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1797.

lait en lui le talent de l'ironie, et dont tous les traits portaient sur le parti modéré. *

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Voici sur ce sujet un passage assez curieux et assez important des Mémoires de Thibaudeau. Il faut le lire avec quelque défiance, soit parce qu'un ressentiment assez vif s'y laisse sentir, soit parce qu'il arrive assez souvent que celui qui rapporte une conversation où il a figuré se réserve d'y jouer le plus beau rôle.

« La diversité des opinions, qui dans les temps calmes fait le charme de la société, et qui dans les temps de révolution la rend insupportable, m'avait un peu éloigné de madame de Staël; elle me rechercha lorsqu'elle sut que la commission à laquelle le Conseil avait renvoyé le dernier message du Directoire, m'avait nommé rapporteur. Elle m'écrivit qu'elle désirait me voir pour un service important que je pouvais lui rendre. J'allai chez elle; elle me parla d'une pétition de M. Duportail, qui avait été renvoyée à une commission dont j'étais membre. Il demandait une exception aux lois sur les émigrés. Madame de Staël prenait un vif intérêt à cette pétition; mais je m'aperçus bientôt que ce n'était là qu'un prétexte; en effet, après quelques circonlocutions, elle amena la conversation sur les dangers qui menaçaient la liberté, et me dit que j'étais l'homme qui pouvait dans ce moment rendre le plus de services à la République, et qu'elle m'engageait instamment à avoir une entrevue avec Benjamin Constant. Il y a des antipathies qu'on ne peut expliquer; j'en avais une déclarée contre lui, et je lui trouvais un ton

Le triumvirat directorial se sentait gêné 1797. le d'état révolutionnaire qu'il vou- du ministère.

pour coup

dogmatique et tranchant. Talleyrand m'apparaissait derrière le rideau, mettant en avant les machines. Je n'avais nulle confiance dans le républicanisme dont il faisait parade, et je me sentais un grand dégoût pour ses intrigues. Cependant, comme cette avant-garde du Directoire avait de l'esprit et du talent, et que les circonstances étaient imminentes, je pensai qu'il pourrait être utile de savoir ce qu'on voulait dans l'un des camps ennemis dont nous étions entourés ; je surmontai ma répugnance, et j'acceptai un dîner chez madame de Staël avec Benjamin Constant. Il eut lieu le 26 thermidor; nous n'étions que tous trois ; ils me dirent: « La majorité du Corps-Législatif est royaliste, il y a cent quatre-vingt-dix députés qui ont contracté l'engagement de rétablir le prétendant <«< sur le trône; la majorité du Conseil des Anciens << veut transférer le Corps-Législatif à Rouen, à cause « de sa proximité du théâtre de la chouannerie, mais « le Directoire ne quittera point Paris, et il y restera «< cent trente députés fidèles. Le Directoire doit être «< désormais le seul point de ralliement des républi«< cains. Ce sont les attaques des royalistes qui out inspiré de la frayeur au Directoire, et la frayeur a «< amené ces mesures hostiles. On ne peut pas dans « l'état actuel des choses attendre à l'année prochaine, << le nouveau tiers sera encore pire que le dernier « nommé ; il n'y aura plus de Conventionnels, et la « contre-révolution se fera toute seule. Portalis lui

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Changement

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lait frapper, par quelques uns de ses propres ministres. Cochon-l'Apparent, malgré son

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même, interrogé sur la question de savoir s'il vou« lait l'an prochain garantir de l'échafaud le Directoire, a répondu franchement: Non. Le Directoire << ne peut donc plus compter encore que sur la minorité des Conseils. S'il est obligé d'en venir à une at

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taque, elle tournera au profit des terroriste s. Pour « éviter cette attaque, et ramener le Directoire, il «faut donc former une majorité républicaine dans <«<les Conseils ; pour celui des Cinq-Cents, cela dépend "tout-à-fait de vous. Ralliez-vous avec vos amis à la minorité, à Debry, Ghazal, Chénier, etc. Vous êtes « dans une fausse position, vous donnez la majorité « tantôt à un parti, tantôt à l'autre ; fixez cette majorité du côté du Directoire !

