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Charles, vainqueur, chaque pouce de terrain sur le territoire helvétique, et après dix combats il avait à peine reculé de dix lieues. Il se garda bien de troubler les opérations discordantes de la ligue en annonçant trop tôt l'intention d'en profiter. Il a rassemblé ses forces; il se dispose à reprendre dans un seul jour tout le terrain qu'il n'a cédé qu'en quatre mois de combats. Il a chargé le général Lecourbe de s'opposer à la marche de Souwarow. La plupart des mémoires militaires s'accordent à donner les plus grands éloges à la conduite du général russe au moment où la victoire s'apprête à abandonner ses drapeaux. On rapporte que, se disposant à attaquer un poste de Français qui défendait le Saint-Gothard, et voyant ses soldats interdits à l'aspect de ces cimes encore chargées de glaces et de neiges, il ranima leur courage par un trait qui caractérise à la fois lui et son armée. Il s'arrête, se jette ou tombe par hasard dans un fossé plein de fange, et dit en se relevant à ses soldats : « Voilà comme vous serez tous si vous laissez « échapper la victoire. »

Souwarow avait déjà emporté le poste du mont Saint-Gothard et plusieurs autres non moins importans. Il n'était plus qu'à peu de

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distance de l'armée de son compatriote Kor-
sakow, qui venait former une aile de l'armée de
l'archiduc Charles. Souwarow devait en pren-
dre le commandement, et déjà il se flattait,
après avoir chassé les Français de la Suisse, de
pénétrer en France par la Franche-Comté, et
il espérait terminer la campagne avec Paris;
lorsque Masséna commença l'opération la plus
importante et la plus heureuse de toute la
campagne. Le 23 septembre 1799, il avait
fait une attaque générale contre tous les postes
de l'armée des alliés. Par ses habiles mancu-
vres, il avait entièrement séparé le corps
autrichien commandé par le général Hotze;
et surtout il lui avait rendu impossible toute
jonction avec Souwarow. Hotze, au déses-
poir, imite le dévouement du général Joubert,
et, comme lui, est tué au commencement de
l'action, en chargeant à la tête de ses grena-
diers. Toute l'aile qu'il commandait est bat-
tue, dispersée, erre dans les montagnes sans
pouvoir se rejoindre au centre de l'armée.
L'effort des Français se porte ensuite sur l'ar-
mée russe,
commandée par le prince Korsa-
kow; le pont de Bellickon, couvert des plus
formidables batteries, est emporté. Bientôt
après, on force le camp de Wettingen, où

Korsakow s'était retiré, et où il avait cru arrêter l'impétuosité des Français en formant un bataillon carré de quinze mille hommes. L'artillerie renverse, comme à Fontenoy, cette colonne. Les rangs sont éclaircis et ne peuvent se reformer. Les Russes se pressent les uns sur les autres : leur immobilité les laisse sans défense contre la baïonnette des soldats français. Enfin on les pousse jusque dans les faubourgs de Zurich : on les y poursuit. Déjà la ville est sommée de se rendre ; le commandant s'y refuse. La nuit s'avance: si elle suspend le combat, c'est pour le rendre encore plus terrible. Le lendemain, les Russes se rallient et rassemblent leurs bataillons derrière Zurich. Dès le crépuscule, l'action se rengage. Les Français ont dû le succès de la veille à leur discipline; Masséna permet tout aujourd'hui à leur impétuosité. Le prix de la gloire entre tous les braves est à qui entrera le premier dans Zurich. Le général Oudinot l'obtient. Il fait enfoncer la porte de Bade. D'autres pénètrent d'un côté opposé. La ville est emportée, les Russes sont poursuivis de rue en rue; leur résistance rend plus acharnés les soldats francais. Au milieu des horreurs inséparables de cette multitude de combats

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dans une ville prise d'assaut, peu d'habitans de Zurich perdirent la vie. Mais la fatalité la plus cruelle, ou l'aveugle férocité d'un soldat, priva cette ville du pasteur le plus propre, par ses vertus, par son zèle ardent et par feu de son imagination, à consoler la Suisse dans ces jours malheureux.

le

Quand chaque habitant, glacé de terreur, se tenait renfermé dans sa maison, le célèbre Lavater sortit de la sienne. Il regardait comme un devoir de son saint ministère de chercher à adoucir les vainqueurs, de sauver ou les citoyens ou les guerriers qui pouvaient être menacés. Tout devait lui faire espérer le succès de cette courageuse mission: une figure imposante que la vieillesse avait rendue encore plus auguste, et qui annonçait les inspirations du génie, ajoutait à l'effet de ses discours éloquens. Il était au milieu d'un groupe de vainqueurs et de vaincus; son bras s'étendait sur les derniers, comme pour les protéger; il offrait aux premiers quelques rafraîchissemens, lorsqu'un coup, porté par je ne sais quel barbare, priva l'humanité de ce pasteur vertueux. Toute l'armée gémit de ce malheur. Il ne paraît pas que la victoire ait été souillée par un grand nombre de meurtres de ce genre.

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Quel fut le désespoir de Souwarow en apprenant un désastre qu'il était si loin de prévoir! Au lieu de trouver une armée qui, depuis le commencement de la campagne, n'avait obtenu que des succès, et à la tête de laquelle il s'était flatté de traverser la Suisse et de marcher en conquérant sur Paris, il faut qu'il dispose sa propre retraite et qu'il fuie sans avoir été vaincu. Il ne peut s'y résoudre; il s'emporte, il menace ; il ordonne au malheureux Korsakow de tenter encore avec les débris de son armée un nouveau combat; Korsakow obéit; il est vaincu une seconde fois. Masséna se porte avec rapidité vers l'aile que commande le général Lecourbe, et qui va poursuivre Souwarów. Déjà l'on se flatte à Paris de voir arriver prisonnier le héros russe qui s'est rendu l'Annibal de la nouvelle République ; mais ni son courage ni ses talens militaires ne l'ont abandonné dans cette situation presque désespérée : il combat à chaque poste ; il se défend sur chaque montagne; souvent il est obligé d'abandonner son artillerie; quelquefois il ne peut secourir des corps qui sont assaillis par des forces supérieures. Enfin il revoit l'Italie, le théâtre de sa gloire, où il ne ramène que treize mille combattans indi

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