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Tours la capitale du protestantisme, et la capitale du catholicisme (1) en France; Saumur, le petit royaume des prédicans et du vieux Duplessis-Mornay, contre lesquels leur bon ami Henri IV bâtit la Flèche aux jésuites. Son château de Mornay, et son prodigieux Dolmen (2) font toujours de Saumur une ville historique. Mais bien autrement historique est la bonne ville de Tours, et son tombeau de Saint-Martin, le vieil asile, le vieil oracle, le Delphes de la France, où les Mérovingiens venaient consulter les sorts, ce grandet lucratif pé. lerinage pour lequel les comtes de Blois et d'Anjou ont tant rompu de lances. Mans, Angers, toute la Bretagne, dépendaient de l'archevêché de Tours; ses chanoines, c'étaient les Capets, et les ducs de Bourgogne, de Bretagne, et le comte de Flandre et le patriarche de Jérusalem, les archevêques de Mayence, de Cologne, de Compostelle. Là, on battait monnaie, comme à Paris; là, on fabriqua de bonne heure la soie, les tissus précieux, et aussi, s'il faut le dire, ces confitures, ces rillettes, qui ont rendu Tours et Reims également célèbres;

(1) Du moins à l'époque mérovingienne.

(2) C'est une espèce de grotte artificielle de quarante pieds de long sur dix de large et huit de haut, le tout formé de onze pierres énormes. Ce dolmen, placé dans la vallée, semble répondre à un autre qu'on aperçoit sur une colline. J'ai souvent remarqué rette disposition dans les monumens druidiques, par exemple, à Carnac.

villes de prêtres et de sensualité. Mais Paris, Lyon et Nantes ont fait tort à l'industrie de Tours. C'est la faute aussi de ce doux soleil, de cette molle Loire; le travail est chose contre nature dans ce paresseux climat de Tours, de Blois et de Chinon, dans cette patrie de Rabelais, près du tombeau d'Agnès Sorel. Chenonceaux, Chambord, Montbazon, Langeai, Loches, tous les favoris et favorites de nos rois, ont leurs châteaux le long de la rivière. C'est le pays du rire et du rien faire. Vive verdure en août comme en mai, des fruits, des arbres. Si vous regardez du bord, l'autre rive semble pendue en l'air, tant l'eau réfléchit fidèlement le ciel le sable au bas, puis le saule qui vient boire dans le fleuve; derrière, le peuplier, le tremble, le noyer, et les îles fuyantes parmi les îles; en montant, des têtes rondes d'arbres qui s'en vont moutonnant doucement les uns sur les autres. Molle et sensuelle contrée! c'est bien ici que l'idée dut venir de faire la femme reine des monastères, et de vivre sous elle dans une voluptueuse obéissance, mêlée d'amour et de sainteté. Aussi jamais abbaye n'eut la splendeur de Fontevrault (1). Il en reste aujourd'hui cinq églises. Plus d'un roi voulut y être enterré : même le fa

(1) Recherches de Bodin. Genoude, Voyage en Anjou et Vendée, 1821. A cette époque du moins, il restait de l'abbaye trois cloîtres, soutenus de colonnes et de pilastres, cinq grandes églises, et plusieurs statues, entre autres celle de Henri II. Le tombeau de son fils, Richard-Coeur-de-Lion, avait disparu.

rouche Richard-Coeur-de-Lion leur légua son cœur; il croyait que ce cœur meurtrier et parricide finirait par reposer peut-être dans une douce main de femme, et sous la prière des vierges.

Pour trouver sur cette Loire quelque chose de moins mou, et de plus sévère, il faut remonter au coude par lequel elle s'approche de la Seine, jusqu'à la sérieuse Orléans, ville de légistes au moyen-âge, puis calviniste, puis janseniste, aujourd'hui industrielle. Mais je parlerai plus tard du cendre de la France; il me tarde de pousser au midi; j'ai parlé des Celtes de Bretagne, je veux m'acheminer vers les Ibères, vers les Pyrénées.

