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parce que la terre leur manquait. Loups (1) furieux, que la famine avait chassés du gîte paternel (2), ils abordèrent seuls et sans famille (3); et lorsqu'ils furent soûls de pillage, lorsqu'à force de revenir annuellement, ils se furent fait une patrie de la terre qu'ils ravagaient, il fallut des Sabines à ces nouveaux Romulus : ils prirent femmes; et les enfans, comme il arrive nécessairement, parlèrent la langue de leurs mères. Quel

(1) Warger, loup, wargus, banni. Voy. Grimm.

(2) La faim fut le génie de ces rois de la mer. Une famine qui désola le Jutland fit établir une loi qui condamnait tous les cinq ans à l'exil les fils puînés. Odo Cluniac., ap. Scr. fr. VI, 318. Dodo, de mor. Duc. Normann., l. I. Guill. Gemetic., l. I, c. 4, 5. ·- Un Sage irlandais dit que les parens faisaient brûler avec eux leur or, leur argent, etc., pour forcer leurs enfans d'aller chercher fortune sur mer. Vatzdæla, ap. Barth., 438.

« Olivier Barnakall, intrépide pirate, défendit le premier à ses compagnons de se jeter les enfans les uns aux autres sur la pointe des lances; c'était leur habitude. Il en reçut le nom de Barnakall, sauveur des enfans. » Bartholin., p. 457. — Lorsque l'enthousiasme guerrier des compagnons du chef s'exaltait jusqu'à la frénésie, ils prenaient le nom de Bersekir (insensés, fous furieux). La place du Bersekir était la proue. Les anciens Sagas font de ce titre un honneur pour leurs héros (Voy. l'Edda Sæmundar, l'Hervarar-Saga, et plusieurs Sagas de Snorro). Mais dans le Vaetzdæla-Saga, le nom de Bersekir devient un reproche. Barthol., 345. - « Furore bersekico si quis grassetur, relegatione puniatur. » Ann. Kristni-Saga Turner, Hist. of the Anglo-Saxons, I, 463, sqq.

(3) La forme poétique de la tradition qui leur donne pour compagnes les Vierges au bouclier, indique assez que ce fut une exception, et qu'ils avaient rarement des femmes avec eux. — - Voy. Depping, Expéditious des Normands.

ques-uns conjecturent que ces bandes purent être fortifiées par les Saxons fugitifs, au temps de Charlemagne. Pour moi, je croirais sans peine que non-seulement les Saxons, mais que tout fugitif, tout bandit, tout serf courageux, fut reçu par ces pirates, ordinairement peu nombreux, et qui devaient fortifier volontiers leurs bandes d'un compagnon robuste et hardi. La tradition veut que le plus terrible des rois de la mer, Hastings, fut originairement un paysan de Troyes (1) Ces fugitifs devaient leur être précieux comme interprètes et comme guides. Souvent peut-être la fureur des Northmans et l'atrocité de leurs ravages, furent moins inspirées par le fanatisme odinique, que par la vengeance du serf et la rage de l'apostat.

Loin de continuer l'armement des barques que Charlemagne avait voulu leur opposer à l'embouchure des fleuves, ses successeurs appelèrent les barbares et les prirent pour auxiliaires. Le jeune Pépin s'en servit contre Charles-le-Chauve, et

(1) Rad. Glaber, I. I, c. 5, ap. Scr. fr. X, 9. « Dans la suite des temps naquit, près de Troyes, un homme, de la plus basse classe de paysans, nommé Hastings. Il était d'un village appelé Tranquille, à trois milles de la ville; il était robuste de corps, et d'un esprit pervers. L'orgueil lui inspira, dans sa jeunesse, du mépris pour la pauvreté de ses parens; et cédant à son ambition, il s'exila volontairement de son pays. Il parvint à s'enfuir chez les Normands. Là, il commença par se mettre au service de ceux qui se vouaient à un brigandage continuel pour procurer des vivres au reste de la nation. et que l'on appelait la flotte (flotta). »

crut, dit-on, s'assurer de leurs secours en adorant leurs dieux. Ils prirent les faubourgs de Toulouse, pillèrent trois fois Bordeaux (1), saccagèrent Bayonne et d'autres villes au pied des Pyrénées. Toutefois les montagnes, les torrens du Midi les découragèrent de bonne heure [depuis 864]. Les fleuves d'Aquitaine ne leur permettaient par de remonter aisément comme ils le faisaient dans la Loire, dans la Seine, dans l'Escaut et dans l'Elbe.

Ils réussirent mieux dans le Nord. Depuis que leur roi Harold eut obtenu du pieux Louis une province pour un baptême [826] (2), ils vinrent tous à cette pâture. D'abord ils se faisaient baptiser, pour avoir des habits. On n'en pouvait trouver assez pour tous les néophites qui se présen taient. A mesure qu'on leur refusa le sacrement dont ils se faisaient un jeu lucratif, ils se montrèrent d'autant plus furieux. Dès que leurs dragons, leurs serpens, (3) sillonnaient les fleuves; dès

(1) Fragm. hist. Armonic., ap. Scr. fr. VII, ad. ann. 843.-Annal. Bertin., ibid., ann. 848, 855.

