Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

ment qui paraissait consommé et dont Paris s'entretenait depuis une heure, sûrs de la défection de deux de leurs collègues et de tous leurs ministres, ils voulaient prendre des mesures et ne savaient plus à qui signifier des ordres. Gohier parlait d'aller protester dans les deux Conseils, et promettait de se faire écouter au moins de celui des Cinq-Cents. Moulins parlait d'aller soulever le faubourg Saint-Antoine avec son vieux compagnon Santerre. Barras ne montrait qu'un flegme apathique, il craignait d'exciter la colère de celui dont il avait commencé et long-temps conduit la fortune. Dans un si grand péril, aucun de ses amis ne venait le trouver; enfin son secrétaire Bottot lui amène M. de Talleyrand et l'amiral Bruix; tous trois lui apportent un ordre impérieux de Bonaparte, c'est sa démission que l'amitié lui demande. A ce prix il pourra jouir de la vie la plus brillante et la plus fortunée; déjà on l'invite, on le presse d'en aller goûter les premières délices dans sa magnifique terre de Gros-Bois, et le général a poussé la prévenance jusqu'à lui envoyer une garde d'honneur pour l'y accompagner. Barras, qui se voit destitué de tout appui militaire, signe et part. Fouché venait de s'acquit

1799.

1799.

ter un peu tard de son emploi de ministre de la police, en apportant aux Directeurs le décret du Conseil des Anciens; il leur donnait avec beaucoup de légèreté des conseils de résignation; et son premier acte, après les avoir salués, fut de publier une proclamation qui faisait pressentir la dictature du général. Moulins et Gohier se rendirent au Conseil des Anciens pour y chercher leurs deux collègues déserteurs. Ici M. Gohier place dans ses Mémoires le détail de leur entrevue soit avec Syeyès, soit avec d'autres députés conjurés; elle nous a paru fort inutile à l'histoire; mais on peut en induire que les deux Directeurs étaient résolus à résister, ou du moins à protester jusqu'à la fin. Quand ils rentrèrent au Luxembourg, ils se trouvèrent captifs de Bonaparte; c'était au général Moreau que Bonaparte avait confié le soin de les surveiller. Et cette mission fut si sévèrement remplie, qu'aucun de leurs messages ne parvint aux deux Conseils. Celui des Cinq-Cents ne manifesta dans cette première journée qu'une morne stupeur; les députés ajournèrent leurs séances pour se rendre le lendemain à SaintCloud, mais ils passèrent le reste du jour et la nuit entière à se concerter sur les rôles qu'ils

[ocr errors]

auraient à jouer dans une séance mémorable. Leur fureur s'accrut tellement dans ces conciliabules, qu'ils se crurent autant de Brutus, de Cassius, de Cimber, destinés à délivrer leur patrie d'un nouveau César.

Bonaparte avait pris confiance dans la soumission apparente du conseil des Cinq-Cents. Sa résolution était prise de ne souiller par aucune mesure sinistre son avénement au pouvoir. Résolu de faire la clôture de la révolution, il ne voulait rien emprunter de ses formes terribles; il craignait de faire un premier pas qui l'engageât, dans une domination sombre et violente. Aussi s'était-il refusé, avec un calme dédaigneux, à la proposition faite par Fouché de fermer les barrières; il faut, avait-il dit, que le peuple sache bien que cette journée n'a rien de commun avec celles qui l'ont rempli d'une juste épouvante.

Cependant Bonaparte avait, avec plus d'orgueil que de prudence, lancé le manifeste de la conspiration. Voici la proclamation qu'il avait adressée aux troupes, et fait publier dans Paris :

«< Depuis deux ans la République est mal gouvernée; dans quel état j'ai laissé la France, dans quel état je la retrouve ! Je vous avais

1799.

1799.

laissé la paix, je retrouve la guerre ; je vous
avais laissé des conquêtes, et l'ennemi presse
vos frontières. J'ai laissé vos arsenaux garnis,
et je n'ai pas trouvé une arme: vos canons
ont été vendus; le vol a été érigé en système :
les ressources de l'État sont épuisées : on a eu
recours à des moyens vexatoires, réprouvés
par la justice et le bon sens. On a livré le soldat
sans défense. Où sont-ils, les braves, les cent
mille camarades que j'ai laissés couverts de
lauriers ! que
sont-ils devenus ?... ils sont

morts.

<< Cet état de choses ne peut durer : avant trois ans il nous menerait au despotisme. Mais nous voulons la République, la République assise sur les bases de l'égalité, de la morale, de la liberté civile et de la tolérance politique. Avec une bonne administration, tous les individus oublieront les factions dont on les fit membres et ne voudront plus qu'être Français. Il est temps enfin que l'on rende aux défenseurs de la patrie la confiance à laquelle ils ont tant de droits. A entendre quelques factieux, nous serions tous les ennemis de la République, nous qui l'avons affermie par nos travaux et notre courage! Nous ne voulons de gens plus patriotes que les braves qui

pas

ont été mutilés au service de la République. 1799.

« Vous avez espéré que mon retour mettrait un terme à tant de maux; vous l'avez célébré avec une union qui m'impose des obligations que je remplis : vous remplirez les vôtres, et vous seconderez votre général avec énergie, vous justifierez la confiance que j'ai toujours eue en vous.

« La liberté, la victoire et la paix replaceront la République française au rang qu'elle occupait en Europe, et que l'ineptie et la trahison ont pu seules lui faire perdre. »

Mais dans la nuit, tandis qu'on délibérait encore aux Tuileries sur la marche qu'on suivrait à Saint-Cloud, la vigilance de Syeyès et de Fouché n'avait point été en défaut; ils avaient su qu'un terrible éclat se préparait pour le lendemain. Syeyès ouvrit l'avis de prévenir cet éclat par l'arrestation des quarante députés dont on connaissait le plus la violence. Bonaparte ne voulut voir dans ces alarmes et dans cette mesure qu'un reste de préjugés et d'habitudes révolutionnaires. Cette modération était imprudente. Bonaparte le dit dans ses Mémoires, et l'événement le prouva.

La translation des Conseils à Saint-Cloud

« ZurückWeiter »