Le Poitou que nous trouvons de l'autre côté de la Loire, en face de la Bretagne et de l'Anjou, est un pays formé d'élémens très divers, mais non point mélangés. Trois populations fort distinctes y occupent trois bandes de terrains qui s'étendent du nord au midi. De là les contradictions apparentes qu'offre l'histoire de cette province. Le Poitou est le centre du calvinisme au seizième siècle, il recrute les armées de Coligni, et tente la fondation d'une république protestante; et c'est du Poitou qu'est sortie de nos jours l'opposition catholique et royaliste de la Vendée. La première époque appartient surtout aux hommes de la côte; la seconde, surtout au Bocage vendéen. Toutefois l'une et l'autre se rapportent à un même principe, dont le calvinisme répu

blicain, dont le royalisme catholique n'ont été que la forme esprit indomptable d'opposition

au gouvernement central.

Le Poitou est la bataille du midi et du nord. C'est près, de Poitiers que Clovis a défait les Goths, que Charles Martel a repoussé les Sarrasins, que l'armée anglo-gasconne du prince Noir a pris le roi Jean. Mêlé de droit romain et de droit coutumier, donnant ses légistes au nord, ses troubadours au midi, le Poitou est lui-même comme sa Mellusine (1), assemblage de natures diverses, moitié femme et moitié serpent. C'est dans le pays du mélange, dans le pays des mulets (2) et des vipères (3), que ce mythe étrange a dû naître.

Ce génie mixte et contradictoire a empêché le Poitou de rien achever; il a tout commencé. Et d'abord la vieille ville romaine de Poitiers, aujourd'hui si solitaire, fut, avec Arles et Lyon, la première école chrétienne des Gaules. Saint Hilaire a partagé les combats d'Athanase pour la

(1) Voy. les Eclaircissemens.

(2) Les mules du Poitou sont recherchées par l'Auvergne, la Provence, le Languedoc, l'Espagne même. Stat. de la Vendée, par l'ingénieur La Bretonnière. La naissance d'une mule est plus fêtée que celle d'un fils. Vers Mirebeau, un áne étalon vaut jusqu'à 3,000 fr. Dupin, statistique des Deux-Sèvres. (Dupin était préfet de ce département.)

(3) Les pharmaciens en achetaient beaucoup dans le Poitou.-Poitiers envoyait autrefois ses vipères jusqu'à Venise. La Bretonnière. V. aussi Dupin.

divinité de Jésus-Christ. Poitiers fut pour nous, sous quelques rapports le berceau de la monarchie aussi bien que du christianisme. C'est de sa cathédrale que brilla pendant la nuit la colonne de feu qui guida Clovis contre les Goths. Le roi de France était abbé de Saint-Hilaire de Poitiers, comme de Saint-Martin de Tours. Toutefois cette dernière église, moins lettrée, mais mieux située, plus populaire, plus féconde en miracles, prévalut sur sa sœur aînée. La dernière lueur de la poésie latine avait brillé à Poitiers avec Fortunat; l'aurore de la littérature moderne y parutau douzième siècle; Guillaume VII est le premier troubadour. Ce Guillaume, excommunié pour avoir enlevé la vicomtesse de Châtelleraut, conduisit, dit-on, cent mille hommes à la TerreSainte (1), mais il emmena aussi la foule de ses maîtresses (2). C'est de lui qu'un vieil auteur dit:

Il fut bon troubadour, bon chevalier d'armes, et courut long-temps le monde pour tromper les dames. Le Poitou semble avoir été alors un pays de libertins spirituels et de libres penseurs. Gilbert de la Porée, né à Poitiers, et évêque de cette ville, collègue d'Abailard à l'école de Chartres, enseigna avec la même hardiesse, fut comme lui attaqué par saint Bernard, se rétracta comme lui, mais ne s'obstina pas dans ses rechutes comme le

(1) Il arriva avec six hommes devant Antioche.

(2) L'évêque d'Angoulême lui disait : Corrigez-vous; le comte lui répondit : Quand tu te peigneras. L'évêque était chauve.

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