(2) Thegan., c. 33, ap. Scr. fr. VI, 80.... Quem Imperator elevavit de fonte baptismatis.... Tunc magnam partem Frisonum dedit ei./ Astronom., c. 40, ibid. 107. Eginh. Annal., ibid. 187.-Annal. Bertin., ann. 870. « Cependant furent baptisés quelques Normands, amenés pour cela à l'empereur, par Hugues, abbé et marquis : ayant reçu des présens, ils s'en retournèrent vers les leurs; et, après le baptême, ils se conduisirent de même qu'auparavant, en Normands et comme des païens. >>

(3) Ils appelaient ainsi leurs barques, drakars, snekkars.

que le cor d'ivoire (1) retentissait sur les rives, personne ne regardait derrière soi. Tous fuyaient à la ville, à l'abbaye voisine, chassant vite les troupeaux; à peine en prenait-on le temps. Vils troupeaux eux-mêmes, sans force, sans unitė, sans direction, ils se blottissaient aux autels sous les reliques des saints. Mais les reliques n'arrêtaient pas les barbares. Ils semblaient au contraire acharnés à violer les sanctuaires les plus révérés. Ils forcèrent Saint-Martin de Tours, Saint-Ger

(1) Le cor d'ivoire joue un grand rôle dans les légendes relatives aux Normands, par exemple dans la légende bretonne de Saint-Florent : « Le moine Guallon fut envoyé à Saint-Florent..... Lorsqu'il fut entré dans le couvent, il chassa des cryptes les laies sauvages qui s'y étaient établies avec leurs petits.... Ensuite il alla trouver Hastings, le chef normand, qui résidait encore à Nantes.... Lorsque le chef le vit venir à lui avec des présens, il se leva aussitôt et quitta son siège, et appliqua ses lèvres sur ses lèvres; car il professait, dit-on, tellement quellement le christianisme...... Il donna au moine un cor d'ivoire, appelé le Cor des tonnerres, ajoutant que, lorsque les siens débarqueraient pour le pillage, il sonnât de ce cor, et qu'il ne craignît rien pour son avoir aussi loin que le son pourrait être entendu des pirates. » D. Morice, Preuves de l'Hist. de Bretagne, p. 119.

D. Morice, Preuves de l'Hist. de Bret., p. 119. Tum Guallo monachus apud S. Florentium dirigitur.... postquàm monasterium subintravit, illius cryptas tàm silvaticis scrofis quàm illarum fœtibus plenas evacuavit... Dein... Has tensem ad Normanorum ducem.... adhuc morantem in urbe Namneticâ.... Quem ut dux ad se cum donis agnovit advenisse, protinùs surgit relictâ sede, orique illius os suum cœpit imponere. Etenim utcumque Christianus dicitur fuisse.... Tubam eburneam tonitruum nuncupatam dedit monacho, hæc illi addens, ut suis in prædam exeuntibus eâ buccinaret, et nequaquam de suo timidus esset, ubicumque à prædatoribus audiri posset.

main-des-Prés à Paris, une foule d'autres monastères. L'effroi était si grand qu'on n'osait plus récolter. On vit les hommes mêler la terre à la farine. Les forêts s'épaissirent entre la Seine et la Loire. Une bande de trois cents loups (1) courut l'Aquitaine, sans que personne pût l'arrêter. Les bêtes fauves semblaient prendre possession de la France.

Que faisaient cependant les souverains de la contrée, les abbés, les évêques ? Ils fuyaient, emportant les ossemens des saints; impuissans comme leurs reliques, ils abandonnaient les peuples sans direction, sans asile. Tout au plus, ils envoyaient quelques serfs armés à Charles-le-Chauve, pour surveiller timidement la marche des barbares, négocier, mais de loin, avec eux, leur demander pour combien de livres d'argent, ils voudraient quitter telle province, ou rendre tel abbé captif. On paya un million et demi de notre monnaie pour la rançou de l'abbé de saint Denis (2).

Ces barbares désolèrent le Nord, tandis que des Sarrasins infestaient le midi (3); je ne donnerai

(1) Annal. Bertin. ann. 846.

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(2) Note des Editeurs des Historiens de France t. VII, p. 73. Le couvent se racheta lui-même plusieurs fois, et finit par être réduit en cendres. Annal. Bertin., ibid. 72. Chronic. Nortmanniæ, ibid. 53.

(3) Nulle part les incursions des Sarrasins dans le midi de la France, n'ont été énumérées et décrites avec plus de science et de talent que dans l'Histoire du Moyen-Age, de M. Desmichels, t. II (1831).

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