Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

pas ici la monotone histoire de leurs incursions. Il me suffit d'en distinguer les trois périodes principales celle des incursions proprement dites, celle des stations, celle des établissemens fixes. Les stations des Nothmen étaient généralement dans des îles à l'embouchure de l'Escaut, de la Seine et de la Loire; celles des Sarrasins à Fraxinet (la Garde Fraisnet) en Provence, et à Saint-Maurice-en-Valais; telle était l'audace de ces pirates qu'ils avaient osé s'écarter ainsi de la mer, et s'établir au sein même des Alpes, aux défilés où se croisent les principales routes de l'Europe. Les Sarrasins n'eurent d'établissemens importans qu'en Sicile. Les Northmans, plus disciplinables, finirent par adopter le christianisme, et s'établirent sur plusieurs points de la France, particulièrement dans le pays appelé de leur nom, Normandie.

Quelques textes des annales de saint Bertin suffiront pour faire connaître l'audace des Northmen, l'impuissance et l'humiliation du roi et des évêques, leurs vaines tentatives pour combattre ces barbares, ou pour les opposer les uns aux au

tres.

« En 866, il fut convenu que tous les serfs pris par les Normands, qui viendraient à s'enfuir de leurs mains, leur seraient rendus, ou rachetés au prix qu'il leur plairait, et que si quelqu'un des Normands était tué, on paierait une somme pour le prix de sa vie. »

« En 861, les Danois qui avaient dernièrement incendié la cité de Térouanne, revenant, sous leur chef Wéland, du pays des Angles, remontent la Seine avec plus de deux cents navires, et assiègent les Nortmans dans le château qu'ils avaient construit en l'île dite d'Oissel. Charles ordonna de lever, pour les donner aux assiégeans à titre de loyer, cinq mille livres d'argent, avec une quantité considérable de bestiaux et de grains, à prendre sur son royaume, afin qu'il ne fût pas dévasté ; puis, passant la Seine, il se rendit à Méhun-surLoire, et y reçut le comte Robert avec les honneurs convenus. Guntfrid et Gozfrid, par le conseil desquels Charles avait reçu Robert, l'abandonnèrent cependant, eux avec leurs compagnons, selon l'inconstance ordinaire de leur race et leurs habitudes natives, et se joignirent à Salomon, duc des Bretons. Un autre parti de Danois entra par la Seine avec soixante navires dans la rivière d'Hières, arriva de là vers ceux qui assiégeaient le château et se joignit à eux. Les assiégés, vaincus par la faim et la plus affreuse misère, donnent aux assiégeans six mille livres, tant or qu'argent, et se joignent à

eux. »

En 869, Louis, fils de Louis, roi de Germanie, se prenant à faire la guerre avec les Saxons contre les Wenèdes qui sont dans le pays des Saxons, remporta une sorte de victoire, avec un grand carnage des deux partis. En revenant de

là, Roland, archevêque d'Arles, qui (non pas les mains vides), avait obtenu de l'empereur Louis et d'Ingelberge l'abbaye de Saint-Césaire, éleva dans l'île de la Camargue, de tous côtés extrêmement riche, où sont la plupart des biens de cette abbaye, et dans laquelle les Sarrasins avaient coutume d'avoir un port, une forteresse seulement de terre, et construite à la hâte; apprenant l'arrivée des Sarrasins, il y entra assez imprudemment. Les Sarrasins, débarqués à ce château, y tuèrent plus de trois cents des siens, et lui-même fut pris, conduit dans leur navire et enchaîné. Auxdits Sarrasins furent donnés pour les racheter cent cinquante livres d'argent, cent cinquante manteaux, cent cinquante grandes épées et cent cinquante esclaves, sans compter ce qui se donna de gré à gré. Sur ces entrefaites, ce même évêque mourut sur les vaisseaux. Les Sarrasins avaient habilement accéléré son rachat, disant qu'il ne pouvait demeurer plus long-temps, et que si on voulait le ravoir, il fallait que ceux qui le rachetaient donnassent promptemant sa rançon, ce qui fut fait et les Sarrasins, ayant tout reçu, assirent l'évêque dans une chaise, vêtu de ses habits sacerdotaux dans lesquels ils l'avaient pris, et, comme par honneur, le portèrent du navire à terre; mais quand ceux qui l'avaient racheté voulurent lui parler et le féliciter, ils trouvèrent qu'il était mort. Ils l'emportèrent avec un grand deuil, et l'ensevelirent le 22 septembre

dans le sépulcre qu'il s'était fait préparer luimême. »

