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vaient jamais manqué d'être l'indice d'une proscription prochaine. L'arrière-ban des philosophes prit parti contre un discours où la philosophie du dix-huitième siècle était re-présentée comme l'imprudente mère de la révolution. M. Royer-Collard prononça sur le même sujet, mais sans attirer autant d'anathèmes, un discours où commençait à briller un talent qui devait après un long intervalle reparaître à la tribune avec plus d'éclat et surtout avec plus de force.

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madame de

Tandis que le Directoire méditait un coup Médiation ind'état qui allait soumettre au glaive du soldat fructueuse de la constitution dont il était le gardien, une Staël.. femme illustre s'engageait imprudemment dans une médiation entre deux partis irréconciliables : c'était la fille de M. Necker, c'était l'épouse de l'ambassadeur de Suède. J'ignore quelles instructions le duc de Sudermanie, régent de ce royaume, avait données au baron de Staël; mais il est certain que ce Suédois, d'un caractère aimable et peut-être trop facile, montrait pour le Directoire une déférence fort empressée. Déjà même à l'époque du 13 vendémiaire il avait manifesté avec un éclat indiscret, et presque puéril, son inté

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rêt pour la Convention menacée sa femme alors était loin de partager son zèle pour une telle cause. Après la victoire, et lorsqu'on parlait de proscrire, elle fut accusée à la tribune d'avoir dirigé le mouvement des sections de Paris. Ce genre de reproche était peu mérité. Quoique madame de Staël se fût assez fortement prononcée contre les décrets qui allaient prolonger le règne des Conventionnels, elle avait beaucoup dissuadé les chefs des sections de tenter le sort des armes. Une sollicitude du même genre l'avait sans doute émue à l'approche du conflit inégal qui allait s'engager. Son salon fut ouvert aux hommes les plus habitués à se combattre violemment à la tribune; elle espérait les calmer en les subjugant par son éloquence. Ses ou-> vrages, où règne un mouvement si vifavec des pensées si fortes, ne donneraient qu'une idée incomplète de sa conversation. C'était un continuel prodige d'esprit, de véhémence et de grâces. Le feu, la douceur et la beauté de ses yeux servaient pour elle de supplément à la beauté. On ne pouvait l'accuser ni de fausseté ni d'artifice; qu'elle s'abandonnât à de vives saillies ou à des éclats subits d'élo-,

quence, elle semblait maîtrisée par la force
de ses impressions. Eh bien! avec des dons
si divers et si éblouissans, elle n'arriva qu'à
rendre plus vives les haines qu'elle voulait
éteindre. Ce qui fit surtout son mauvais succès,
c'est que sa médiation devint bientôt suspecte
de partialité pour le Directoire. Sans doute,
en appelant autour d'elle et dans un cercle
brillant des Conventionnels qui se présen-
taient encore sinon avec la férocité révolu-
tionnaire, du moins avec la rudesse des clubs,
elle avait espéré leur inspirer la politesse
des manières, la délicatesse des mœurs, les
ramener à des sentimens plus humains ou
les y retenir avec plus d'attrait, mais elle
fit peu
de conversions remarquables; elle
seule était à son aise au milieu d'un cercle
embarrassé et discordant. Tandis qu'elle
s'obstinait à une conciliation chimérique,
tandis que pour en aplanir les difficultés
elle faisait quelque sacrifice des droits du plus
faible aux brutales exigences du plus fort,
les révolutionnaires s'étonnaient d'être défen-
dus
par
elle, et les royalistes se plaignaient
d'en être abandonnés. La scène devenait plus
orageuse, lorsqu'un esprit aussi peu façonné

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que Legendre, ou un esprit amer et hautain tel que Chénier s'emparait de quelque concessions faites par madame de Staël à leur parti. Ils s'en prévalaient avec si peu de ménagement et y joignaient de si rudes commentaires, qu'ils provoquaient chez les hommes les plus pacifiques des répliques emportées. On sortait avec fureur de ces entretiens concilians ; chacun avait cru lire dans les yeux de son voisin l'arrêt de sa proscription prochaine.

L'ambition de madame de Staël était alors de faire nommer au ministère des affaires étrangères l'un de ses plus anciens amis, M. de Talleyrand. Elle avait eu recours à la voix et au puissant crédit de Chénier pour le faire rayer de la liste des émigrés; mais il n'y avait qu'un caractère ardent comme celui de madame de Staël qui pût entreprendre de faire confier par le Directoire un portefeuille à un émigré, à un homme d'un grand nom, à un ancien évêque. Je parle ici d'un personnage illustre qui a rendu les services les plus signalés à la restauration de la monarchie française, et je le rencontre dans une direction qui ne fait pressentir en rien ses heureux et puissans

efforts dans les années 1814 et 1815. Je dirai seulement, comme sans doute il le dira luimême dans ses mémoires, qu'il prenait mal son temps pour être ministre. Mais madame de Staël s'imaginait qu'un tel choix serait agréable au parti modéré, et pourrait calmer les défiances envers le Directoire. D'un autre côté elle s'efforçait de persuader à Barras, né gentilhomme, et qui n'avait nul dédain philosophique pour un tel avantage, combien il lui convenait d'appeler autour de lui un homme d'une haute illustration. Bonaparte était aussi né dans cette caste proscrite, et qui pouvait songer maintenant à le lui reprocher? Madame de Staël rêvait à une triple alliance de Barras, de Bonaparte et de Talleyrand; et quelle gloire pour elle si elle était le génie secret dont ces trois hommes recevaient l'impulsion! Elle ne savait pas encore combien il était difficile de dominer Bonaparte et même M. de Talleyrand. Quoi qu'il en soit, Barras et bientôt après Rewbell et La Réveillère crurent devoir acheter l'appui d'une personne aussi distinguée que madame de Staël, par l'élévation de son ami. M. Benjamin Constant, autre ami de madame de Staël, avait préparé le succès de cette transaction par une brochure qui révé

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