Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

1799.

ment fidèle de ses volontés; en le laissant dans le pouvoir suprême, Syeyès comptait s'en faire un appui contre l'ambitieux génie de Bonaparte.

Les deux autres Directeurs, quoique habitués à contrarier Syeyès, avaient bien peu de considération et de force pour résister à un homme tel que Bonaparte. Son retour était pour eux un sujet d'alarmes, mais ni l'un ni l'autre n'avait osé les laisser pénétrer. Gohier, assez · bon jurisconsulte, montrait de la bonne foi dans son républicanisme; sans violence dans le caractère, il inclinait pour les partis violens, ou du moins il était lié avec les orateurs les plus emportés des Cinq-Cents. Bonaparte même, avant son retour d'Égypte, avait senti de quel intérêt il serait pour lui de cultiver Gohier, pour en faire con instrument. Madame Bonaparte, par les ordres de son mari, faisait une cour assidue à cet insignifiant personnage, et cette femme élégante et coquette tâchait de se plier à la simplicité des goûts de ma dame Gohier. A peine osait-elle faire un pas sans ce guide austère; elle affectait surtout, devant ce couple, de craindre les desseins des frères de Bonaparte. La bonne Joséphine (Gohier lui donnait ce nom) était auprès de

lui, lorsqu'il reçut la nouvelle télégraphique 1799du débarquement à Fréjus. « Secondez-moi bien, lui dit-elle, je vais le détacher de ses « frères, et vous n'aurez pas un ami plus fi« dèle. » Quant à Moulins, il était un de ces généraux que les armées ne connaissaient guère, et qui tout au plus avait fait une triste apparition sur le théâtre de la Vendée, mais qu'on avait vu figurer dans plusieurs journées de la révolution. Son véritable frère d'armes avait été ce général Santerre, d'une si déplorable célébrité; on croit même qu'il était son parent. Les Jacobins trouvaient un protecteur fidèle dans leur vieux compagnon.

Parcourons encore d'autres personnages dont le nom va figurer dans le dernier drame de la révolution française, et se présentera sous un jour tout-à-fait nouveau pendant le règne de Bonaparte.

Plusieurs généraux d'une grande renommée se trouvaient à Paris. On distinguait parmi eux Moreau et Macdonald, dont la bonne intelligence avait été rompue par les événemens de la guerre d'Italie. J'ai dit ce que Moreau pensait du terrorisme renaissant. Macdonald, plein d'honneur et de fierté, avait également ces principes en horreur.

1799.

Les sentimens politiques de Bernadotte n'étaient pas faciles à saisir; il est probable qu'ils avaient un peu varié suivant les vues de son ambition. A l'armée, les divisions qu'il commandait affectaient une certaine indépendance dans leurs propos, et semblaient n'être pas fachées d'un certain renom de royalisme et d'aristocratie. Ce général avait des talens supérieurs, que la fortune n'avait point encore assez mis en évidence; aussi témoignait-il envers ses émules de gloire de l'inquiétude et de la jalousie. On l'avait nommé ministre de la guerre vers l'époque des grands désastres. Syeyès l'ayant jugé indocile à ses desseins, et peut-être favorable à ses ennemis, avait su l'éconduire du ministère. Bernadotte n'avait pas pardonné cette offense; peu content du rôle qu'il avait joué sous Bonaparte à l'armée d'Italie, il se sentait ami de l'égalité tant que Bonaparte dominerait.

L'influence du parti jacobin avait fait renvoyer depuis peu M. de Talleyrand du ministère ; jamais il n'avait cessé d'être un royaliste aux yeux de ce parti : il faut convenir cependant qu'à cette époque son royalisme était assez bien déguisé. Les clameurs des clubs

l'inquiétaient dans sa retraite, et l'on ne se

1

persuadait pas qu'elle pût être exempte de toute intrigue. Comme il avait conçu la première idée de l'expédition d'Égypte et qu'il avait promis de l'appuyer par une ambassade à Constantinople, mission qu'il s'était bien gardé de remplir, il pouvait craindre le ressentiment du général qui revenait triomphant de son exil; mais Bonaparte était saus colère contre les hommes habiles dont il pouvait se servir : la plus parfaite intelligence s'établit entre eux. Madame de Staël était alors absente de Paris; elle n'y revint que pour voir le triomphe de Bonaparte, et son chagrin fut égal à la joie de M. de Talleyrand.

Les généraux Jourdan et Augereau avaient maintenant leurs postes de retraite au Conseil des Cinq-Cents: l'un et l'autre y exerçaient beaucoup d'empire, mais à des titres différens. Les revers de Jourdan n'avaient pu faire oublier en lui le vainqueur de Vatignies, de Fleurus et de la Chartreuse. Il parlait peu dans les affaires de parti, et se réservait les vues d'administration. C'était lui qui avait fait passer la loi de conscription qui fondait le régime militaire de la France; cette loi dont Bonaparte depuis fit un si impitoyable usage. Augereau venait de signaler son pouvoir et

1799.

1799.

sa vengeance en aidant à renverser, dans la journée du 30 prairial, deux de ces Directeurs qu'il avait fait triompher au 18 fructidor. Augereau et Jourdan croyaient encore à la destinée éternelle de la République.

Le ministre de la justice, Cambacérès, homme d'esprit, jurisconsulte distingué et, quand il l'osait, homme d'état judicieux, avait rétréci ses talens par toutes les petites ruses de la circonspection; la terreur et l'anarchie comprimaient son caractère : il se montrait un tout autre homme, lorsqu'il avait dans le calme à développer des idées d'ordre public.

J'ai parlé tout à l'heure du secours inespéré que Fouché avait donué aux amis de l'ordre contre les partisans de l'anarchie. Rien ne lui était maintenant plus insupportable que sa réputation de vieux Jacobin. A peine avait-il touché le pouvoir, que sa haine pour le despotisme était fort amollie. Doué d'une sagacité peu commune, il ne lui fut pas difficile de distinguer entre Bonaparte, Syeyès et Barras, à qui devait rester le pouvoir; il se donna tout au premier, même avant d'en être recherché, et ses services furent d'autant plus appréciés que Bonaparte les avait moins demandés.

On voyait figurer dans les emplois muni

« ZurückWeiter »