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sorte, à cause de lui seul. Quelques généraux 1799. ou officiers, qui vivaient dans sa plus étroite intimité, et quelques savans étaient ses seuls compagnons de voyage. En partant, il avait laissé le commandement au général Kléber; sa dernière proclamation à ses soldats leur annonçait qu'il venait chercher pour eux le secours d'un puissant armement. Il mit à la voile le 22 septembre avec les frégates la Muiron et la Carrère, et deux petits bâtimens. Les Anglais dominaient tellement sur cette mer, leurs croisières y étaient si nombreuses, et Sidney Smith qui les commandait était si vigilant dans sa haine nationale, que Bonaparte n'avait jamais mis sa fortune à une plus grande épreuve. Les vents secondèrent un homme qui comptait sur le destin, et dont la Providence voulait se servir. La traversée fut parfaitement heureuse; on n'eut à éviter la rencontre. d'aucun vaisseau anglais. Le 9 octobre, les frégates mouillèrent dans le golfe de Fréjus. Au nom de Bonaparte une ivresse générale se manifeste; avec lui on est déjà sûr de ressaisir la victoire, et, ce qui touche beaucoup plus tous les cœurs, d'être délivré de l'anarchie. Ne vous attendez pas qu'il recule l'exécution de II. ́.

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ses grands desseins, en se conformant à la loi si générale et si absolue de la quarantaine. Les acclamations redoublent sur son passage; tout une population qui se précipite sur ses pas semble lui déférer la dictature. L'espèce de miracle qui l'a fait passer à travers les croisières anglaises donne à l'enthousiasme la force d'une superstition. C'est à Lyon surtout que ces transports éclatent sans mesure; cette ville, après avoir été la plus glorieuse et la plus déplorable victime de la terreur, achevait de mourir sous les coups de l'anarchie; elle comprenait qu'un grand général d'un caractère absolu portait du moins l'ordre avec lui. Dès que la dépêche télégraphique qui annonçait l'arrivée de Bonaparte à Fréjus fut connue, Paris, qui, depuis le 18 fructidor, opprimé par d'ineptes tyrans, craignait de tomber sous des tyrans plus ignobles et plus odieux encore, n'eut plus d'autre pensée que de chercher le repos sous l'abri de la gloire. Les âmes étaient tellement froissées, qu'on pensait au salut plus qu'à la liberté.

Mais

voyons quelles étaient les dispositions des dépositaires du pouvoir, et commençons par les Penturques.

Barras était le seul qui, dans la journée du

30 prairial, eût échappé à la disgrâce si légère et si méritée des auteurs du 18 fructidor; mais plus sa domination s'était prolongée, plus elle paraissait languissante et vieillie. Sa dextérité révolutionnaire, tant de fois mise à l'épreuve, ne lui laissait la confiance d'aucun parti, et il n'en avait plus guère en lui-même. On dit qu'il s'était opéré alors un grand et subit changement dans ses combinaisons et dans ses principes. Des écrits fort récens parlent, avec des détails qui semblent assez précis, d'une négociation que ce Directeur aurait ouverte avec les agens du roi Louis XVIII; il s'engageait, dit-on, à favoriser par tous moyens le retour du roi légitime, à condition qu'il en obtiendrait l'entier oubli de sa conduite révolutionnaire, et une forte indemnité. La conduite qu'il a tenue depuis vingt-sept ans rend cette conjecture assez plausible; quoi qu'il en soit, Barras restait impénétrable et fort incommode à chacun de ses quatre collègues ; comme ceux-ci formaient deux partis très opposés, Barras se réservait de tenir la balance entre eux. De là un nouvel accroissement d'anarchie, car les éternelles vacillations du Directoire rendaient tous les partis forts de sa faiblesse.

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Syeyès était engagé dans une guerre ouverte contre les Jacobins, ce qui le constituait dans un état d'hostilité presque habituelle avec le Conseil des Cinq-Cents, où les vieux Jacobins étaient fortement représentés. De plus, ce Directeur était un ennemi secret de la constitution dont on invoquait encore les misérables restes, attendu qu'elle n'était pas son ouvrage. Depuis trois mois il cherchait un général qui pût lui servir de bouclier contre ses ennemis les plus dangereux, qui voulût prêter un bras docile à l'exécution de ses plans mystérieux, et mettre en œuvre les rouages embarrassés d'une constitution obscure qu'il roulait dans sa tête. Ce général, il l'avait trouvé d'abord, ainsi que je l'ai dit, dans l'intrépide Joubert; mais la mort du héros au champ de bataille de Novi avait rompu un plan dont le succès n'aurait pu être assuré que par une victoire éclatante; beaucoup de personnes ont pensé que les desseins de Joubert et de Syeyès avaient été pénétrés par les hommes qui avaient le plus d'intérêt à les rompre, et que le coup sous lequel succomba ce général dès le commencement de l'action ne fut point porté par les ennemis, mais par un assassin gagé. Les moyens me man

quent pour discuter cette conjecture. Après 1799la perte de Joubert, Syeyès avait jeté les yeux sur le général Moreau; mais celui-ci, quoique ennemi de l'anarchie et du Conseil des Cinq-Cents qui inclinait pour les principes de la vieille terreur, s'épouvantait d'avoir à jouer un rôle politique. Malgré les nouveaux faits qui, pour les juges exercés, élevaient encore plus haut sa gloire militaire, ce général avait perdu tout crédit auprès des royalistes et républicains par sa lettre sur le général Pichegru. Quoique Syeyès n'aimât point à partager le pouvoir ni à céder le premier rôle, il se vit obligé, par les difficultés de sa position, de songer à Bonaparte absent; il avait exprimé en termes formels le vœu de son retour aux deux frères de l'illustre général, Joseph et Lucien; ainsi Bonaparte, prêt à culbuter et constitution et Conseils, pouvait compter sur un puissant complice qu'il saurait faire descendre au rang de son sujet; de son côté Syeyès se disait : J'enverrai ce grand capitaine à l'armée, et je régnerai dans l'intérieur.

pour

Roger Ducos était au Directoire Syeyès ce que précédemment Le Tourneur avait été pour Carnot, c'est-à-dire l'instru

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