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gueux, qui, par les assassinats du Midi, avaient préludé à des violences dont tous les républicains, dont leurs propres collègues et même les Directeurs seraient bientôt victimes. Le peuple n'en fut point ému, mais ces cris répétés dans les journaux républicains, et confirmés par des missives secrètes du Directoire, retentissaient bientôt dans les armées. Par l'effet de l'armistice de Léoben, elles étaient inactives. Les chefs attendaient à la paix la récompense de leurs exploits, les officiers et sous-officiers craignaient d'être compris dans la réforme. Les soldats s'entretenaient d'un milliard qu'un décret de la Convention leur avait promis à la paix générale, et déjà se voyaient propriétaires de champs qu'ils tiendraient de la République. Les loisirs des camps étaient agités et ne ressemblaient que trop au tumulte des clubs; c'était surtout dans les repas de corps qu'on éclatait contre les deux Conseils. On y assaillait la société de Clichy tantôt de quolibets militaires, tantôt d'imprécations auxquelles des sabres levés donnaient un terrible effet. Deux hommes tels que le général Bonaparte et le général Hoche, qui ne lui cédait guère en ambition, ne s'étudiaient pas beaucoup,

1797.

1797.

comme on peut le croire, à graver dans le
cœur des soldats une profonde vénération
pour les assemblées délibérantes; tous les ma-
gistrats civils, quel que fût ou leur républi-
canisme ou leur puissance, étaient eux-mêmes
livrés aux sarcasmes de ces hommes ardens,
enivrés de leur gloire, qui n'avaient vu au-de-
dans que crimes, que massacres, tandis qu'au-
dehors ils avaient rappelé par leurs succès
les plus glorieuses époques de l'histoire. Ce-
pendant le triumvirat directorial était décidé, -
même avant d'engager le combat contre les
deux Conseils, à tirer des armées ses moyens
de victoire. Les gardiens d'une constitu-
tion républicaine ouvraient ainsi les voies
à ce régime militaire qui ne veut que
promptitude et qu'obéissance passive. Dans
leur haine imprévoyante ils n'envisageaient
que le triomphe d'un jour. Rewbell se char-
geait de tenir tête aux généraux, qu'il ferait
servir à ses desseins : c'était sur les artifices
de cet esprit étroit et opiniâtre qu'allait re-
poser toute la durée du régime civil en
France. Le Directoire, qui portait toutes ses
pensées vers un nouveau supplément de révo-
lution, se plaisait a être attaqué, et rien ne
lui était plus importun que la modération

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de quelques uns de ses adversaires. Il avait soin de les faire harceler par un nouveau club qu'il venait d'établir sous le nom de Cercle constitutionnel; il avait su y amener des hommes d'un esprit adroit, également exercés à l'intrigue et au sophisme, et qui jusque-là ne s'étaient fait connaître par aucun genre de violence. Le républicanisme de plusieurs était assez équivoque, et devait bientôt se démentir avec éclat. Ils affectaient pour la plupart de vénérer la mémoire de Guadet, de Vergniaud, de Brissot, de Condorcet et des autres victimes du 31 mai; cependant ils ne disaient on n'écrivaient rien qui n'appelât une proscription aussi terrible sur la majorité des deux Conseils.

1797.

Le Directoire avait déjà choisi les hommes Vifs débats. qu'il devait traiter en coupables, il ne s'agissait plus que de leur trouver des crimes: rien n'était plus facile. La plus simple de ces réclamations que l'équité naturelle arrache, devenait un délit contre une révolution qui, invoquant toujours les Droits de l'Homme et les vœux de la philosophie, ne se fondait que sur le meurtre et la rapine. Pastoret, Siméon, l'Émerer, Tronçon - Ducoudray et surtout Portalis s'étaient déjà rendus coupables du

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Les naufragés de Calais.

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crime de contre- révolution, parce qu'ils avaient voulu préserver leur pays des barbares usages de la Tauride, en s'opposant à ce que les victimes d'un naufrage fussent livrées au supplice.

Je dois m'arrêter un moment pour citer cet exemple de la barbarie révolutionnaire. Un malheur constant s'attachait aux pas de M. le comte de Choiseul depuis qu'il avait ' éprouvé le plus affreux de tous, celui de n'avoir pas vu le succès de la fuite du Roi à Varennes dans l'année 1795; il fut pris sur un paquebot anglais avec M. le comte Charles de Damas **, M. de Floirac ***, les comtes de Vaahl père et fils, et plusieurs autres passagers; on voulut leur appliquer la loi qui condamnait à la mort les émigrés pris les armes à la main après beaucoup de menaces, tortures, et une longue détention, MM. de Damas et de Choiseul parvinrent à s'échapper; il serait trop long de suivre la destinée des autres, ils ont survécu à ce malheureux événement.

:

de

M. le comte de Choiseul revenu en Angle

**

* Aujourd'hui duc de Choiseul, pair de France.
Aujourd'hui duc de Damas, pair de France.
*** Actuellement député et préfet.

terre forma la résolution de partir pour les Indes avec un corps qui était sous ses ordres et d'aller combattre Tippo-Saeb. Le chevalier de Montmorency, le comte de Vibraye ** et plusieurs autres personnages distingués faisaient partie de cette expédition. Ils s'embarquèrent à Stade sur des bâtimens neutres; dans la nuit du 13 au 14 novembre une affreuse tempête dispersa la flotte et porta plusieurs bâtimens vers Calais ; celui que montait M. de Choiseul toucha et fut brisé en pièces; il prit le parti de se jeter à la mer avec MM. de Montmorency et de Vibraye, et de gagner un rivage si dangereux pour des émigrés : ils purent y atteindre. Cinquante de leurs malheureux compagnons y furent aussi portés ; un plus grand nombre avait abordé; mais quatre jeunes émigrés en prévoyant ce qu'ils devaient attendre de l'hospitalité des républicains, voulurent mourir ensemble, et s'engloutirent dans les flots. Les habitans de Calais donnèrent les plus tendres soins à ces malheureux Français ; ils les conjuraient de ne pas se nommer

la feinte leur parut inutile; ils

* Depuis comte de Thiébaut de Montmorency, mort à Montgeron en 1821.

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