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Je leur répondis: « Je ne peux pas contester qu'il n'y ait un parti royaliste dans les Conseils, mais je << suis loin de croire qu'il y soit en majorité, et vous «ne pouvez sérieusement le penser vous-mêmes ; car << dans ce cas comment espéreriez-vous qu'on parvînt « à y former une majorité républicaine? Si l'on com«< pare nos discours actuels à ceux de 1793 ou même de l'an III, on trouve qu'en effet nous avons changé « de langage. Mais les temps sont aussi changés, et « toutes les habitudes révolutionnaires doivent céder à peu au régime constitutionnel. La nature des choses et l'opinion nous le commandent. Lorsque le Corps-Législatif s'y soumet par honneur et par de« voir, le Directoire s'obstine à rester stationnaire. Il

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vote régicide, et malgré le piége qu'il avait fait tendre à d'imprudens royalistes, lui était sus

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« ne veut pas avancer avec nous, et nous ne pouvons << pas reculer vers lui. C'est cette mésintelligence qui « fait toute l'importance du parti royaliste. Si le peuple le craint plus que le retour de la terreur, il n'en pas ainsi des propriétaires. Voilà ce qui donne à << la France une couleur de royalisme, que réellement elle n'a pas. Il faut, pour attacher la nation à la République, qu'elle se présente avec les formes d'un « gouvernement régulier. Nous ne voulons point de clergé, mais nous ne voulons pas persécuter les prêtres ni tourmenter les consciences. Nous ne vou<«<lons point rappeler les émigrés qui ont armé l'Eu« rope contre leur patrie, mais nous ne voulons prolonger l'injuste proscription des fabricans,

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pas

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« vriers et cultivateurs, que la terreur a chassés des départemens du Midi, du Rhin et de Lyon. Nous « ne nous opposons point aux victoires des armées, << mais nous désirons savoir où s'arrêteront les conquêtes, et nous ne pouvons consentir à la continua« tion d'une guerre dont on n'aperçoit ni le terme ni «<le but. Si nous nous traînions dans cet état de divi«sion intestine jusqu'aux prochaines élections, il est « certain qu'elles seraient mauvaises. Mais si les hom«< mes qui sont faits pour s'entendre voulaient se « réunir de bonne foi, les royalistes seraient conspués. Le Directoire a tort de s'alarmer d'avance de la sortie du dernier tiers des Conventionnels, car

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1797. pect, parce qu'il avait été nommé avec éloge par le crédule la Villeurnois. Le ministre

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« s'il en est beaucoup de fidèles à la République, il y
« en a aussi que la haine aveugle assez sur leurs pro-
« pres intérêts, pour les jeter du côté du royalisme.
J'ai plus de confiance en Portalis, Siméon, Tronçon-
Ducoudray, Emmery, etc., qu'en Henri Larivière,
Delahaye et même Boissi d'Anglas, etc. Les Con-
ventionnels ne peuvent pas toujours régner exclu-
sivement, et il faut bien se préparer à voir le gou-
« vernement passer dans d'autres mains. S'il y a cent
quatre-vingt-dix députés qui ont trahila République,
qu'on m'en donne la preuve, je me charge de les
« accuser, et je m'engage à les faire arrêter séance
«<tenante. La peur est un mauvais conseiller, il y en a
« encore plus à Clichy qu'au petit Luxembourg. Les
«< choses ne me paraissent pas désespérées, mais il
faut
y apporter un prompt remède. Si le Directoire
veut adopter un plan de conduite concerté avec les
Constitutionnels, je lui réponds d'une immense
majorité dans les Conseils. Je ne me jetterai point
<< avec lui dans une nouvelle révolution, j'aime mieux
être victime de mon respect pour la constitution.
« Je ne me dissimule point les dangers de ma propre
<< situation, cependant je la trouve la seule honorable.
« Le Directoire peut décimer la représentation natio-
<«< nale, mais il portera un coup mortel à la République
<< et à lui-même.

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Mais enfin, dit madame de Staël, si la majorité

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