Ainsi fut démontrée l'impuissance du pouvoir épiscopal pour défendre et gouverner la France. En 870, le chef de l'église gallicane, l'archevêque de Reims, Hincmar écrivait au pape ce pénible avèu : « Voici les plaintes que le peuple élève contre nous: Cessez de vous charger de notre défense, contentez-vous d'y aider de vos prières, si vous voulez notre secours pour la défense commune.... Priez le seigneur apostolique de ne pas nous imposer un roi qui ne peut, de si loin, nous aider contre les fréquentes et soudaines incursions des payens (1)... »

Le pouvoir local des évêques, le pouvoir central du roi se trouvent également condamnés par ces graves paroles. Ce roi, qui n'est rien sans l'église, ne sera que plus faible en s'en séparant. II peut disposer de quelques évêchés, humilier les évêques (2), opposer le pape de Rome au pape

(1) Et vos ergò solis orationibus vestris regnum contrà Normanos et alios impetentes defendite, et nostram defensionem nolite quærere ; et si vultis ad defensionem habere nostrum auxilium, sicut volumus de vestris orationibus habere adjutorium, nolite quærere nostrum dispendium, et petite domnum Apostolicum,.... ut non præcipiat nobis habere regem qui nos in longinquis partibus adjuvare non possit contrà subitaneos et frequentes paganorum incursus, etc. Epist. Hincm., ap. Scr. fr. VII, 540.

(2) Annal. Bertin., ann. 859. « Charles distribua aux laïques certains monastères, qui n'étaient jamais accordés qu'à des clercs. Ann. 862: L'abbaye de Saint-Martin, qu'il avait donnée déraisonnablement à son fils Hludowic, il la donna sans plus de raison à Hu

de Reims. Il peut accumuler de vains titres, se faire couronner roi de Lorraine et partager avec les Allemands le royaume de son neveu Lothaire II; il n'en est pas plus fort. Sa faiblesse est au comble quand il devient empereur. En 875, la mort de son autre neveu, Louis II, laissait l'Italie

[ocr errors]

[ocr errors]

[ocr errors]

bert, clerc marié. » Pendant long-temps il avait laissé vacante la place d'abbé, et l'avait gardée à son profit. En 861, il en avait fait autant des abbayes de Saint-Quentin et de Saint-Waast. Ann. 876. Il récompensait, en leur donnant des abbayes, les transfuges qui passaient dans son parti. Ann. 865. « Il nomma de sa pleine autorité, avant que la cause eût été jugée, Vulfade à l'archevêché de Bourges, etc., etc. — Frodoard, 1. II, c. 17. Le Synode de Troyes, qui avait désapprouvé la nomination de Vulfades, envoyait au pape le compte-rendu de ses délibérations. Charles exigea que la lettre lui fût remise, et brisa, pour la lire, les sceaux des archevêques, etc. - Voy. aussi dans les Annales de saint-Bertin, an 876, sa conduite dure et hautaine envers les évêques assemblés au concile de Ponthion. En 867, il avait exigé des évêques et des abbés un état de leurs possessions, afin de savoir combien il pouvait en exiger de serfs pour les employer à des constructions. Dix ans après il fit contribuer tout le clergé pour le paiement d'un tribut aux Normands. Annal. Bertin. Dans ses expéditions militaires, il se fit peu de scrupule de piller les églises. Ibid., ann. 851. On alla jusqu'à douter de la pureté de sa foi (Lotharius adversùs Karolum occasione suspectæ fidei queritnr..... Multa catholicæ fidei contraria in regno Karli, ipso quoque non nescio, concitantur. Ibid., ann. 855). Nous, le voyons même humilier l'archevêque de Reims auquel il devait tout, en donnant la primatie à celui de Sens.- Hincmar avait plusieurs côtés faibles et vulnérables. D'une part il avait succédé à l'archevêque Ebbon, dont plusieurs désapprouvaient la déposition. De l'autre, il s'était compromis dans l'affaire de Gotteschalk, et par des procédés illégaux envers l'hérétique, et par son alliance avec Jean Scot. On lui reprochait aussi ses violences à l'égard de son neveu Hincmar, évêque de Laon, jeune et savant prélat, qu'il ne trouvait pas assez soumis à la primatie de Reims.

« ZurückWeiter »