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toutes les journées révolutionnaires; son âme, inaccessible à la vengeance, ne lui eût pas permis de donner des suites cruelles à une victoire de ce genre. Un sentiment plus doux l'avait occupé : il venait d'épouser la fille de M. de Sémonville; et comme s'il n'eût pas eu encore assez de gloire à offrir à sa jeune épouse, il avait volé aux plaines d'Italie, et il avait trouvé l'armée presque dans le même lieu où Bonaparte avait commencé sa conquête. J'ai dit qu'il avait conçu de concert avec Syeyès le projet de délivrer la République de l'anarchie. Il lui fallait une gloire nouvelle et l'éclat de grands services rendus pour commander en arbitre à des partis furieux. Joubert va combattre. Une guerre défensive lui paraît insupportable pour des Français; elle l'est surtout pour lui-même. Il est parvenu à réunir trente-six mille hommes, mais dont le plus grand nombre n'est point encore éprouvé par la guerre. Il a sous ses ordres des généraux estimés. Moreau est parmi eux, et semble toujours, en servant sa patrie, aussi heureux d'obéir que de commander. Ils confèrent ensemble sans rivalité. Ils savent que Souwarow va recevoir un renfort de vingt mille hommes. C'est l'armée du général Kray qui

revient de Mantoue, qu'une capitulation, sujet d'un long murmure parmi les militaires français, lui avait livrée beaucoup plus tôt qu'il ne pouvait l'espérer. Le général Joubert se décide à prévenir, s'il en est temps encore, cette importante jonction, qui portera l'armée des alliés à plus de soixante mille hommes. Mais, malgré la promptitude de ses mouvemens, il est trompé dans son espérance. A peine s'est-il emparé des hauteurs de Novi, dans l'intention d'offrir la bataille, qu'il s'aperçoit, à la confiance des ennemis, que la jonction s'est déjà opérée ; et c'est le général Kray lui-même qui commence l'attaque contre l'aile gauche de l'armée française. Joubert sent toutes les difficultés de sa position; il n'a plus de confiance que dans l'héroïsme de son armée; il croit que l'excès du péril lui permet de se conduire en soldat; il marche à la tête d'une colonne d'infanterie. Il a tellement habitué l'armée à l'excès de son intrépidité, qu'elle ne songe pas même à le contenir. Les sermens de vaincre ou de mourir, les cris de vive la République, les chants d'une joie martiale retentissent sur son passage et se mêlent au sifflement des balles.... Mais un morne silence, et bientôt les cris du désespoir

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succèdent à ce tumulte belliqueux. Joubert à reçu une balle qui l'a atteint au cœur. On l'a vu tomber de cheval; sa voix s'est ranimée pour prononcer ces mots : Marchez toujours. Déjà le héros n'est plus. Les soldats consternés aperçoivent Moreau, et Moreau sera encore une fois leur général. L'action est si vivement engagée, que les coinbinaisons militaires semblent suspendues des deux côtés. La plus grande chaleur du combat est auprès du poste de Novi, que les Français défendent avec toute leur bravoure, qu'ils abandonnent, qu'ils reprennent, et d'où le général Moreau se retire enfin après avoir essuyé et fait souffrir aux ennemis une perte énorme, après avoir eu un cheval tué sous lui et ses habits criblés de balles. Mais en se retirant il a été forcé de se séparer des corps que commandent les généraux Pérignon, Grouchi et Colli. Souwarow se jette avec impétuosité sur Novi, où ces corps se sont réfugiés. Il en fait enfoncer les portes à coups de canon. Il fait une multitude de prisonniers, parmi lesquels sont les trois généraux que je viens de nommer, et qui n'ont 'cessé de se battre que lorsque leur sang est presque épuisé par leurs blessures. Malheureusement la bravoure du héros tartare, sur

tout à la fin du combat, ressemblait à la rage. Sa victoire fut souillée par le massacre d'un grand nombre de Français qui rendaient les armes. Jamais Bonaparte n'avait cédé à cette indigne furie. Cette bataille, une des plus meurtrières qui se soit donnée depuis l'invention de la poudre, et où la perte des Français fut évaluée à près de vingt-cinq mille hommes par les alliés, qui avouèrent de leur côté plus de quinze mille hommes tués ou blessés, ne valut à ces derniers que la conquête des forteresses du Piémont qui leur résistaient encore. Il leur fallut, pour se rendre maîtres de Coni, remporter sur le général Championnet une nouvelle victoire, qui fut vivement disputée; tout le territoire de Gênes fut conservé.

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Zurich.

J'ai dit enfin la dernière défaite des Fran- Bataille de çais. La fortune change, l'esprit de discorde qui vient toujours arrêter les coalitions triomphantes s'est répandu sur les alliés. Souwarow, vainqueur dans tant de journées mémorables, est comblé d'honneurs ; la reconnaissance de son souverain ne lui laisse rien à envier. Mais le cabinet de Vienne, soit par quelque jalousie, soit par esprit de domination, trace, pour la fin de cette campagne, des plans qui ne s'accordent plus avec les opérations de Souwa

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row. Il n'est plus maître de chercher lui-même le fruit qu'il peut tirer de ses victoires. On dispose de son armée, il faut qu'il abandonne l'Italie aux deux généraux autrichiens Kray et Mélas, qui l'ont aidé à la conquérir, et qu'il se rende en Suisse, où déjà un corps d'armée russe est venu fortifier l'archiduc Charles. Mais ce prince victorieux va-t-il servir sous les ordres du héros russe qui vient d'éclipser sa gloire? Soit que la jalousie fût allumée entre les deux généraux, soit qu'elle n'existat qu'entre les deux cabinets, on vit avec étonnement l'archiduc Charles quitter Zurich avec l'élite de son armée pour aller à la rencontre du général français Muller, qui faisait une fausse attaque sur Philisbourg, tandis que Souwarow, désespéré de quitter l'Italie, s'avançait vers Zurich à marches forcées, à travers les montagnes, les rochers et les précipices. Ainsi il se trouva un intervalle de près de trois semaines où les armées victorieuses des alliés n'eurent plus de centre nide point d'appui. Ce mouvement n'échappa point à un général aussi vigilant et aussi intrépide que Masséna. L'armée battue à Stockach, et qui s'était retirée sur la Suisse, lui avait été confiée; il avait disputé ardemment à l'archiduc

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