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cruel. Il ne put résister au plaisir d'annoncer les vengeances avant l'événement. Comme président du Directoire, il recevait en audience solennelle les députés de la République cisalpine; il imagina de dénoncer à ces étrangers, misérablement tributaires de la France, les Français les plus considérés par leurs talens ou leurs vertus. Le discours de ce président ressemblait à ces ordres du jour soldatesques où la majorité des deux Conseils était couverte d'outrages et d'imprécations. Ces deux Conseils avaient confié la surveillance de leurs dangers à deux commissions d'inspecteurs de la salle, et Pichegru en faisait partie. La plupart de ceux qui se croyaient menacés se rendaient à cette commission. Le nombre de ceux qui délibéraient gênait toute délibération et ne permettait plus de mesures secrètes. Il y fut souvent question, et surtout dans les derniers jours, de saisir l'offensive. On parla même, mais tout bas, de faire une attaque nocturne sur le Luxembourg; mais quels instrumens employer pour une telle expédition? quelques gardes nationaux, sans ralliement, sans armes ; quelques royalistes épars. Les scrupules constitutionnels de la plupart des députés n'auraient pas même per

mis d'appeler des Vendéens ou des Chouans comme auxiliaires. Quinze cents grenadiers, qui faisaient la garde des deux Conseils, inspiraient une trop juste défiance; le calme de Pichegru était imposant dans ces circonstances solennelles et lugubres. L'espoir de son parti ne reposait plus que sur l'autorité de son nom, et sur les grands souvenirs qu'il rappelait aux compagnons de ses victoires: il se présentait à la place d'une armée. Aussi arrivait-il le premier à la com⚫ mission des inspecteurs, et s'imposait-il le plus souvent le devoir d'y passer la nuit entière. « Le Directoire, lui dit le député Thi<<baudeau, vous accuse de trahison. On parle « d'une correspondance avec le prince de « Condé. - Demain, répondit le général avec << la plus parfaite sérénité, je monterai à la tri« bune, et mes premiers mots feront tomber «< cette calomnie. » C'était dans la nuit même du 17 au 18 fructidor que Pichegru tenait ce langage.

Les troupes qu'avait appelées Augereau n'étaient point encore entrées dans Paris. On prétend que Pichegru et le général Villot, son ami, insistaient encore pour marcher sur le Luxembourg; et qu'à l'aide de trois

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Journée du

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cents royalistes, ils se flattaient d'enlever les triumvirs; on ajoute que l'un des royalistes émigrés qui avaient offert le secours de leurs bras, vint avertir Barras du danger qui' menaçait le Directoire, et que Barras mit à profit l'avis du traître. Un fait certain, c'est que tout était préparé au Luxembourg pour le mouvement; que les proclamations étaient" imprimées, et que les troupes étaient en marche sur Paris.

A quatre heures du matin, le Directoire. 4 septembre. fait tirer le canon d'alarme sur le Pont-Neuf. Huit ou dix mille hommes de troupes en trent dans Paris en criant vive le Directoire! vive Augereau! s'emparent de tous les postes importans, et viennent cerner les deux Conseils. Le commandant des grenadiers du Corps-Législatif, Ramel, qui dans l'affaire de * la Villeurnois, avait joué un rôle fàcheux, montra dans cette occasion une honorable fidélité; il excita la troupe à résister. Mais les perfides grenadiers, presque tous vendus au Directoire, commencèrent par s'emparer de la personne de leur chef, et ouvrirent un libre passage aux troupes qui venaient saisit le général Pichegru. Pichegru se montra, et parut encore aux yeux des soldats tel qu'il

était au moment de les conduire à la victoire. Ils reculèrent en disant : « Nous ne pouvons mettre la main sur ce grand général ». On fut obligé d'appeler un autre détachement, auquel ses officiers ne laissèrent pas le temps de la réflexion. Pichegru fut arrêté avec douze de ses collègues Rovère, Pérée, Tupinier, Jarry, de la Métherie et Descourtils, du Conseil des Anciens; Pichegru, Villot, Delarue, Dauchy, Derumare, Fayolle et Bourdonde-l'Oise, du Conseil des Cinq-Cents; on les conduisit au Temple.

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La révolution était consommée. Paris ressemblait à une ville que l'ennemi vient de surprendre. De courageux députés firent effort pour entrer dans leur salle du conseil des Anciens et du conseil des Cinq-Cents; on fit sur eux une charge de cavalerie, et plusieurs furent arrêtés. M. Barthélemy l'avait été au Luxembourg, auprès de ses perfides collègues; Carnot avait eu le bonheur de s'échapper par une porte secrète. Les députés complices de ces indignes mesures, et ceux qui sans les connaître et sans les avouer n'étaient point regardés comme les ennemis du Directoire, avaient été invités à se réunir, par des lettres spéciales, les uns au théâtre de

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l'Odéon, les autres à l'École de Chirurgie, pour confirmer par un vote servile la proscription de leurs collègues. Les rues de Paris étaient tapissées de proclamations du Directoire, qui portaient en gros caractères : La trahison du général Pichegru et de plusieurs membres des deux Conseils. Le Directoire avait l'impudence d'annoncer que c'étaient les royalistes qui avaient engagé l'action, et que les avant-postes du Luxembourg avaient été attaqués pendant la nuit. Mensonge inouï, même dans les fastes de l'impudence révolutionnaire. Pour preuve de la trahison de Pichegru, le Directoire donnait des extraits obscurs et contournés de la correspondance de l'émigré d'Entragues. Pour preuve de la conspiration royaliste des deux Conseils, le Directoire livrait au public la déclaration de Duverne-du-Presle. Ainsi, c'était sur le témoignage d'un homme qui s'avouait traître, d'un homme condamné par jugement, que le Directoire accusait plus de trois cents membres des deux Conseils, quand le dénonciateur lui-même n'en nommait que deux, l'Émerer et de Mersan. Le génie de Fouquier-Thinville semblait renaître dans uné accusation de ce genre. Elle était appuyée

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