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si près son honneur et celui de son souverain. Enfin nous exigeâmes de lui la promesse de détacher un officier et six hussards, pour accompagner le major Harrant et deux hussards de Bade sur le grand chemin de Plitterdorf. En attendant, il était arrivé plusieurs fuyards échappés du champ de carnage, qui confirmèrent qu'en effet les trois ministres français avaient été assassinés par des hussards de Szeckler. Le meurtre de Bonnier fut rapporté par un témoin oculaire, le porte-flambeau.

Quand M. de Harrant déclara aux hussards que les carrosses devaient être reconduits à la ville, ils ne voulurent pas d'abord s'y prêter, soutenant que ces carrosses étaient leur butin. Ce ne fut que moyennant les plus fortes menaces, et après que M. de Harrant leur eut déclaré qu'en sa qualité d'officier le commandement et la disposition des voitures lui appartenaient exclusivement, qu'il parvint à les faire désister de leur projet.

M. de Harrant trouva les cadavres de Bonnier et de Roberjot par terre, horriblement maltraités. Ne trouvant pas le corps de Jean Debry, il se donna toutes les peines imaginables pour le découvrir. Il proposa même de faire des recherches dans les bois, et de demander pour cet effet une escorte de quelques hussards autrichiens, qui se joindraient à lui et aux deux hussards dont il était accompagné; mais cette escorte lui fut refusée sous prétexte qu'on pourrait aisément rencontrer

d'autres patrouilles autrichiennes, et que dans l'obscurité de la nuit on courrait risque d'en être attaqué. M. de Harrant fut donc obligé de remettre l'exécution de son dessein jusqu'au jour, et ramena, en attendant, les carrosses dans la ville.

Les épouses de Jean Debry et de Roberjot, les filles du premier, les secrétaires et les domestiques s'y trouvaient. Aucun d'eux n'était blessé, plusieurs avaient été dépouillés cependant de leur argent, montres, etc., il n'y avait eu que les trois ministres qui eussent été attaqués par les meurtriers. Les carrosses arrêtèrent devant le château; chacun s'empressait d'approcher les infortunés qui y étaient, afin de leur porter des secours; mais on écarta tout le monde indistinctement, même les plus considérés des ministres, parce que nul officier n'étant présent, il fallait auparavant attendre, des ordres.

Enfin on obtint de pouvoir porter, dans les appartemens de M. Jacobi, ministre du roi de Prusse, madame Roberjot, étendue demi-morte dans la voiture qui arrêtait devant la porte de ce ministre. Madame Debry, ainsi que ses deux filles, furent obligées de descendre de leurs voitures dans la rue, parce que jamais on ne voulut permettre que les voitures entrassent dans les cours du châ

teau.

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On apprit les détails de l'assassinat de Roberjot par son valet de chambre, qui avait été dans la

même voiture; il déposa que des hussards s'étaient présentés à la portière, qu'ils en avaient brisé les glaces, et demandé, Ministre Roberjot? sur quoi celui-ci avait répondu en français, Oui, en produisant en même temps le passe-port de l'envoyé directorial de Mayence; que les hussards avaient déchiré ce passe-port; qu'ils avaient fait sortir de force le ministre de sa voiture, et lui avaient porté plusieurs coups très violens ; que l'infortuné ayant donné cependant quelques signes de vie, et sa femme ayant crié, Oh! sauvez, sauvez !.... les hussards avaient redoublé leurs coups; que madame Roberjot s'était élancée sur le corps de son mari, mais que lui valet de chambre, l'avait saisie fortement dans ses bras, lui bouchant les oreilles et empêchant qu'elle entendît les cruels gémissemens du mourant ; que lui, valet de chambre, avait été jeté hors de la voiture par un hussard qui lui avait demandé, Domestique? et ayant répondu affirmativement, le hussard lui avait donné à entendre par signes qu'il n'avait rien à craindre; que néanmoins il s'était saisi de sa montre et de sa bourse; que la même chose était arrivée à madame Roberjot. Cependant plusieurs d'entre nous ont remarqué que la voiture n'avait pas été pillée entièrement, mais qu'on avait laissé de l'argent et des effets précieux. Lorsque madame Roberjot quitta sa voiture elle tomba en défaillance, s'écriant, à plusieurs reprises, avec une voix

déchirante « On l'a haché devant mes yeux ! » Le secrétaire de la légation, Rosenthiel, qui se trouvait dans une des voitures, et par conséquent près de la ville, s'est vraisemblablement sauvé par les jardins dès le commencement de l'affaire. On le trouva dans le logement du ministre de Bade, dans un état de délire. Quelques uns d'entre nous se rendirent auprès du capitaine des hussards autrichiens, pour le solliciter d'accorder une escorte au major de Harrant, qui, accompagné de quelques hussards de Bade, voulait aller à la recherche de Jean Debry. Le comte de Solms de Lanbach s'offrit à l'accompagner, afin d'appeler le ministre français, qui connaissait sa voix, par son nom; le, capitaine accorda l'escorte; ils n'eurent pas la satisfaction de trouver le ministre Jean Debry; mais ils apprirent quelques circonstances absolument nécessaires à l'éclaircissement du fait; les voici: Le major de Harrant s'étant adressé au bailli de Rheinau pour obtenir des renseignemens sur le compte du ministre absent, le bailli lui apprit que des hussards impériaux avaient déjà fait des perquisitions relatives à un Français blessé et fuyant, et dont la découverte leur importait infiniment; qu'ils avaient fortement recommandé qu'au cas qu'on trouvât un Français ressemblant au signalement qu'ils lui donnèrent, de bien se donner de garde de le reconduire à Rastadt, mais de le faire passer en dehors de la ville, et de le leur mener

à Muckensturm par un chemin désigné, ou bien qu'on devait simplement le garder soigneusement, et leur en donner connaissance.

A sept heures du matin, le ministre Jean Debry se rendit dans la maison du ministre prussien de Görtz. Son apparition causa d'autant plus de joie à ceux qui se trouvèrent présens, que l'état dans lequel il se trouvait leur inspirait d'intérêt ; ils furent témoins des premiers épanchemens de sa joie et de sa reconnaissance envers Dieu, lorsqu'il apprit que sa femme et ses filles étaient encore sauvées. Ses babits étaient déchirés ; il était blessé au bras gauche, à l'épaule et au nez. Sa perruque et son chapeau l'avaient garanti d'un coup de sabre sur la tête, de manière qu'il n'avait qu'une contusion, on lui administra tout de suite les secours nécessaires; on entendit le récit touchant de la manière miraculeuse dont il avait été sauvé.

Un hussard lui avait demandé en français, Es-tu le ministre Jean Debry; à quoi il avait répondu par l'affirmative, en produisant son passe-port, qui fut déchiré; lui ainsi que sa femme et ses filles furent arrachés de leur voiture, et on frappa sur lui: il fut jeté dans un fossé qui bordait le grand chemin. Il eut la présence d'esprit de contrefaire le mort, et il se laissa dépouiller, c'est ce qui le sauva. Lorsque les hussards furent éloignés, il se leva et courut vers le bois. Ne voulant pas se jeter par terre à cause de la pluie qui tombait, ilgrimpa

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