rouge (2). Plus laborieux qu'industrieux, ils labourent encore souvent les terres fortes et profondes de leurs plaines avec la petite charrue du midi qui égratigne à peine le sol (3). Ils ont beau émigrer tous les ans des montagnes, ils rapportent quelque argent, mais peu d'idées.

Et pourtant il y a une force réelle dans les hommes de cette races, une sève amère, acerbe peut-être, mais vivace comme l'herbe du Cantal. L'âge n'y fait rien. Voyez quelle verdeur dans leurs vieillards, les Dulaure, les De Pradt ; et ce Montlosier octogénaire, qui gouverne ses ouvriers, et tout ce qui l'entoure, qui plante et qui bâtit, et qui écrirait au besoin un nouveau livre contre le parti-prêtre, ou pour la féodalité, ami,

dureté et l'aigreur de l'herbe; les pâturages ne sont jamais renouv elés. De Pradt, p. 477.

(1) Jusqu'en 1784, les Espagnols venaient acheter les pierreries grossières de l'Auvergne. Legrand d'Aussy, p. 247.

(2) De Pradt, p. 74.

(3) Dans le pays d'Outre-Loire, on n'emploie guère que l'araire, petite charrue insuffisante pour les terres fortes. Dans tout le midi, les chariots et outils sont petits et faibles.-Arthur Young vit avec indignation cette petite charrue qui effleurait la terre, et calomniait sa fertilité. De Pradt, p. 85.

et en même temps ennemi, du moyen-âge (1). Le génie inconséquent et contradictoire que nous remarquions dans d'autres provinces de notre zône moyenne, atteint son apogée dans l'Auvergne. Là se trouvent ces grands légistes (2), ces logiciens du parti gallican, qui ne surent jamais s'ils étaient pour ou contre le pape : le chancelier de l'Hôpital, catholique équivoque (3); les Arnaud; le sévère Domat, Papinien janséniste, qui essaya d'enfermer le droit dans le christianisme; et son ami Pascal, le seul homme du dix-septième siècle, qui ait senti la crise religieuse entre Montaigne et Voltaire, âme souffrante où apparaît si merveilleusement le combat du doute et de la foi.

Je pourrais entrer par le Rouergue dans la grande vallée du midi, Cette province en marque le coin d'un accident bien rude (4). Elle

(1) L'illustre vieillard ne s'offensera pas sans doute d'une observation critique qui s'adresse à tous les grands hommes de son pays.

(2) Domat, de Clermont; les Laguesle, de Vic-le-Comte; Duprat et Barillon, son secrétaire, d'Issoire, l'Hôpital, d'Aigueperse; Anne Dubourg, de Rium; Pierre Lizet, premier président du parlement de Paris, au seizième siècle; les Du Vair d'Aurillac, etc.

(3) Voy. dans les Mém, de d'Aubigné, la part secrète que le chancelier eut à la conjuration d'Amboise. C'était un proverbe : « Dieu nous garde de la messe du Chancelier; du cure-dent de l'Amiral, et des patenôttres du Connétable. »>

(4) C'est, je crois, le premier pays de France qui ait payé au roi (Louis VII) un droit pour qu'il y fît cesser les guerres privées. V. le Glossaire de Laurière, t. I, p. 164, au mot Commun de paix, et la Décrétale d'Alexandre III, sur le premier canon du concile de

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