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de vigueur et de verve, avait obtenu un succès 1796. de parti, mais elle avait provoqué des critiques amères; il en eut le cœur ulcéré, et sa haine pour les rois, les prêtres et les grands ne connut plus de frein. Il prit une telle part à la journée du 10 août qu'il fut trouvé digne d'entrer dans la Convention. Quoique d'un caractère irascible et violent, il prit le parti de la neutralité entre les Girondins et leurs ennemis. On ne sait quelle passion ou quel calcul put lui suggérer un vote régicide; il en porta bientôt la peine; car la Convention lui décerna le rôle de panégyriste de Marat, et il le remplit. On lui commanda des discours ou des hymnes pour les fêtes hideuses de la révolution, il les fit avec docilité, mais vraisemblablement avec ennui, car on n'y trouve aucune étincelle de talent. Au théâtre, il donnait à ses tragédies une teinte uniforme d'un républicanisme philosophique, qui n'avait été celui d'aucune époque de l'antiquité; cependant on pouvait à divers traits reconnaître en lui l'intention d'arrêter l'instinct sanguinaire et barbare de ses collègues ; son style acquérait plus d'éclat et de fermeté. Plusieurs scènes de sa tragédie d'Henri VIII peuvent soutenir le parallèle avec celles qui

1796. ont élevé si haut la gloire de notre théâtre. Le choix qu'il fit de Timoléon pour sujet de l'une de ses tragédies fut malheureux. On lui reprocha d'avoir voulu intéresser pour un fratricide républicain, dans le moment où son frère était dénoncé aux bourreaux comme royaliste ; cependant ce fut cette même tragédie qui, attirant sur lui le courroux de Roberspierre et des autres décemvirs, le priva des moyens qui pouvaient lui rester encore de soustraire son frère à leurs coups. La représ sentation de cette pièce fut interdite avec un éclat qui annonçait la proscription prochaine de l'auteur. André Chénier fut conduit à l'échafaud, comme nous l'avons vu, deux jours avant la mort du tyran que son frère venait d'offenser. Peu de temps après le 9 thermidor, quoique Marie-Joseph Chénier eût concouru avec assez de zèle, aux suites heureuses de cette journée, un écrivain royaliste lui appliqua ce mot terrible : « Cain, qu'as-tu fait de «ton frère? » Cette accusation injuste perça le cœur de Chénier, et le soin de repousser cette calomnie fut un nouvel aiguillon pour son talent. Il eut recours aux armes de la` satire, et sut en user avec goût, avec esprit, et même avec une teinte d'originalité qu'on

remarquait moins dans ses autres productions. 1796. Depuis ce moment il occupa la tribune avec plus de succès et d'assiduité. Il était républicain parce qu'il ne lui restait plus que ce poste du désespoir. Il l'était avec fougue, avec amertume. Homme de lettres distingué, il devint un orateur habile, mais non un puissant orateur. Son élocution pure, brillante et caustique n'était point de l'éloquence; il n'est rien resté de ses discours, tandis que plusieurs beaux mouvemens de Vergniaud se retiennent avec la même facilité que de beaux vers. S

Comme tout l'office des partisans du Directoire était de défendre des lois d'une violence et d'une iniquité manifestes, ils étaient forcés de répéter un peu le langage des sinistres auteurs de ces lois; ils ne parlaient plus, qu'avec une passion amortie par le temps et décriée par ses effets. Aux plus simples notions de l'équité ils opposaient sans cesse la loi du salut public, et l'on voyait bien qu'elle n'était autre chose que la loi de leur propre salut.

Bien des gênes diverses arrêtaient les orateurs du parti modéré. Le plus grand obstacle à leur succès tenait à leur modération même ; car cette vertu était regardée par les révolutionnaires comme lâcheté ou comme perfidie, On

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1796. les accusait, non sans justice, de vouloir arriver à la monarchie par un système d'adroite temporisation. MM. Pastoret et Siméon, dans des discussions profondes, bien écrites et d'une parfaite lucidité, marchaient avec adresse et fermeté dans cette ligne qui avait été tracée dès le commencement de la révolution par MM. de Lalli, Mounier, Clermont-Tonnerre. Il leur était donné de ne soulever jamais trop vivement les passions du parti contraire. M. L'Émerer, orateur qui disparut trop tôt de la scène politique, avait moins de prudence. On croyait voir en lui un royaliste impatient d'arriver à son but. L'orage suivait presque toujours ses paroles. Le parti modéré trouvait un auxiliaire fidèle dans M. Boissi-d'Anglas ; le talent de M. Henri Larivière avait fait des progrès remarquables à mesure qu'il s'af-. fermissait dans les principes monarchiques, il plaisait à la tribune par l'expression d'un cœur loyal et d'un esprit vif et franc. Ce qui étonnait le plus, c'était de voir trois Conventionnels, souillés du vote régicide, appuyer maintenant ce parti modéré : c'étaient Thibaudeau, Rovère et Bourdon de l'Oise. Le premier ne s'était fait remarquer que depuis le 9 thermidor ; c'était lui qui avait le plus arrêté les suites

de la victoire remportée par la Convention 1796. dans la journée du 13 vendémiaire; il se piquait d'indépendance. Rovère suivait la voie du repentir. Bourdon de l'Oise, qui périt avec lui dans les déserts de la Guyane, mérite par la cause de son malheur l'interprétation la plus favorable de sa nouvelle conduite.

C'était au Conseil des Anciens que le parti modéré balançait de plus près la victoire. L'orateur qui lui donnait le plus et de lustre et de poids, M. Portalis, était presque entièrement privé du sens de la vue. C'était un esprit où le don de la grâce et celui de la force, l'art d'émouvoir et la puissance de la démonstration se combinaient avec une parfaite harmonie. Long-temps avocat au parlement d'Aix, il s'était tiré avec honneur de la lutte la plus difficile, en défendant, dans un procès de séparation, madame de Mirabeau contre son mari, contre cet orateur habile, véhément, passionné, qui plaidant pour lui-même, avait à défendre ses scandaleuses infidélités, ses emportemens et les désordres éclatans de sa vie. Le tonnant orateur fut vaincu par l'éloquence tempérée et persuasive de Portalis. La révolution, qui mettait en lumière tous les talens pernicieux, réduisit au silence ce

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