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don qu'il avait fait de ses collègues, craignait de réveiller le souvenir des griefs qui lui étaient communs avec eux. Il paraissait rechercher l'alliance des Jacobins, qui gardaient avec lui une fierté gage de leur ressentiment. La conduite que tint le directeur Syeyès dans des circonstances aussi difficiles est une honorable partie de sa carrière politique. Secondé d'un seul de ses collègues, Roger-Ducos, sans puissance réelle, puisqu'il n'entraînait ni la majorité du Directoire, ni celle du Conseil, qui avait l'initiative des lois, il servit de ralliement à tous ceux qu'épouvantait le nouveau règne des Jacobins ; son nom était une autorité. Ses premiers écrits, son long silence, le dédain qu'il avait annoncé pour des constitutions imparfaites, tout faisait croire que dans le moment même où il s'élevait avec fermeté contre les entreprises des démocrates, il était prêt à présenter un système entier de lois qui donnerait enfin de la fixité à une république toujours ébranlée. Malgré le profond mystère de ses méditations, on soupçonnait qu'il voulait établir une aristocratie vigoureuse combinée avec quelques élémens de la monarchie. Les projets qu'on lui supposait éveillaient tous les esprits. A aucune époque de la révo

lution, on ne vit plus d'intrigues ni plus de plans divers. La constitution, qu'on paraissait encore invoquer, n'inspirait plus de confiance à personne. Aucun parti ne se présentait pour la protéger : toute la question était de savoir si elle périrait par le feu des séditions, ou si elle serait écartée sans violence pour faire place à un autre système. Hors du pouvoir, et dans le pouvoir même, chacun croyait avoir le secret, ou cherchait à se donner l'importance d'une grande intrigue.

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y avait peu de réunions où l'on ne discutât les moyens de changer le gouvernement de、 la République. Il se formait par degrés une confédération anti-jacobine, et l'on y voyait entrer des hommes qui, ayant long-temps montré du penchant pour les principes démocratiques, ne voulaient plus les suivre dans leurs conséquences les plus extravagantes. On se disait confidentiellement que tel ou tel général adhérait à cette ligue, et s'en déclarerait le chef dans une occasion importante. Surtout on paraissait se promettre les secours du général Joubert. La consternation fut extrême lorsqu'on apprit que ce jeune héros avait péri dans une bataille, que peut-être l'ardeur d'exécuter de grands projets lui avait

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fait précipiter. On n'avait pas vu sans terreur la nomination de Fouché au ministère de la police; chacun se rappelait et son vote régicide et les sanglantes missions dans lesquelles il avait accompagné Collot-d'Herbois. Par je ne sais quel effort de caractère, ou par une heureuse impulsion du remords, il se montra dans ces circonstances terribles, et resta pour tout le reste de sa vie politique un ennemi aussi courageux qu'adroit de l'anarchie, et même des principes violens.

Le directeur Syeyès n'avait qu'un seul moyen de manifester son opposition contre les Jacobins. Il était président du Directoire. Chaque fois qu'en cette qualité il avait à parler au nom du gouvernement, il prêtait à tous ses collègues les propres sentimens dont il était animé contre les promoteurs de l'anarchie. Ses discours étaient véhémens, et quoiqu'ils ne fussent suivis d'aucune résolution, ils supposaient toujours en lui la faculté d'en prendre une décisive.

Le nouveau ministre de la police, Fouché, le seconda beaucoup mieux que les Directeurs, ses collègues. II osa faire fermer le club des Jacobins, qui avait été transféré de la salle du Manége à la rue du Bac. Il avait

à craindre d'être désavoué par le Directoire et par le Conseil des Cinq-Cents, dont la plupart des chefs avaient fait une intime alliance avec les Jacobins. Il prit cette mesure avec une telle vivacité, qu'on le crut puissant en le voyant confiant et courageux. Les Directeurs, après le succès, lui pardonnèrent de leur avoir offert les moyens de n'être plus esclaves d'un parti. On déclama contre lui au Conseil des CinqCents; mais on n'osa le condamner dans le jour même, et le lendemain il fit prendre une plus haute opinion des ressources qu'il s'était assurées pour soutenir une mesure aussi ferme.

Le Conseil des Anciens laissait quelque espoir aux amis de l'ordre. Les plus distingués de ses membres exprimaient une profonde aversion pour les remèdes violens et sanguinaires qu'on voulait appliquer aux maux de la patrie, et ils en avaient fait rejeter plusieurs. Cependant leurs efforts et ceux de plusieurs orateurs du Conseil des Cinq-Cents ne purent empêcher deux lois qui avaient une sinistre analogie avec les mesures révolutionnaires les plus détestées; l'une était la loi des otages, et l'autre un emprunt forcé et progressif. La guerre civile, qui s'annonçait dans plusieurs

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1799. départemens, et qui se faisait craindre dans beaucoup d'autres, la détresse du trésor public, avaient appelé ces deux lois, dont l'effet était d'aggraver l'un et l'autre de ces fléaux. Je vais indiquer, dans un tableau rapide, ce la France avait à craindre de ces proque vinces révoltées.

Les royalistes bretons se montraient alors plus redoutables peut-être pour la république que n'avaient pu l'être les royalistes du Maine et de l'Anjou, dans le cours le plus éclatant de leurs triomphes. La forte et mystérieuse organisation qu'ils avaient donnée à des bandes long-temps indisciplinées les rendait singulièrement propres à étendre leurs conquêtes et à grossir leur armée, si ce n'était dans les villes, au moins dans les campagnes. Leurs exploits avaient long-temps consisté dans une foule de petits engagemens et d'embuscades nocturnes, qu'il est impossible de faire entrer dans l'histoire. Il y a trente-trois ans qu'ils prirent les armes, et ils les portèrent pendant huit ans presque sans aucun intervalle, et c'est seulement dans cette année 1826. que les Lettres sur la Chouanerie, publiées par M. de Scépeaux, viennent nous fournir des documens positifs sur leur origine et sur leurs

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