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HISTOIRE

DU

DIRECTOIRE EXÉCUTIF.

LIVRE QUATRIÈME.

Je reviens aux débats de l'intérieur ; malheureusement ils seront de nature à faire re

gretter à mes lecteurs ce tumulte des camps et cet enchaînement de victoires qui, malgré de tristes résultats, s'emparent si vivement de l'imagination ce livre expliquera les causes et les effets de la triste journée qu'on appelle le 18 fructidor. Je serai fidèle à la loi qui me régit, celle d'honorer les victimes des cruautés révolutionnaires. Quelques détails où je vais entrer auront plus le ton des mémoires que le style historique ; je me sens commandé par

la nature de mon sujet.

Une république fondée

par

le crime,

main

1796.

tenue par la terreur, venait d'être illustrée plutôt qu'affermie par la gloire des armes. Une constitution que le canon du 13 vendémiaire avait déjà mutilée à sa naissance, comptait quinze mois d'une existence assez paisible. Quinze mois! On admirait cette longévité; l'œuvre de l'Assemblée Constituante ne s'était traînée jusqu'au 10 août qu'au milieu des affronts; et, quant à la Constitution de 1793, on n'avait pas même essayé de faire marcher le monstre. Un besoin commun de repos et la nécessité de se défendre contre les héritiers peu nombreux, mais opiniâtres, de Marat et de Roberspierre, avaient été le plus fort ciment de la tranquillité intérieure dans les deux Conseils; les débats n'avaient eu que peu de violence; et, après avoir été opprimé de l'intérêt trop dramatique des trois premières Assemblées, on avait le bonheur de trouver celles-ci quelquefois ennuyeuses. La conduite de la minorité, qui inclinait vers les opinions royalistes, avait été un chef-d'œuvre de patience et d'adresse. Les chefs de cette minorité avaient senti qu'il fallait attendre non en silence, mais sans túmulte, l'époque où un nouveau tiers allait remplacer l'un des deux tiers conventionnels. On était sûr de l'élection, car l'opi

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nion royaliste étendait ses conquêtes; on de- 1796. vait craindre, par trop d'impatience, d'exciter les ombrages du Directoire et de la majorité.

État des

partis dans les

de

Portrait quelques ora

La plupart des Conventionnels n'avaient perdu ni les habitudes, ni le ton, ni l'esprit deux Conseils. de la terrible montagne. Tallien, qu'ils détestaient, faisait tout pour recouvrer leur fa- teurs. veur. Ils parlaient de la Constitution avec froideur et mépris. Chacune de leurs paroles faisait connaître combien leur était importune cette barrière opposée à leurs violences. Ils frémissaient de rage en voyant que leurs dénonciations n'étaient plus suivies d'arrêts de mort; ils s'ennuyaient de parler toujours de terreur sans la produire. D'autres Conventionnels, qui n'avaient pas une même origine, et qui, dans un long combat et de longs malheurs, s'étaient fait une habitude de maudire la montagne, n'en vivaient plus très éloignés. Ceux-ci respectaient et aimaient la Constitution, mais ils veillaient avec prédilection à la défense des lois révolutionnaires dans lesquelles ils voyaient les plus solides remparts de la république: Louvet et Chénier étaient les principaux organes de ce parti.

Louvet, qui dans la Convention s'était

1796,

montré un courageux antagoniste de Roberspierre, portait plus de sincérité que de réflexion dans son républicanisme; après la honteuse et coupable défection de Vergniaud, de Guadet et de quelques autres Girondins, il avait persisté à s'abstenir du vote régicide. Lui qui, dans un roman licencieux, avait peint, caressé, propagé la corruption d'un siècle frivole, il voulait maintenant se monter au niveau des plus austères personnages de l'antiquité. Qu'arriva-t-il d'un tel dessein conçu par un esprit d'une telle légèreté? C'est que Louvet, dans la seconde partie de sa carrière politique, c'est-à-dire sous le Directoire, ne fut plus qu'un esprit défiant, tracassier et vulgaire. A force de voir partout des royalistes, il contribua beaucoup à en augmenter le nombre.

On pouvait s'étonner que Marie-Joseph Chénier, quoique jeune encore, n'eût joué qu'un rôle secondaire dans la révolution. Le début de sa carrière littéraire avait été plus orageux que brillant. Dans la franchise de son orgueil, il avait montré des prétentions pour cette suprématie dont Voltaire avait laissé l'héritage vacant. Sa célèbre tragédie de Charles IX, écrite avec plus de correction et de goût que

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