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L'expérience rappelait les uns à des institu- 1799. tions plus voisines de la monarchie; les autres se flattaient de voir réaliser le rêve de démocratie dont ils s'opiniâtraient à retenir les dangereuses chimères: Les trois Directeurs, La Réveillère-Lépeaux, Treilhard et Merlin (de Douai), dent on avait résolu l'expulsion, étaient des avocats. On employa contre eux les armes dont on leur reprochait l'usage. On raffina sur eux en subtilités de légistes. L'élection de Treilhard fut déclarée illégale. Quand on eut porté ce coup, on déclara la séance permanente. On se tint pendant trois jours et trois nuits dans un état d'hostilité qui ne semblait pouvoir se décider que par l'effusion du sang. Les trois Directeurs menacés s'annonçaient comme résolus à se défendre; ils protestaient et juraient de mourir à leur poste. Barras et Syeyès protestaient et juraient avec eux. Le peuple de Paris, devenu très indifférent sur le choix de ses maîtres, assistait à tout ce mouvement comme à la représentation d'un drame dont l'action lui paraissait plus propre à exciter la curiosité que l'intérêt. Les trois Directeurs cédèrent au moment où il leur restait encore de grands moyens de résistance; ils donnèrent leur démission. On

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leur donna pour successeurs Gohier, RogerDucos et le général Moulins. Tout ce mouvement, qui fut honoré du nom de la révolution du 30 prairial, amena une époque où la République eut en réalité tous les maux de l'anarchie, et vit en perspective tous les fléaux du gouvernement révolutionnaire qui l'avaient opprimée et presque étouffée dès son berceau.

Le résultat direct de cette journée paraissait être de subordonner enfin le Directoire aux deux Conseils. Ils avaient donné à Barras et à Syeyès trois collègues qui n'étaient ni disposés ni propres à faire revivre la dictature que le 18 fructidor avait établie. Ils avaient pris leurs précautions contre toute espèce d'empire, excepté contre celui des Jacobins, c'est-à-dire celui de la multitude. Les clubs se rouvrirent. Les Jacobins y rentrèrent comme par droit de conquête. A Paris, ils prirent possession de la salle dite du Manége, où l'Assemblée Constituante avait eu ces débats animés par tant de passions, brillans de tant d'éloquence. Ce lieu était pour les Jacobins un poste militaire. De là, ils se flattaient de dominer aisément l'un des deux Conseils qui siégeait aux Tuileries, et de se rendre maîtres de ce jardin qui leur rappelait plusieurs vic

toires de la sédition. J'ai dit plus haut que les Jacobins, lorsque après le 18 fructidor ils soutinrent une lutte contre le Directoire, prompt à les accuser et timide à les punir, avaient professé sans pudeur les principes d'une folle démocratie, mais qu'ils s'étaient abstenus de répéter les maximes sanguinaires dont plusieurs d'entre eux avaient fait de si cruelles applications; et que, s'ils n'osaient plaindre les victimes du 18 fructidor, au moins ils en avaient condamné les principes. Mais, dans une secte politique qui tire toute sa force des passions de la multitude, les promesses de modération, lors même qu'elles ne sont pas hypocrites, sont bientôt démenties: l'horreur du crime est bien faible dans une société où la tiédeur est le plus grand des crimes. Les Jacobins reparaissaient protégés par des circonstances fort semblables à celles qui leur avaient valu desi épouvantables succès. Le prétexte de la vengeance avait manqué à la plupart des supplices et des massacres qui avaient signalé leur premier règne; que ne devait-on pas craindre d'eux lorsqu'ils avaient vu frapper un si grand nombre de leurs compagnons dans l'ouest et dans le midi, et lorsqu'ils mettaient au nombre de leurs martyrs ceux mêmes que le Di

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rectoire avait fait condamner dans le flagrant délit de la sédition ! Gracchus Babœuf, dont ils honoraient la mémoire, avait poussé son audace extravagante jusqu'à invoquer des lois agraires. A son exemple, quelques uns des Jacobins appelaient le partage des biens, et ce vœu n'était condamné par les autres que comme un principe exagéré. Un grand nombre de membres du Conseil des Cinq-Cents assistaient à ces absurdes délibérations, et regardaient cet enthousiasme comme le seul moyen de salut public dans les dangers de la patrie. Ils se flattaient de diriger ce torrent, mais ils ne faisaient rien qui n'ajoutât à la violence et à la rapidité de son cours. C'était un moment d'alarme dans tout Paris que celui où les Jacobins sortaient de la vaste salle du Manége, qui suffisait à peine au nombreux concours de leurs agrégés. Ils se répandaient dans le jardin des Tuileries, et l'épouvante croissait en raison de leur joie. Les chants belliqueux n'étaient dans leur bouche que des chants de mort. Tous les symptômes d'une seconde terreur apparaissaient. Éloignés depuis long-temps des affaires publiques, la plupart des citoyens sages et éclairés dissertaient sur la possibilité d'un nouveau règne

de sang, comme s'il se fût agi de l'un de 1799. ces événemens que les efforts humains ne peuvent détourner. Quelquefois on justifiait son inertie par des motifs de sécurité assez plausibles : « On ne peut, disait-on, éprouver << deux fois un fléau aussi terrible; la puissance <«<< des assignats manque aux Jacobins, le << peuple est détrompé sur eux, l'armée les << repousse ».

Il est vrai qu'on ne voyait plus la multitude de la capitale enivrée, comme dans les années de 1792 et de 1793, du fanatisme révolutionnaire. Elle recevait toutes les promesses des Jacobins sans joie, sans illusion, mais elle écoutait sans horreur les menaces qu'ils faisaient à leurs ennemis. Elle se tenait loin du combat, et ne se fût présentée qu'au moment des dépouilles. Son apathie faisait le désespoir des Jacobins, qui d'ailleurs cherchaient en vain parmi eux des chefs capables de l'agiter violemment. Leur ascendant se faisait plus sentir aux dépositaires de l'autorité. Deux des nouveaux Directeurs, Gohier et Moulins, paraissaient s'appuyer sur ce parti, ou du moins montraient une grande crainte de l'offenser. Un troisième, Barras, qui ne s'était conservé au Directoire que par l'aban

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