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1797. furent conduits en prison au nombre de cinquante-trois.

Bientôt le Directoire les accusa d'avoir médité une descente semblable à celle de Quiberon; il ordonna qu'ils fussent assimilés à des émigrés pris les armes à la main, et jugés par une commission; mais il ne put trouver de militaires qui voulussent se rendre les ministres d'une si lâche et si atroce cruauté. Le jugement déclara qu'ils ne pouvaient être considérés comme ayant été pris les armes à la main, chacun d'eux était renvoyé devant le tribunal de son département. Les Directeurs et le ministre de la justice, Merlin de Douai, mirent tout en usage pour faire casser ce jugement, quoiqu'il fût sans appel. Ils s'adressèrent aux deux Conseils pour appeler la mort sur les victimes du naufrage ce fut dans cette occasion que M. Portalis prononça un de ses plus éloquens discours; j'aurais voulu en citer quelques fragmens, mais trop d'événemens viennent ici presser la marche de l'historien. Les deux Conseils ordonnèrent que les naufragés fussent renvoyés et réembarqués. Qu'on ne s'attende pas à les voir libres encore; le barbare Directoire tient pour non avenue la décision des Con

seils, et regrette toujours de n'avoir pu donner l'exemple d'un supplice infligé à des victimes du naufrage; il les tient étroitement resserrés dans diverses prisons. Suivons le sort de ces émigrés. Dès que la journée du 18 fructidor eut permis au Directoire d'assouvir toutes ses cruautés, il se souvint des naufragés de Calais, et demanda aux serviles Conseils, décimés par la déportation, cette permission tant désirée de faire fusiller MM. de Choiseul, de Montmorency, de Vibraye, et leurs cinquante compagnons; le Conseil des Cinq-Cents voulut bien donner cette satisfaction au Directoire, celui des Anciens s'y opposa. Les Directeurs persistèrent à garder leurs captifs, et Bonaparte eut le bonheur de signaler son avénement au pouvoir en mettant fin à une si longue barbarie les naufragés purent se rembarquer; ils avaient langui quatre ans dans les prisons de France, bientôt il leur fut permis de séjourner dans leur patrie.

Je reviens aux débats des Conseils.

On avait signalé comme un délit contrerévolutionnaire un hommage rendu à la mémoire de l'illustre auteur du canal de Languedoc. Portalis avait voulu qu'une propriété

1797.

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Effet produit par un

dan sur le

culte.

si glorieusement acquise demeurát à la famille Caraman.

Mais de tous les orateurs celui qui excita discours de le plus de tempêtes, ce fut Camille Jordan Camille Jor- dans son rapport sur le culte. Ce jeune député s'annonçait avec une rare maturité de talent. Les malheurs de Lyon, sa patrie, la part qu'il avait eue à l'héroïque défense de cette ville, avaient beaucoup accru l'énergie de son âme; mais ce qui dominait en lui, c'était un fonds de bienveillance qui prêtait à ses discours un charme persuatif. Nous l'avons vu dans les jours de la restauration, et lorsqu'il touchait à une mort prématurée, prendre pour la cause de la liberté des ombrages irréfléchis. Peut-on présumer que dans la jeunesse il fut insensible à cette passion? Mais la liberté sans la religion ne lui paraissait qu'une désastreuse chimère. Il avait conçu le projet d'attaquer dans toutes ses bases ce système de persécution qu'on avait fait sortir de la tolérance philosophique : pour penser en homme d'état, il ne craignait point de penser en chrétien. Organe d'une commission qui voulait renverser tout une législation barbare, il eut à retracer l'histoire de tous ces décrets qui commencèrent par la vente des

biens du clergé, pour finir par le culte de la raison. Il parlait devant une partie de ceux qui les avaient rendus, et il paya le tribut d'une pitié et d'une admiration courageuse à la mémoire de tous les prêtres martyrs. Il regretta tant de solennités augustes et touchantes, dont l'abolition laissait un vide affreux et dans le corps social et dans la vie de l'homme. Le serment exigé pour la constitution civile du clergé était devenu la plus complète absurdité, depuis que l'on ne reconnaissait plus de clergé, ni d'église, ni de culte. Dans le trop petit nombre de mois où la Convention commençait à faire quelques pas rétrogrades vers le bien, on avait supprimé le serment; mais on l'avait remplacé par une déclaration imposée à tous ces ministres du culte, et ils étaient tenus de reconnaître que toutes les institutions doivent émaner de la souveraineté du peuple, et de jurer haine à la royauté. Les prêtres se refusaient, pour la plupart, à une déclaration condamnée par leurs supérieurs, et qui répugnait à leur conscience; la persécution s'armait contre eux d'un nouveau refus, qui semblait provenir d'une haine invétérée contre la République. Camille Jordan voulait les af

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franchir de cette déclaration; il ne concevait pas qu'en faisant de la religion une affaire privée et complétement indifférente à l'État, on pût encore considérer les prêtres comme fonctionnaires publics. Il lui tardait cependant que la religion fût dégagée d'une existence équivoque, et en quelque sorte clandestine ; il ne pouvait souffrir que la République, après avoir ravi au clergé une dotation magnifique, le laissât livré aux horreurs de l'indigence. Sans insister encore sur ces voeux, l'orateur appuyait d'une éloquence pleine de douceur et de raison, les réclamations pressantes et continues du peuple des campagnes, qui redemandait les cloches comme un signal de la prière et de ses plus touchantes réunions. Ce rapport était écrit avec tant de force et de netteté, que les vieux Conventionnels en l'écoutant ne montrèrent d'abord qu'une fureur concentrée ; mais le chapitre des cloches excita leur hilarité sinistre; ils crurent saisir une occasion favorable pour étouffer sous le ridicule une des productions législatives les plus distinguées qui eussent relevé l'honneur de la tribune française. Ce rapport fut voué pour long-temps à ces turlupinades révolutionnaires qui n'a

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